Séquençage en temps réel du génome entier pour la surveillance de Listeria monocytogenes, France

Real-time whole-genome sequencing for surveillance of Listeria monocytogenes, France

Publié le 30 juin 2017

Listeria monocytogenes est la bactérie responsable de la listériose(1), infection d’origine alimentaire rare (environ 400 cas chaque année) mais grave, touchant préférentiellement les sujets dont le système immunitaire est fragile : personnes âgées, femmes enceintes et nouveau-nés, et personnes immunodéprimées. Elle peut conduire au décès dans un cas sur cinq. L’article 'Séquençage en temps réel du génome entier pour la surveillance de Listeria monocytogenes, France' paru ce mois-ci dans la revue Emerging Infectious Disease1 décrit l’application à la surveillance en routine de la listériose humaine d’une méthode de caractérisation des souches de Listeria basée sur le séquençage du génome entier développée par le Centre national de référence.

Santé publique France assure la surveillance épidémiologique de la listériose, en lien avec le Centre national de référence des Listeria (Institut Pasteur de Paris) qui assure la surveillance microbiologique des souches. Objectif : détecter le plus précocement possible des cas groupés afin d’identifier la source de contamination et mettre en œuvre les mesures de contrôle.

Mathieu Tourdjman

3 questions à Mathieu Tourdjman, direction des maladies infectieuses

Du point de vue de la santé publique, quelle est la plus-value de cette méthode d’analyse du génome entier par rapport à la méthode de référence utilisée jusqu’à présent pour identifier les souches de listeria ?

Comme pour la plupart des bactéries responsables d’infections d’origine alimentaire, il existe chez Listeria une grande diversité des souches. Disposer d’outils performants pour différencier les souches entre elles, est un gage d’efficacité pour repérer des malades infectés par une même souche — on parle de cas groupés, ou clusters en anglais — pour lesquels il est alors très vraisemblable qu’ils se soient contaminés à partir d’une source commune, qu’il nous faut donc identifier afin de réduire le risque de contamination d’autres personnes. Autrement dit, plus la méthode est performante, plus efficace pourra être l’identification de la source de contamination : cela permettra de donc de réduire le nombre de malades, et de limiter les coûts humains et économiques associés.
Jusque récemment, l’électrophorèse en champ pulsé était considérée comme la technique de référence pour distinguer les souches de Listeria entre elles. Bien que cette technique ait indéniablement contribué à la résolution de nombreuses épidémies, elle s’avère bien moins puissante que l’analyse du génome entier pour différencier les souches de Listeria. Le CNR des Listeria a développé une technique de séquençage du génome appelée core-genome Multilocus Sequence Typing ou cgMLST permettant de faire la distinction entre des souches dans des cas où l’électrophorèse ne le peut pas. Un tel niveau de discrimination permet donc d’identifier plus précisément les cas groupés et améliore notre capacité à trouver les sources de contamination des malades.

En quoi cette méthode est-elle plus adaptée à la surveillance en routine et en temps réel de la listériose et à la détection des cas groupés ?

Pendant deux ans, en 2015-2016, les deux méthodes ont été utilisées en parallèle sur 2743 souches de Listeria monocytogenes d’origines humaine, alimentaire et environnementale.
Sur cette période, la technique de séquençage génomique a permis d’identifier près de 4 fois plus de cas groupés que ceux identifiés par électrophorèse, d’en trouver plus fréquemment la source de contamination, et à un stade plus précoce, c’est-à-dire avant que les épidémies ne touchent un grand nombre de personnes.
La source de contamination a pu être identifiée dans près de 20% des cas groupés et des contaminations prolongées de sites de production alimentaire ont pu être mise en évidence. Dans certains cas, la contamination existait depuis plusieurs mois voire années, sans qu’il n’ait été possible de le repérer. Aujourd’hui, dès que deux malades présentent une même souche, une enquête est systématiquement réalisée.

Comment ces résultats vont-ils influencer la surveillance en routine des infections à listeria ? Pourra-t-elle avoir, à l’avenir, un impact sur la surveillance d’autres maladies infectieuses ?

D’ores et déjà, compte tenu de la très nette supériorité de cette technique de séquençage du génome, elle a remplacé l’électrophorèse pour la surveillance en routine de la listériose depuis le début de l’année 2017.
L’application du séquençage du génome à la surveillance de la listériose constitue en ce sens un modèle pour beaucoup d’autres maladies infectieuses : plus d’épidémies sont identifiées, et dans le même temps, les sources de contamination sont identifiées plus tôt et ces épidémies sont plus petites. Cette technique devrait contribuer à aider les producteurs à améliorer le contrôle du risque Listeria.
Compte tenu du faible nombre de cas annuels de listériose, cette maladie, pour laquelle il existe un  système de surveillance historiquement très performant en France, a pu servir de prototype pour l’application du séquençage en routine. A l’avenir, une telle surveillance est amenée à s’étendre à de nombreuses autres maladies infectieuses, telles que les salmonelloses, les shigelloses, les méningites.

Pour en savoir plus

(1)La listériose est une maladie à déclaration obligatoire depuis 1999.

Moura A, Tourdjman M, Leclercq A, Hamelin E, Laurent E, Fredriksen N, et alReal-time whole-genome sequencing for surveillance of Listeria monocytogenes, France. Emerg Infect Dis. 2017 Aug [date cited].