Pourquoi a-t-on besoin de médiation et d'interculturalité pour améliorer relation entre les institutions de santé/éducation et leurs usagers ?
Pour différentes institutions de service public (hôpital, école, centre médicosocial, etc.), accueillir son public et construire un accompagnement qui lui soit adapté suppose de tenir compte d'un ensemble de déterminants, dont les aspects culturels font partie. Ces derniers influencent en effet l'état de santé, la perception qu'on en a mais aussi les conduites en matière de santé et de maladie.
De fait, ces institutions organisent de façon empirique leurs relations interculturelles avec les usagers en intégrant les dimensions d'âge, de sexe, de statut social, de système de valeurs, de traditions, d'habitudes de vie, de trajectoire personnelle, etc.
L'un des premiers aspects de cette médiation est linguistique et correspond au métier d'interprète, où il s'agit également de connaître la culture du patient pour pouvoir analyser les non-dits, les codes culturels, etc. Le médiateur en santé joue quant à lui le rôle d'interface entre les professionnels du système de santé et les populations précaires afin d'établir pour ces dernières un accès facilité aux droits à la couverture maladie, à la prévention et aux soins.
Une quinzaine d'experts et de professionnels de terrain ont contribué à l'élaboration du dossier central de ce numéro consacré à l'interculturalité, la médiation et l'interprétariat. La prise en compte de ces trois notions dans les soins, la prévention en santé et l'éducation est une exigence majeure.
Ce dossier illustre la diversité des points de vue et fait état de programmes et d'actions existants dans ce domaine dans les lieux concernés. Même si elle est pratiquée, la dimension interculturelle reste le plus souvent méconnue, notamment dans ses principes théoriques et ses enjeux.
Il amène à s'interroger sur l'interculturalité, la médiation et l'interprétariat via des approches multiples : anthropologie du rapport à l'autre, mécanismes institutionnels normatifs (tels les protocoles de bonnes pratiques conduisant à des attitudes cadrées), relation de pouvoir entre soignants (" sachants ") et soignés (" profanes "/" ignorants "), principe de laïcité, malentendus culturels, diversité culturelle (par exemple concernant la pudeur), pièges de la traduction, apports de la médiation scolaire transculturelle, programme d'élèves " pairs-tuteurs ", " humanisation " des soins…
Médiation et santé
La médiation sanitaire se nourrit des expériences de la médiation familiale et de la médiation judiciaire. Elle facilite une compréhension mutuelle de l'ensemble des acteurs du système de santé, compréhension freinée par des pratiques et des recours aux soins différents. S'interposant entre l'institution et l'individu, elle est utile aux personnes âgées, aux personnes pauvres et fragiles, aux migrants, aux populations d'outre-mer, aux prisonniers…, soit toute personne plus ou moins éloignée du système de santé. Cette médiation, qui favorise la capacité singulière du sujet à prendre soin de lui, fait l'objet de formations depuis la fin des années 1990. La loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 lui a donné un cadre de référence ainsi qu'une définition qui la différencie clairement de l'interprétariat et insiste sur l'autonomie dans le parcours de santé et sur l'accès aux droits des patients.
Interprétariat médico-social
Lorsqu'il y a barrière linguistique, des rapports inégalitaires s'instaurent. Tout patient doit comprendre les interventions qui lui sont proposées pour pouvoir donner son consentement éclairé et mobiliser ses compétences. Le langage est donc une clé pour mieux soigner et prévenir mais aussi une exigence éthique. La nécessité de recourir à un interprète professionnel lors des consultations médicales avec des patients allophones a été reconnue et inscrite dans le droit français par la loi de modernisation du système de santé de 2016. La Haute Autorité de santé a quant à elle élaboré le référentiel de compétences, de formation et de bonnes pratiques correspondant à ce métier. Le dossier se fait l'écho de certaines initiatives dans ce sens mais il souligne aussi que le manque d'organisation et de soutien financier font que le recours à un interprète formé demeure peu connu en France et peu accessible aux professionnels du secteur médico‑social qui utilisent par défaut des outils numériques de traduction gratuits.
En savoir plus :
Interculturalité, médiation et interprétariat et santé. La Santé en action n°442 - Décembre 2017. 52 p.
La Santé en action est la revue trimestrielle de Santé publique France consacrée à la prévention, l'éducation et la promotion de la santé. Elle est intégralement accessible au format numérique. La version papier est réservée aux professionnels exerçant dans des lieux collectifs (établissements scolaires, hôpitaux, etc.).