Face à l’épidémie de Covid-19 et depuis les mesures gouvernementales de confinement du 16 mars 2020, comment les Français réagissent-ils ? Comment cette crise sanitaire inédite modifie-t-elle les comportements, les connaissances, les croyances ? Quel retentissement psychologique dans la population ?
Santé publique France a lancé, avec BVA, l'enquête CoviPrev visant à suivre l’évolution des comportements (gestes barrières, confinement) et de la santé mentale en population générale (bien-être, troubles), ainsi que leurs principaux déterminants. Elle sera répétée de façon régulière pendant la période de confinement et de post confinement.
Objectifs
- suivre l’adoption des mesures de protection et de la santé de la population pendant la période de confinement et de déconfinement
- recueillir les informations nécessaires à l’orientation et à l’ajustement des mesures de prévention
- surveiller les inégalités de santé
- capitaliser des connaissances utiles à la gestion de futures pandémies
Méthode de l'enquête
- Enquêtes quantitatives répétées sur échantillons indépendants
- Questionnaires auto-administrés à remplir en ligne sur système Cawi (Computer Assisted Web Interview)
- Echantillons de 2 000 personnes de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine recrutés par access panel (Access Panel BVA)
- Échantillonnage par quotas (sexe, âge, catégorie socio-professionnelles du répondant, région, catégorie d’agglomération) redressé sur le recensement général de la population 2016
Contenu du questionnaire
Le questionnaire mesure d’une part, la connaissance et la mise en œuvre des mesures de protection et, d’autre part, la santé mentale des personnes pendant l'épidémie de COVID-19.
Ce module répond à l’objectif de pilotage des dispositifs de prévention pendant la période épidémique. Il s’agit de suivre les déterminants les plus susceptibles d’affecter à court terme la situation sanitaire, notamment l’adoption des mesures de protection (déterminants de la contagion) et la santé mentale, également susceptible de présenter un fardeau supplémentaire pour le système de santé.
Caractéristiques sociodémographiques, connaissances, perceptions, proximité à la maladie, conditions de vie pendant l'épidémie (confinement…) sont les principaux déterminants de l’adoption des mesures de protection et de la santé mentale recueillis afin de disposer d’informations pour identifier les cibles et leviers d’intervention.
Le questionnaire comporte également de modules complémentaires sur les addictions (alcool et tabac), la nutrition et l'activité physique qui seront intégrés dans une ou plusieurs vagues de l’enquête, afin d’évaluer plus largement l’impact de la situation sur la santé de la population.
Exploitation des résultats
À court terme, cette surveillance permettra de disposer d’un outil de reporting pour ajuster les stratégies de communication et de prévention des pouvoirs publics, notamment à destination des publics les plus vulnérables.
À plus long terme, après la crise sanitaire, ce suivi d’indicateurs sera utilisé pour produire et capitaliser des connaissances sur les répercussions du Covid-19 en population générale, sur la santé mentale et d’autres comportements de santé (consommations de substances psychoactives, nutrition, activité physique).
La mise à disposition des résultats sera consécutive à chaque vague d’enquête. Ils sont composés :
- d'une synthèse avec les résultats principaux ;
- de tableaux avec les résultats détaillés présentant les prévalences et évolutions des indicateurs en fonction des caractéristiques sociodémographiques, des conditions de vie liées à l’épidémie ainsi que des analyses des déterminants cognitifs et de leurs évolutions (perception de la maladie et des mesures de protection).
Résultats
Les résultats de l'enquête CoviPrev couvrent les thématiques suivantes : santé mentale, adoption des mesures de prévention, adhésion vaccinale, addictions, alimentation et activité sportive.
Santé mentale
Résultats de la vague 37 de l’enquête CoviPrev (11 au 18 septembre 2023)
- 79 % des Français déclarent avoir une perception positive de leur vie en général [Tendance stable par rapport à la vague précédente, comparable à la même période en 2022]
- 16 % des Français montrent des signes d’un état dépressif [Tendance stable par rapport à la vague précédente, comparable à la même période en 2022]
- 23 % des Français montrent des signes d’un état anxieux [Tendance stable par rapport à la vague précédente, en baisse de 3 points par rapport à la même période en 2022]
- 71 % des Français déclarent des problèmes de sommeil au cours des 8 derniers jours [Tendance stable par rapport à la vague précédente, comparable à la même période en 2022]
- 10 % des Français ont eu des pensées suicidaires au cours de l’année [Tendance stable par rapport à la vague précédente, en baisse de 2 points par rapport à la même période en 2022]
A télécharger :
Prévalences et évolutions par indicateur
- Prévalences et évolutions des indicateurs de santé mentale pendant l'épidémie de COVID-19
- Déterminants cognitifs et affectifs associés à l’anxiété, la dépression, aux problèmes de sommeil et aux pensées suicidaires
Anxiété
Dépression
Problèmes de sommeil
Pensées suicidaires
Adoption des mesures de prévention pendant l’épidémie de COVID-19
Les résultats présentés portent sur la vague 38 (30 août - 9 septembre 2024).
