Le programme évalué, que nous nommerons le programme « B » est une intervention de prévention par les pairs des consommations de tabac, d’alcool et de cannabis, conçue et déployée par une structure de prévention. Ce programme consiste à ce qu’un groupe de lycéens en classe de première (jeunes relais), reçoive une formation (28 heures) assurée par la structure de prévention, dans le but de délivrer une séance de sensibilisation des addictions (2 heures) à leurs pairs de classe de seconde. La formation des jeunes relais repose sur un programme de sensibilisation à la prévention des addictions (développement des connaissances sur les substances, audience au tribunal, recherche documentaire, table ronde, exposés, simulation d’animation de séance). À l’issue de leur formation, la séance de sensibilisation qu’ils délivrent à leurs pairs repose sur la projection de courts métrages suivie d’un débat portant sur les différentes options qui y sont proposées. À l’occasion de ces débats, les jeunes relais délivrent des informations sur les substances, les contextes, les risques de consommation ainsi que sur les ressources et aides disponibles.
L’évaluation consiste en une étude quasi-expérimentale contrôlée avant-après, avec une mesure T0 (1 mois avant l’intervention) et T1 (1 mois après l’intervention). L’étude est menée auprès de 313 jeunes, d’âge moyen 15,9 ans, scolarisés en classe de seconde dans 3 lycées d’un département français. L’analyse compare le groupe « Intervention» (n=115), composé de deux lycées ayant reçu le programme « B » au groupe « Contrôle » (n=198), composé d’un lycée n’ayant reçu aucun programme de prévention structuré. Les données sont recueillies par la passation d’un questionnaire papier. Les indicateurs principaux sont les consommations de tabac, d’alcool, de cannabis et les comportements d’ivresse. Les indicateurs secondaires sont les variables intermédiaires directement ciblées par le programme : intention de consommation, connaissances et attitudes vis-à-vis des substances, résistance à la pression des pairs, consommation perçue des pairs et climat scolaire. L’évaluation d’efficacité est complétée par une évaluation de processus qui a pour indicateurs : la dose et l’atteinte de la cible, la fidélité, le niveau de participation des intervenants, l’opinion sur les jeunes relais et l’appréciation du programme.
Les résultats montrent une absence d’effet de l’intervention sur les consommations (tabac, alcool, cannabis), un effet contre-productif de l’intervention sur l’intention de consommer de l’alcool et un effet positif de l’intervention sur la capacité perçue à résister à la pression des pairs concernant la consommation d’alcool. L’évaluation de processus met en lumière plusieurs faiblesses dans la mise en oeuvre du programme : faible crédibilité des jeunes relais auprès de leurs pairs, charge de formation trop importante, variabilité des contenus diffusés et forte inégalité d’accès à la prévention entre jeunes relais et jeunes sensibilisés en termes de dose de prévention délivrée. Sur la base des données analysées et malgré les limites de l’évaluation, les résultats amènent à contre-indiquer ce programme sous sa forme actuelle. Dans le cadre d’une prévention par les pairs, des propositions en ligne avec la littérature scientifique correspondante sont formulées afin d’apporter des modifications majeures à l’intervention.
Auteur : Gillaizeau I.
Collection : Santé publique France