Les 1000 premiers jours de la vie de l’enfant - « là où tout commence », comme l’indique le rapport de la commission éponyme sorti en septembre 2020 - constitue une période charnière pour son développement. On sait désormais que les expériences vécues au début de l’existence, y compris in utero, ont un impact plus tard sur la santé physique et mentale des individus, sur leur bien-être social et affectif.
Le dossier « Soutenir la construction des premiers liens parent-enfant » du n° 466 de La Santé en action partage les dernières connaissances scientifiques sur le rôle complexe et crucial des interactions entre le nouveau-né et son/ses parents. Il montre comment les professionnels de la petite enfance peuvent venir en soutien pour qu’une relation de qualité, répondant aux besoins fondamentaux des tout-petits, s’établisse.
La sécurité affective, besoin élémentaire pour les tout-petits
Ces dernières années, différentes disciplines (psychologie, neurosciences, biologie moléculaire, épigénétique…) sont venues éclairer d’une compréhension plus précise la façon dont les expériences vécues dès le plus jeune âge, et pendant la grossesse, façonnent l’architecture du cerveau, influencent le développement émotionnel et social de l’enfant, ainsi que sa santé à long terme. Des travaux ont ainsi montré que les événements négatifs de l’enfance augmentent le risque de pathologies de l’adulte, tels le diabète, l’hypertension, l’obésité, l’infarctus, et certaines formes de cancers.
Le bébé a besoin de créer avec la/les personnes qui prennent soin de lui un lien d’attachement sécurisant, qui va lui permettre de grandir dans la confiance et de renforcer sa capacité à faire face à l’adversité dans le futur. Pour qu’il bénéficie de cette sécurité affective, les interactions avec ses « partenaires privilégiés » doivent être stables, chaleureuses, stimulantes et doivent être ajustées à ses besoins fondamentaux. Ceci requiert que le/les parents soient suffisamment attentifs et disponibles, autant émotionnellement que psychiquement.
La mise en place d’une telle relation de qualité ne va pas de soi. Plusieurs éléments sont susceptibles de venir l’entraver, notamment les situations de vulnérabilité que traversent les familles, qu’elles soient socio-économiques ou psychopathologiques. Par exemples, certaines personnes, à cause de parcours personnels chaotiques, ne parviennent pas à surmonter la « crise développementale » que représente la naissance d’un enfant.
La parentalité est loin d’être intuitive
Le burn-out parental représente un risque ; ce stress qui conduit à un épuisement physique et émotionnel, encore tabou, touche près de 6 % de personnes en France, principalement des femmes. Les données scientifiques présentées dans ce numéro bousculent les représentations sociales d’une maternité naturellement instinctive et d’une parentalité tout aussi intuitive, et nécessitent d’être partagées.
En réponse à ces difficultés potentielles, plusieurs pistes sont d’ores et déjà identifiées afin de favoriser des interactions précoces de qualité. Le document de référence sur les « soins attentifs » pour la petite enfance, publié en 2018 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), propose une feuille de route afin d’impulser des politiques publiques et mettre en œuvre des programmes efficaces apportant des services aux parents et aux professionnels qui les entourent. Dans un entretien, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik explique que le besoin de sécurisation de l’enfant va de pair avec celle des parents ; cela passe par une organisation sociale propice à la vie de la cellule familiale, proposant des ressources sur lesquelles s’appuyer, comme les « maisons des 1000 premiers jours » qui voient le jour en France.
Un soutien pour renforcer les capacités psychosociales
Les interventions qui essaiment sur le territoire prennent des formes diverses, comme l’illustrent les trois interviews d’acteurs de terrain présentées dans ce dossier.
En Bretagne, où le dispositif Panjo est expérimenté, des sages-femmes et des puéricultrices accompagnent les parents fragiles à leur domicile pendant la grossesse jusqu’au 6 mois du bébé.
Dans l’Aube, le conseil départemental propose gratuitement le soutien d’une technicienne d’intervention sociale et familiale pendant 20 heures pour surmonter la désorganisation liée à l’arrivée d’un enfant.
En Moselle, le service de protection maternelle et infantile a mis en place un parcours structuré pour les mères souffrant de dépression post-natale, qui mobilise des outils originaux comme la « guidance interactive par feedback vidéo ».
Tous ces programmes ont en commun de s’appuyer sur les compétences du/des personnes prenant soin du nouveau-né pour élargir leurs capacités psychosociales et parentales, en écoutant les besoins qu’elles expriment et sans les stigmatiser. Une telle approche implique toutefois un changement de posture professionnelle pour les métiers de la petite enfance, dans le but de mettre l’accent sur un travail plus collaboratif avec les familles. Cette évolution nécessite d’être portée par les structures.
La Santé en action, Mai 2024, n°466 Soutenir la construction des premiers liens parent-enfant
En savoir plusA lire aussi - Vaccination infantile et prévention des fortes chaleurs
Deux articles sont également proposés dans ce numéro de La Santé en action :
- une étude réalisée dans deux maternités de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, montre qu’un « entretien motivationnel », mené par des sages-femmes formées, améliore la confiance des nouveaux parents dans la vaccination infantile ; cette technique, utilisée dans de nombreux champs de la prévention pour faciliter les changements de comportement, augmente l’intention de faire vacciner le nouveau-né.
- un focus sur le site Vivre avec la chaleur de Santé publique France : mis en ligne depuis le 6 mai 2024, le dispositif axe ses messages, non sur le risque pour la santé, mais sur une approche positive, celle du bien-être et du confort, en proposant conseils et astuces.