Surveillance de l'infection par le virus Zika en Europe (UE/EEE), juin 2015 à janvier 2017

Surveillance of Zika virus infection in the UE/EEA, june 2015 to January 2017

Publié le 9 novembre 2017

Le virus Zika, découvert depuis longtemps et circulant en Asie et en Afrique a émergé récemment provoquant quatre grandes épidémies : Micronésie (2007), Polynésie française (2013), Nouvelle Calédonie (2014), Amérique du Sud et centrale ainsi qu’aux Caraïbes (2015 et 2016). En 2015, une épidémie de grande ampleur, était signalée dans les Amériques. Une augmentation inhabituelle de microcéphalie chez les nouveau-nés et un nombre accru de cas de syndrome de Guillain-Barré et d’autres troubles neurologiques étaient notifiés. Dès 2016, la surveillance épidémiologique de l'infection à Zika virus dans l’Union européenne (UE) était mise en œuvre, sous la coordination de l'European Center for Disease Control, via le réseau européen de surveillance Zika constitué de représentants désignés des pays de l'UE. Santé publique France est membre de ce réseau. Cet article fait le premier bilan de la surveillance de l'infection par le virus Zika dans les pays de l'UE entre 2015 et 2017.

 

Alexandra Sepftons

Trois questions à Alexandra Sepftons, direction des maladies infectieuses

Dans quel contexte ce travail européen a-t-il été réalisé ? Quelle est la contribution de spfrance ? Tous les pays de l’ue avaient-ils la même approche pour cette surveillance ?

En 2015, le Zika virus s'est propagé rapidement dans les Amériques, y compris dans les départements et collectivités françaises, et a révélé de nouvelles voies de transmission, notamment la transmission sexuelle, et des complications sévères : des malformations congénitales et des syndromes neurologiques.

C’est dans ce contexte qu’un groupe de représentants de chaque pays membres, coordonné par l’ECDC, a travaillé sur la mise en place d’un système de surveillance européen. Ses Objectifs : la détection précoce et la notification rapide des cas importés et acquis localement, en particulier ceux résidant dans des zones de l'UE où sont implantés les moustiques vecteurs potentiels du virus, Aedes albopictus ou Aedes Aegypti, pour déclencher des mesures de contrôle appropriées. Ce système a été effectif dès mars 2016. Des protocoles pour la mise en place du système de surveillance ont été élaborés incluant des guides d’investigation, des définitions de cas, des critères de confirmation biologique et des procédures de collecte de données.

Santé publique France a contribué très largement aux discussions sur la mise en place de ce système, à l’élaboration des définitions de cas et des critères de confirmation biologique ainsi qu’aux différentes réflexions sur les recommandations sanitaires vis-à-vis du virus Zika.

Dans le cadre de la surveillance du virus Zika, les pays de l’UE ont été invités à mettre en place cette surveillance spécifique localement. Certains pays adoptaient une approche différente selon leurs moyens et le risque au niveau national.

En France, une surveillance nationale a été mise en place, dès janvier 2016, afin de détecter rapidement les cas importés ou autochtones et de limiter une transmission locale (au cours de la période d’activité du moustique Aedes albopictus, de mai à novembre) par la mise en œuvre précoce de mesures de lutte antivectorielle.

Quel est le bilan de l’infection par le virus zika dans ces 21 pays de l’eu/eea, soit une population de 375 millions d’habitants, deux ans après la grande épidémie de 2015 et la mise en place de ce réseau ?

Entre juin 2015 et mars 2017, 2 133 cas confirmés de Zika virus ont été rapportés par 21 pays de l’UE. La plupart des cas ont été infectés dans les Caraïbes (71 %), majoritairement en Guadeloupe (489 cas), en Martinique (421 cas) et en République Dominicaine (146 cas). Le nombre de cas rapporté dans l’UE a commencé à augmenter, concomitamment avec l’épidémie en cours dans les Amériques. La semaine du 15 août, un pic de 85 cas importés était rapporté.

La quasi-totalité des cas (99 %) ont été acquis durant un voyage en zone de circulation connue du virus, a priori par transmission vectorielle. Aucun cas n’a été infecté par des moustiques Aedes sur le continent Européen. Vingt cas de transmission sexuelle ont été rapportés en UE, dont 19 cas via une transmission sexuelle de l’homme vers la femme. Une centaine de femmes ont été infectées par le virus du Zika au cours de leurs grossesses. Parmi les cas importés, un seul cas de transmission de la mère à l’enfant a été rapporté au niveau européen.

Avec 1 141 cas, la France est le pays avec le plus grand nombre de cas détectés. La majorité d’entre eux ont été infectés en Guadeloupe, Martinique et Guyane Française, les trois départements et collectivités français d’Amérique les plus touchés par cette épidémie.

Quelle est la principale leçon à retenir de ce bilan ? Va-t-il impacter les modalités de surveillance de l’infection par le virus zika à l’échelon national et à européen ?

Cette étude suggère une faible capacité du moustique Aedes albopictus (en Europe) à transmettre le virus, compte-tenu de l’absence de transmission locale malgré un nombre conséquent de voyageurs infectés retournant de zone d’épidémie dans des zones en UE où ce moustique est bien implanté. Néanmoins, cette absence de transmission vectorielle locale peut également être due à l’efficacité des mesures de lutte antivectorielle mises en place au niveau des pays, comme cela est le cas en France.

Cette surveillance a permis de mettre en évidence un nombre limité de cas de transmission sexuelle (1 %), même si ce nombre a pu être sous-estimé du fait d’une proportion non négligeable de cas asymptomatique suite à une infection par le virus Zika.

La majorité des cas étant importés, les conseils aux voyageurs et plus spécifiquement pour les femmes enceintes sont essentiels.

Ce bilan montre également la capacité de ce système à repérer les cas de retour d’Afrique, d’Asie et d’Océanie, permettant ainsi de détecter de nouvelles zones de transmission, dans des pays où les capacités diagnostiques pour le Zika virus peuvent être limitées.

Spiteri G, Sudre B, Septfons A, Beauté J, on behalf of the European Zika surveillance Network. Surveillance of Zika virus infection in the EU/EEA, June 2015 to January 2017. Euro Surveill. 2017;22(41):pii=17-00254. https://doi.org /10.2807/1560-7917.ES.2017.22.41.17-00254.