- 29 % des répondants à CoviPrev ont déclaré porter un masque souvent (16 %) ou systématiquement (13 %), en cas de symptômes, en présence de personnes fragiles ou dans les lieux très fréquentés.
- 43 % des participants déclarent ne jamais porter le masque en cas de symptômes, en présence de personnes fragiles ou dans les lieux très fréquentés.
- 7 % ne jamais se laver les mains avec du savon ou du gel hydroalcoolique.
A télécharger :
Adoption des mesures de prévention par indicateur
- Fréquences et évolutions des indicateurs d’adoption des mesures de prévention pendant l'épidémie
Adoption systématique du port du masque en public
- Prévalences et évolutions de l'adoption systématique du port du masque en public selon les profils sociodémographiques et les conditions de vie liées à l'épidémie
Acceptabilité de la vaccination contre le COVID-19 en population générale
Les résultats présentés portent sur la vague 38 (30 août - 9 septembre 2024).
- 59 % des participants éligibles à la nouvelle dose de vaccin contre la Covid-19 ont l’intention de faire la vaccination cet automne.
- 50 % (stable) des participants à risque de formes graves de grippe en raison de leur âge(≥65 ans) ou de leur état de santé (comorbidités, obésité) déclarent vouloir recevoir à la fois la vaccination contre la grippe et contre la Covid-19.
- 23 % (stable) des participants à risque de formes graves déclarent ne vouloir faire aucun des deux vaccins contre la grippe ou la Covid-19 cet automne.
A télécharger :
Evolution des usages de tabac et d’alcool pendant le confinement
Les analyses présentées portent sur les évolutions déclarées des niveaux de consommation de tabac et d'alcool pendant le confinement.
Evolution des usages de tabac
Parmi les fumeurs interrogés (n=422) :
- 27% déclarent que leur consommation de tabac a augmenté depuis le confinement
- 55% qu’elle est stable
- 19% qu’elle a diminué
Les individus déclarant avoir augmenté leur consommation étaient quasiment tous déjà fumeurs avant le confinement (94%). La hausse moyenne du nombre de cigarettes fumées par les fumeurs quotidiens est de 5 cigarettes par jour.
Les raisons mentionnées par les fumeurs déclarant avoir augmenté leur consommation étaient dans l’ordre (n=104, plusieurs réponses possibles) :
- l’ennui, le manque d’activité (74%)
- le stress (48%)
- le plaisir (10%)
L’augmentation de la consommation de tabac est plus fréquemment mentionnée par :
- les 25-34 ans (41%)
- les actifs travaillant à domicile (37%)
- les femmes (31%)
L’augmentation de la consommation de tabac augmente avec le niveau d’anxiété et elle est plus fréquente en cas de dépression probable ou certaine.
Evolution des usages d’alcool
Parmi les usagers d’alcool interrogés (n=1344) :
- 11% déclarent que leur consommation d’alcool a augmenté depuis le confinement
- 65% qu’elle est stable
- 24% qu’elle a diminué
Les raisons mentionnées par les consommateurs d’alcool déclarant avoir augmenté leur consommation étaient dans l’ordre :
- le plaisir (45%)
- l’ennui, le manque d’activité (32%)
- le stress (15%)
Ils sont 51% à déclarer avoir augmenté leur fréquence de consommation, 10% le nombre de verres bus les jours de consommation et 23% les deux paramètres (notons que les données détaillées sont incohérentes pour 15% des répondants).
L’augmentation de la consommation d’alcool est plus fréquemment mentionnée par :
- les moins de 50 ans (entre 14% et 17% selon les classes d’âge)
- les individus vivant dans une ville de plus de 100 000 habitants (13%)
- Les parents d’enfants de moins de 16 ans (18%)
L’augmentation de la consommation d’alcool augmente avec le risque d’anxiété et de dépression.
