Contexte - Les chercheurs d'or clandestins sont actuellement des hôtes majeurs du paludisme en Guyane, avec un risque d'émergence de résistance lié à une mauvaise utilisation des combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine (ACT : Artemisinin-based combination therapies). L'éloignement des sites d'orpaillage et les problèmes de réglementation entravent leur accès aux soins, malgré la gratuité des services de santé. Matériel et méthode - Un projet de recherche quasi expérimental (Malakit), déployé dans des zones stratégiques aux frontières de la Guyane avec le Brésil et le Suriname, a évalué l'efficacité de la distribution de kits d'auto-diagnostic et d'auto-traitement aux orpailleurs clandestins, après une formation. L'évaluation s'est appuyée sur des questionnaires lors de l'intervention (délivrance des kits), et sur des enquêtes pré et post-intervention.L'indicateur principal était la proportion de personnes déclarant avoir utilisé une ACT validée, et après un diagnostic positif de paludisme. Les indicateurs secondaires ont évalué l'observance aux antipaludiques, la bonne utilisation des kits et l'impact sur l'épidémiologie du paludisme. Résultats - La proportion de patients déclarant un recours à une ACT validée, et après un diagnostic positif de paludisme, a augmenté après l'intervention, passant de 54,2% à 68,2% (odds ratio : OR : 1,8 ; intervalle de confiance à 95% : IC95%: [1,1-3,0]). D'avril 2018 à mars 2020, 3 733 personnes ont participé à l'intervention. Le kit a été utilisé correctement par 71,7% [65,8-77,7] des 223 personnes ayant déclaré avoir utilisé un kit Malakit lors des visites de suivi. Aucun événement indésirable grave lié à la mauvaise utilisation du kit Malakit n'a été signalé. L'intervention semble avoir accéléré la diminution de l'incidence du paludisme dans la région de 42,9%. Discussion - Ce projet international innovant a montré que les personnes ayant un faible niveau d'éducation peuvent s'autogérer correctement devant des symptômes du paludisme. Cette stratégie pourrait être intégrée dans les programmes de lutte contre le paludisme des pays concernés, et envisagée dans d'autres régions où le paludisme est résiduel dans les zones reculées. À l'heure où la France s'engage dans l'élimination du paludisme sur son territoire en 2025, poursuivre les efforts de lutte contre le paludisme dans cette population à l'écart du système de soins est essentiel. Des dérogations réglementaires permettraient d'agir plus activement auprès de cette population sur le territoire français, alors que nos voisins surinamais ont intégré cette stratégie dans leur programme national de lutte contre le paludisme.
Auteur : Douine Maylis, Lambert Yann, Galindo Muriel Suzanne, Mutricy Louise, Sanna Alice, Peterka Cassio, Marchesini Paola, Hiwat Hélène, Nacher Mathieu, Adenis Antoine, Demar Magalie, Musset Lise, Lazrek Yassamine, Cairo Hedley, Miller Jane Bordalo, VredenStephen, Suarez-Mutis Martha
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2022, n°. 15, p. 258-270