Les compétences psychosociales, de quoi parle-t-on ?
Les compétences psychosociales ou CPS sont un ensemble de compétences sociales, émotionnelles et cognitives qui ont pour objectifs d’améliorer les relations à soi et aux autres. Facteur clé de la santé, du bien-être et de la réussite éducative et sociale, le développement des CPS est une piste stratégique encore insuffisamment développée en prévention en santé publique, en éducation et en action sociale. Mises en avant par l’OMS dès les années 80, dans le cadre de la Charte d’Ottawa, le développement des CPS représente un des 5 axes d’action de la promotion de la santé et une stratégie majeure en prévention (notamment dans le domaine de addictions, de la santé mentale, de la santé sexuelle et de manière générale pour prévenir les conduites à risque). Les CPS sont considérées comme des facteurs génériques de la santé et du bien-être car leur développement permet d’agir sur plusieurs problématiques et d’améliorer la santé globale.
3 grandes catégories de CPS
Les compétences psychosociales sont regroupées en trois catégories : cognitives, émotionnelles et sociales.
Les compétences cognitives correspondent à :
- la capacité à avoir conscience de soi (qui regroupe de multiples aptitudes comme connaître ses forces et ses faiblesses, s’autoévaluer positivement…) ;
- la maîtrise de soi (atteindre ses buts, savoir planifier…) ;
- la capacité à prendre des décisions constructives.
Les compétences émotionnelles regroupent :
- la capacité à comprendre et identifier ses émotions et son stress ;
- la capacité à réguler ses émotions (afin de ne pas être submergé et de répondre à ses besoins psychologiques) ;
- la capacité à gérer son stress.
Les compétences sociales rassemblent :
- la capacité à communiquer de façon constructive ;
- la capacité à développer des relations (entrer en relation, savoir coopérer ou s'entraider...) ;
- la capacité à résoudre des difficultés (savoir et oser demander de l'aide, s'affirmer, résoudre des conflits en trouvant des solutions positives pour soi et les autres…).
Définition et classification des CPS
La compétence psychosociale est définie par l’OMS dans les années 90 comme « la capacité d’une personne à faire face efficacement aux exigences et aux défis de la vie quotidienne. Autrement dit, c’est la capacité d’une personne à maintenir un état de bien-être psychique et à le démontrer par un comportement adapté et positif lors d’interactions avec les autres, au sein de sa culture et de son environnement » (OMS, 1994). Le développement de cette capacité psychosociale globale nécessite de « renforcer les ressources d’adaptation (coping) de la personne et ses compétences personnelles et sociales » ou « compétences de base utiles à la vie » (dénommées en anglais life skills) (OMS, 1994).
Les définitions et les classifications des CPS ont évolué au cours de ces 30 dernières années. Elles ont notamment été actualisées en 2022 par Santé publique France par la réalisation d’une synthèse de littérature et avec l’appui d’un comité de chercheurs et de professionnels de la prévention. Deux documents faisant un état des connaissances scientifiques et théoriques ont été publiés afin de poser ces bases, avec la perspective de construire une culture commune et partagée sur les CPS. Il s’agit d’un premier cadre de référence théorique, qui sera complété ultérieurement par des guides et des supports pratiques, à vocation plus opérationnelle.
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Les compétences psychosociales : un référentiel pour un déploiement auprès des enfants et des jeunes. Synthèse de l'état des connaissan...
Les compétences psychosociales : état des connaissances scientifiques et théoriques
- Définition des CPS actualisée : « Les CPS constituent un ensemble cohérent et inter-relié de capacités psychologiques (cognitives, émotionnelles et sociales), impliquant des connaissances, des processus intrapsychiques et des comportements spécifiques, qui permettent d’augmenter l’autonomisation et le pouvoir d’agir (empowerment), de maintenir un état de bien-être psychique, de favoriser un fonctionnement individuel optimal et de développer des interactions constructives. »
- Classification des CPS actualisée : Elle s’appuie sur celle de l’OMS (2003) et sur les grandes classifications internationales (CASEL, OCDE, notamment) et se focalise sur les CPS « clés » mentionnées dans la littérature et présentes dans les programmes CPS probants.
