Santé des populations : conjuguer données scientifiques et savoirs issus de l’expérience. Le dossier de La Santé en action n°456, juin 2021.

Santé publique France publie, dans sa revue trimestrielle La Santé en action du mois de juin 2021, un dossier consacré à l’importance des données scientifiques probantes dans la prévention et la promotion de la santé

Publié le 21 juillet 2021

L’intérêt de s’appuyer sur les données probantes (i.e. : données produites de façon standardisée par un protocole scientifique ou par un recueil systématique qui intègrent tant les connaissances scientifiques qu’expérientielles des professionnels et des usagers) dans le champ de la prévention et de la promotion de la santé fait maintenant consensus. La pratique fondée sur les données probantes est ainsi reconnue par la plupart des acteurs et des décideurs comme un moyen d’améliorer l’efficacité, la crédibilité et la transférabilité des interventions de prévention et de promotion de la santé. 

Les connaissances scientifiques accumulées ces dernières décennies sont particulièrement abondantes et nous permettent aujourd’hui de savoir comment prévenir les principaux problèmes de santé publique. Un des enjeux majeurs de la prévention et de la promotion est donc de permettre le transfert et l’utilisation de ces connaissances scientifiques au sein des pratiques courantes et de dépasser les nombreux freins et obstacles à l’utilisation de ces données. 

Transférer les connaissances scientifiques au sein des pratiques tout en mobilisant les savoirs et savoir-faire issus de l’expérience

En miroir à cette masse de connaissances produite par les scientifiques, les acteurs de terrain – riches de leurs expertises coconstruites avec les publics et de leurs pratiques ancrées sur les territoires – ont accumulé au cours de la même période des savoirs et des savoir faire qui sont au cœur de la prévention et de la promotion de la santé en France. La mobilisation et la capitalisation de ces savoirs issus de l’expérience, des professionnels comme des usagers, représentent un enjeu tout aussi important.

Les connaissances scientifiques et les connaissances expérientielles sont certes produites dans des cadres différents, selon des modalités et des normes singulières, s’adaptant à des besoins et à des cultures professionnelles distincts. Toutefois, l’action de prévention et de promotion de la santé ne saurait se priver d’une dimension de ces savoirs pour apporter une réponse efficace au besoin de santé des populations. 

Cette complémentarité des connaissances scientifiques et expérientielles se trouve au cœur même du paradigme de l’evidence based, contrairement à la lecture restrictive et partisane qui en est souvent faite. Comme nous le rappelle l’un des fondateurs de ce paradigme, « les bons médecins utilisent à la fois l’expertise clinique individuelle et les meilleures données probantes disponibles, et ni l’un ni l’autre ne suffit à lui seul. Sans expertise clinique, la pratique risque d’être tyrannisée par les données probantes, car même d’excellentes données probantes peuvent être inapplicables ou inappropriées pour un patient individuel. Sans les meilleures données probantes actuelles, la pratique risque de devenir rapidement obsolète, au détriment des patients ». 

Un nécessaire accompagnement au transfert de connaissances

L’utilisation de ces différents types de savoirs - dans le but de mener des actions de promotion de la santé à même d’améliorer la santé des populations et de réduire les inégalités sociales de santé - nécessite un accompagnement au « transfert des connaissances ». Il consiste à articuler ces différents types de savoirs entre eux et à les rendre accessibles et concrets pour les acteurs et les décideurs. 

L’articulation entre ces différents types de savoirs se révèle de nouveau pertinente lorsqu’on s’interroge sur la transférabilité d’un programme de prévention promotion de la santé, validé scientifiquement. Il est connu de tous que la reproduction à l’identique d’un tel programme est une illusion. C’est pourquoi il est nécessaire d’engager une réflexion en s’appuyant sur les savoirs d’expérience des acteurs impliqués dans le projet, pour analyser ce qui est transférable dans un contexte spécifique et ce qui doit être adapté au dit contexte. Par ailleurs, il n’existe pas de recherches académiques disponibles en tout temps et sur l’ensemble des thèmes de la prévention promotion de la santé. 

L’exemple récent de la pandémie de Covid-19

La pandémie de Covid-19 a montré que, face aux incertitudes, les enseignements issus de l’expérience et des premières connaissances n’empêchent pas d’agir de manière rationnelle et argumentée. Les tâtonnements et, progressivement, les enseignements issus des pratiques professionnelles et des premières recherches facilitent les prises de décision et l’action. Au sein des collectivités locales, des contrats locaux de santé, des conseils de santé mentale et autres espaces de collaboration se sédimente un vivier de savoirs constitués par l’expérience et nourris des premiers résultats de recherche. 