Evolution du poids et de comportements liés à l’alimentation pendant le confinement
Les analyses présentées portent sur les évolutions déclarées du poids, du grignotage, du « cuisiner des plats-maison », de l’accessibilité des produits alimentaires et de l’attention portée à son budget alimentaire.
Evolution du poids
Parmi l’ensemble des personnes interrogées (n=2010) :
- 27% déclarent avoir pris du poids
- 11% en avoir perdu
- 62% avoir un poids stable
Avoir pris du poids est plus fréquemment mentionné :
- en cas de situation financière très difficile (36%)
- par les parents (34%)
- les moins de 40 ans (31%)
- par ceux mangeant en plus grande quantité (66%) et grignotant davantage entre les repas (60%) que d’habitude
- en cas de troubles dépressifs (42%), de problèmes de sommeil (36%) et de niveau élevé d’anxiété (37%)
Avoir perdu du poids est plus fréquemment mentionné :
- par les moins de 40 ans (14%)
- ceux mangeant en moindre quantité (33%) et grignotant moins (25%) que d’habitude
- en cas de niveau élevé d’anxiété (14%)
Evolution du grignotage
Parmi l’ensemble des personnes interrogées (n=2010) :
- 22% déclarent grignoter entre les repas plus que d’habitude
- 17% moins que d’habitude
- 61% n’ont rien changé
Evolution du "cuisiner des plats-maison"
Parmi l’ensemble des personnes interrogées (n=2010) :
- 37% déclarent cuisiner des plats-maison plus que d’habitude
- 4% moins que d’habitude
- 59% n’ont rien changé
Evolution de l’accessibilité des produits alimentaires
Parmi l’ensemble des personnes interrogées (n=2010) :
- 57% déclarent trouver moins que d’habitude les aliments qu’ils souhaitent dans les magasins
- 3% plus que d’habitude
- 40% autant qu’avant
Evolution de l’attention portée au budget alimentaire
Parmi l’ensemble des personnes interrogées (n=2010) :
- 23% portent plus d’attention que d’habitude à leur budget alimentaire
- 14% moins que d’habitude
- 63% n’ont rien changé
Grignoter entre les repas plus que d’habitude, trouver moins que d’habitude les aliments que l’on souhaite dans les magasins et porter plus d’attention que d’habitude à son budget alimentaire est plus fréquemment mentionné par les moins de 40 ans, les parents, les femmes, en cas de situation financière très difficile.
C’est également le cas pour les personnes présentant des troubles dépressifs, ayant des problèmes de sommeil et en cas d’anxiété.
Évolution de l'activité physique et de la sédentarité pendant et après le confinement
Indicateurs clés des niveaux d’activité physique et de sédentarité des français lors de la vague 24 (17-19 mai 2021), un an après le confinement strict de la population :
- 1 adulte sur 2 déclarait un niveau d’activité physique insuffisant, inférieur aux recommandations [Pas d’évolution depuis la vague 6 en période de confinement strict, marquant une persistance dans le temps de la baisse d’activité physique des adultes malgré un allègement des restrictions]
- 1 adulte sur 5 déclarait une sédentarité élevée, passant plus de 7 heures par jour en position assise [-12 points par rapport à la période de confinement strict (vague 6) ; diminution observée uniquement chez les personnes déclarant une continuité d’activité professionnelle, hors personnes en situation de télétravail pour qui aucune évolution du temps quotidien passé assis n’a été relevée]
En savoir plus : Evolution des niveaux d’activité physique et de sédentarité des Français un an après le confinement strict de 2020
Les analyses présentées portent sur les prévalences et évolutions déclarées de l'activité physique, du temps passé assis et du temps passé devant un écran pendant le confinement (n=2000).
Activité physique
Parmi l’ensemble des personnes interrogées :
- 57,6% ont fait moins des 30 min jour d’activité physique1 recommandées pendant le confinement. Ceci a été plus fréquemment le cas des femmes, des 25-49 ans, des moins diplômés, des parents d’enfants de 16 ans ou moins et des personnes vivant en zone urbaine.
Comparé à leurs pratiques d’avant le confinement :
- 47,4% des personnes ont déclaré une diminution de leur activité physique dans son ensemble
- 58,9% une diminution de la marche
- 37,1% une diminution de leur activité sportive
Concernant l’activité sportive, 17,9% ont néanmoins déclaré une augmentation de leur pratique, ceci de façon croissante au cours de la période du confinement (15,4% des personnes interrogées du 14 au 16 avril).