Les grands chapitres de l’état des connaissances sur les CPS
- Chapitre 1 : Définition et catégorisation actualisée des CPS en s’appuyant sur la littérature scientifique et les catégorisations internationales (OMS, CASEL, OCDE…).
- Chapitre 2 : Description des 9 CPS générales (et 21 CPS spécifiques) identifiées : 3 CPS cognitives (conscience de soi, maîtrise de soi, prise de décisions constructives), 3 CPS émotionnelles (conscience de ses émotions et de son stress, régulation de ses émotions, gestion de son stress), 3 CPS sociales (communiquer de façon constructive, relations constructives, résolution des difficultés).
- Chapitre 3 : Historique des programmes CPS en France.
- Chapitre 4 : Inclusion des CPS dans les politiques publiques.
- Chapitre 5 : Utilisation des programmes CPS dans les territoires.
- Chapitre 6 : Bilan des effets des programmes CPS probants sur la santé (réduction des addictions, de la violence, des problèmes de santé mentale et de santé sexuelle, augmentation du bien-être) et réussite éducative (amélioration du climat scolaire, des résultats scolaires, de l’insertion professionnelle).
- Chapitre 7 : "Facteurs-clés" communs aux différents programmes CPS probants afin de faciliter le développement d’interventions CPS de qualité.
- Chapitre 8 : Principes généraux, types et étapes de l’évaluation d’intervention CPS.
Quels sont les effets et bénéfices sur la santé ?
Sur la base de 40 années de recherche évaluative sur les programmes CPS, plusieurs synthèses de littérature réalisées au cours des 10 dernières années indiquent que certains de ces programmes ont démontré d’importants bénéfices sur la santé et sur la réussite éducative et sociale :
- Bien-être et santé mentale : diminution des troubles affectifs et du comportement, de la souffrance psychologique (anxiété, stress, dépression), amélioration du bien-être.
- Conduite à risque : réduction de la consommation de substances psychoactives, de la violence et du harcèlement, des comportements sexuels à risques.
- Réussite scolaire et professionnelle : augmentation de l’engagement et des résultats scolaires, diminution de l’échec scolaire, meilleure insertion professionnelle.
Mais aussi, meilleur rapport à soi et aux autres, développement des ressources personnelles, amélioration du climat scolaire et des relations.
Renforcer ses compétences psychosociales : quel est le rôle des programmes CPS ?
Les CPS peuvent se développer tout au long de la vie par l'expérience, les interactions sociales et un apprentissage basée sur une pédagogie expérientielle et positive. Afin de permettre à tous ce développement psychosocial optimal, les CPS peuvent être renforcées par des cycles d'ateliers psychoéducatifs (dénommés programmes ou interventions CPS), et ce dès le plus jeune âge pour optimiser leurs bienfaits.
Les programmes CPS consistent en plusieurs séances (au moins 10-20 si possible), d’une durée de 45 minutes à 2h ; ils peuvent être à destination d’enfants, d’adolescents ou encore de parents.
Ces ateliers reposent sur des méthodes pédagogiques interactives et expérientielles, favorisant l'expérimentation et le partage d’expérience autour des CPS. Ils permettent d’explorer ses propres compétences, son mode de fonctionnement habituel et de proposer d’expérimenter de nouvelles modalités d’action. Les activités pédagogiques proposées comprennent des mises en situation, des jeux de rôles, des débats, des partages d’expérience, exercices à la maison, etc.