En réponse aux inégalités sociales et territoriales de santé que la crise sanitaire, économique et sociale actuelle a mis en exergue et a accentuées, c’est un impératif éthique pour l’ensemble des acteurs de la prévention et de la promotion de la santé que de mettre à profit l’ensemble des savoirs disponibles au service de l’action publique. Le développement de politiques de promotion de la santé pertinentes (efficaces, efficientes, faisables, adaptées, acceptées et acceptables, éthiques, inclusives) est plus que jamais une obligation pour lutter contre les inégalités de santé qui se sont aggravées durant la crise. Pour ce faire, il est impératif de mettre à profit l’ensemble des savoirs disponibles au service de l’action publique en faisant écho aux principes de participation, d’équité et de démocratie qui sont au cœur des approches de promotion de la santé. L’enjeu commun de ces principes est de créer des espaces de dialogue entre les différentes formes de savoirs au bénéfice de la santé des populations. 

Au sommaire

Une trentaine d’experts (chercheurs et professionnels de terrain) ont contribué à ce dossier central de La Santé en action :

  • En introduction, Béatrice Lamboy (Santé publique France) définit les interventions fondées sur les données probantes. Voir l'article
  • Benjamin Soudier (Société française de santé publique) et un collectif d’auteurs expliquent comment capitaliser les expériences en promotion de la santé. Voir l'article
  • Marie-Renée Guével et Marion Porcherie (université de Rennes / EHESP) décryptent le rôle d’interface joué par l’École des hautes études en santé publique. Voir l'article
  • Zeina Mansour, Franck Chauvin et Bernard Faliu (Haut Conseil de la santé publique) éclairent le concept d’expertise sanitaire en temps de crise et soulignent l’importance de revenir aux fondamentaux de l’expertise en ces temps de pandémie Covid-19. Voir l'article. 
  • Pierre Arwidson (Santé publique France) pose les fondements d’une action publique éclairée par la preuve. Voir l'article
  • Linda Cambon (Inserm / université de Bordeaux) présente les conditions à réunir pour réussir le transfert de connaissances en prenant en compte les données probantes. Voir l'article
  • Sont ensuite présentées des actions concrètes mises en œuvre sur le terrain : 
    • Zoom sur la formation à Rennes des professionnels à la valorisation des savoirs expérientiels en promotion de la santé. Voir l'article
    • Présentation d’un programme de soutien aux familles et à la parentalité fondé sur les données probantes. Voir l'article.  
    • Focus sur les outils élaborés pour les professionnels par PromoSanté Île de France (parmi les témoignages recueillis, ceux de l’association Aides et du collectif France Assos Santé, pionniers pour valoriser les savoirs des usagers et capitaliser les expériences en promotion de la santé). Voir l'article. 
    • Présentation du dispositif d’appui en promotion de la santé des régions Auvergne Rhône Alpes et Provence Alpes Côte d’Azur, basé sur le transfert de connaissances. Voir l'article. 
A télécharger

La Santé en action, Juin 2021, n°456 Santé des populations : conjuguer données scientifiques et savoirs issus de l'expérience

En savoir plus

Le catalogue des interventions probantes ou prometteuses de Santé publique France

La Direction générale de la santé, qui pilote le développement d’une prévention scientifiquement fondée en s’inscrivant dans les préconisations de la Stratégie nationale de santé, a confié à Santé publique France, la mise en place d’un registre français d’interventions validées ou prometteuses. La création de cette plateforme permet l’articulation et la diffusion des innovations entre la recherche et les pratiques de terrain. 

L’objectif est de sélectionner et de qualifier les interventions les plus pertinentes - d’abord dans le contexte français, ensuite en l’élargissant aux interventions étrangères - puis de rendre compte du contenu et des conditions de mise en œuvre, dans le but d’aider les décideurs et les acteurs locaux à choisir des interventions adaptées pour répondre à leurs besoins.

Cliquer ici pour consulter les liens vers le catalogue des interventions recensées à ce jour, ainsi que des informations sur les critères de sélection et les plateformes existantes en France ou à l’étranger. Les fiches descriptives sont consultables en cliquant sur le titre de l’intervention dans la partie « catalogue des interventions ».