Parmi les personnes ayant fait de l’activité sportive (n=1170) 32,7% ont utilisé plus que d’habitude des applications, des vidéos ou la télévision pour en faire.
Sédentarité
Temps passé assis :
- Pendant le confinement, le temps moyen passé assis a été de 6h19 par jour
- Un tiers des personnes interrogées (33,4%) a déclaré passer plus de 7h assis par jour, plus fréquemment les 18-24 ans, les personnes ayant travaillé à domicile pendant le confinement et les personnes vivant en milieu urbain
- Une augmentation du temps passé assis a par ailleurs été perçue par 61,4% des personnes.
Rupture de sédentarité :
- 44,7% ont déclaré se lever plusieurs fois par heure, la recommandation pendant le confinement étant de le faire au moins toutes les demi-heures2
- 55,3% s’est levé moins souvent, en particulier les 18-34 ans, les plus diplômés, les personnes ayant travaillé à domicile pendant le confinement, les personnes vivant en zone urbaine
Temps passé devant un écran pendant le temps libre :
- Le temps moyen passé devant un écran pendant le temps libre a été de 5h par jour
- 23,0% des personnes interrogées ont déclaré y consacrer 7h ou plus par jour, plus fréquemment les 18-24 ans, les moins diplômés, les personnes n’ayant pas travaillé pendant le confinement et les personnes vivant en milieu urbain
- Une augmentation du temps d’écran pendant le temps libre a été déclarée par 59,0% des personnes
Santé mentale, activité physique et sédentarité
Une moindre pratique d’activité physique, un temps passé assis élevé, une rupture de sédentarité peu fréquente et un temps passé devant un écran pour les loisirs ont été plus fréquemment déclarées par :
- les personnes anxieuses
- les personnes ayant des troubles dépressifs
- les personnes ayant des problèmes de sommeil
1 L’activité physique inclut les activités faites au travail, au domicile ou dans le jardin, pour les déplacements ou lors des activités sportives ou de loisirs.
2 Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à l’évaluation des risques liés à la réduction du niveau d’activité physique et à l’augmentation du niveau de sédentarité en situation de confinement. Maisons-Alfort, 2020. 22 p.
- Activité physique inférieure à 30 min par jour selon les profils sociodémographiques (% pondérés)
- Temps passé assis supérieur à 7 heures par jour selon les profils sociodémographiques (% pondérés)
- Temps passé devant un écran pendant le temps libre supérieur à 7 heures par jour selon les profils sociodémographiques (% pondérés)
3 questions à Enguerrand du Roscoat, responsable de l'unité santé mentale, direction de la prévention et de la promotion de la santé à Santé publique France
Pourquoi la santé mentale est-elle si importante en période de confinement ?
La santé mentale, en particulier les troubles anxieux, sont identifiés dans les publications internationales comme un risque majeur lié à la situation épidémique (peur de la maladie pour soi et son entourage) et aux conditions de vie en période de confinement (promiscuité, isolement social, perte de salaire, frustration…). Il est ainsi prioritaire de maintenir un niveau minimal de bien-être et de prévenir à court terme le développement de troubles au sein de la population afin de limiter la sollicitation du système de santé et en particulier des hôpitaux et des urgences par l’afflux des personnes présentant des symptômes d’anxiété ou de stress aigus. Enfin, une dégradation de la santé mentale pourrait avoir des conséquences sur l’adoption d’habitudes de vie défavorables (consommation d’alcool et autres substances psychoactives, nutrition, sommeil…), contribuer à l’augmentation des violences (notamment intrafamiliale) ou encore participer au fardeau économique (arrêts de travail…).
Quelles informations recherchez-vous en particulier ?
Nous cherchons à estimer l’état de bien-être et la prévalence de troubles psychiques (en particulier anxio-dépressifs) au sein de la population, à identifier les segments de population les plus vulnérables et à en suivre l’évolution afin de veiller à ce que les inégalités ne se creusent pas pendant la période de confinement.
Après l’enquête, quelles actions concrètes ?
L’analyse des données recueillies après chaque vague ainsi que leurs évolutions nous permettront de mieux répondre aux besoins. L’identification des populations les plus vulnérables et des facteurs associés au bien-être, au mal-être ou aux troubles, sera utile pour mieux orienter et cibler l’offre de prévention.