Les programmes CPS sont issus de la recherche et des travaux en santé publique, psychologie et éducation. La littérature scientifique a confirmé les effets de certains programmes CPS probants via de nombreuses recherches évaluatives et la publication de plusieurs synthèses d’études. Utilisés dans le champ de la prévention depuis 50 ans, certains de ces programmes ont montré leur efficacité là où les interventions basées sur l’information ou la peur ne fonctionnaient pas.
L’Organisation mondiale de la santé, ainsi que de grands organismes internationaux tels que l’UNESCO, l'UNICEF, l’UNODC, le CASEL, la Banque Mondiale ou encore l’OCDE, soutiennent le déploiement d’interventions CPS fondées sur les données probantes, notamment par la publication de guides et recommandations pour l’action.
Sur le terrain, de nombreux acteurs développent des actions CPS depuis plusieurs années. Il est important de capitaliser ces savoir-faire expérientiels et de pouvoir les intégrer aux connaissances scientifiques afin de construire et déployer des interventions CPS efficaces, fondées sur les données probantes et adaptées au contexte français.
Quels sont les facteurs communs aux interventions efficaces ?
Il existe plusieurs facteurs communs aux interventions CPS efficaces. Certains portent sur l’intervention CPS elle-même, son contenu, sa structure et ses modalités pédagogiques. D’autres facteurs concernent la qualité de l’implantation de l’intervention.
D’autres facteurs portent sur l’environnement éducatif et psychosocial du jeune, avec d’une part la place des pratiques CPS informelles au quotidien et d’autre part, la concordance entre le climat éducatif et les CPS.
Parmi les 8 facteurs identifiés dans la littérature, deux facteurs peuvent être considérés comme indispensables pour permettre l’efficacité de l’intervention CPS ; les six autres facteurs associés à l’efficacité viennent compléter et préciser ces 2 facteurs principaux.
Une instruction interministérielle publiée le 19 août 2022 présente la stratégie nationale multisectorielle sur les compétences psychosociales des enfants et des jeunes. Elle a pour objectif principal de définir, pour les quinze prochaines années, un cadre commun à tous les secteurs, incluant les étapes et les moyens à mobiliser, afin que la génération 2037 soit la première à grandir dans un environnement continu de soutien au développement des compétences psychosociales. Elle repose sur cinq axes :
- une animation par les territoires ;
- la formation des professionnels ;
- des interventions fondées sur des données probantes ;
- un suivi national ;
- un cadre institutionnel qui assure à la génération 2037 un environnement de développement continu des compétences.
Le registre des interventions efficaces ou prometteuses en prévention et promotion de la santé
Ce Registre (en cours de déploiement) a pour objectif de recenser et présenter dans le détail les interventions efficaces/prometteuses en PPS, ainsi que les « preuves » et le processus scientifique qui ont conduit à étayer l’efficacité d’une intervention en vie réelle. La démarche de « registre » est à dissocier d’autres initiatives en PPS (capitalisation, répertoires d’intervention, démarches thématiques ou non). Le registre en PPS a vocation à rendre disponibles tous les outils indispensables au déploiement de programmes internationaux ou français dont l’efficacité a été démontrée.
Portail de capitalisation des expériences en promotion de la sante (CAPS)
Santé publique France contribue également à un travail de capitalisation de programmes CPS, en débutant par ceux mis en place auprès des enfants de 3 à 6 ans selon la démarche CAPS. Cette démarche de capitalisation des expériences en promotion de la santé, menée depuis 2017 par un Groupe de travail national Capitalisation est coordonnée par la Société française de santé publique (SFSP) et la Fnes (Fédération nationale d’éducation et promotion de la santé) ; elle s’inscrit dans l’initiative nationale InSPIRe-ID, dont l’objectif est d’élaborer un dispositif national de partage de connaissances en santé publique.
L’objectif de la démarche CAPS est de repérer des projets riches en enseignements et d’organiser leur capitalisation, d’appuyer les accompagnateurs et les porteurs d’action impliqués et d’alimenter le portail CAPS qui accueille les connaissances issues de l’expérience.