Depuis le début de l’année 2022, plusieurs cas de diphtérie ont été rapportés dans 9 régions de France métropolitaine ainsi qu’à Mayotte et à la Réunion. En comparaison aux autres années, le nombre de cas de C. diphtheriae est nettement plus élevé que la moyenne. En France métropolitaine, la majorité des cas étaient rapportés chez des personnes migrantes et chez des voyageurs. Grâce à la couverture vaccinale très élevée depuis de nombreuses années, l’apparition de cas graves ou de cas groupés au sein de la population générale apparaît extrêmement faible en France métropolitaine et à la Réunion. A Mayotte, où la couverture vaccinale est insuffisante, la bactérie circule depuis plusieurs années.
Santé publique France surveille l’évolution de la situation et l’augmentation des cas de diphtérie chez les personnes migrantes, en grande majorité non à jour dans leurs vaccinations. Un rappel des recommandations de vaccination et de prise en charge a été transmis aux associations et aux professionnels de santé.
Rappel sur la maladie
La diphtérie à Corynebacterium diphtheriae est une infection bactérienne hautement contagieuse qui se transmet d’homme à homme à partir de sujets malades mais aussi de porteurs sains (portage possible durant plusieurs semaines ou mois). La transmission est soit directe par gouttelettes, soit indirecte à partir d’objets souillés (rare) ou de lésions cutanées non traitées. Sa durée d’incubation est courte, inférieure à 7 jours (de 2 à 5 jours). La maladie se manifeste sous forme ORL ou cutanée.
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Point de situation en France
Au 30 novembre 2022, 55 cas de diphtérie ont été rapportés en France depuis le début de l’année (figure 1) :
- 8 cas de diphtérie à Corynebacterium.ulcerans (C. ulcerans) en France métropolitaine ;
- 30 cas de diphtérie à Corynebacterium diphtheriae (C. diphtheriae) en France métropolitaine ;
- 13 cas de de diphtérie à C. diphtheriae à Mayotte et 4 à la Réunion.
En 2022 et par comparaison aux 5 dernières années, le nombre de cas de diphtérie à C. ulcerans était similaire (en moyenne 7,2 cas par an), mais le nombre de cas de diphtérie à C. diphtheriae était nettement plus élevé que la moyenne alors observée (France métropolitaine : 3,4 cas par an sur les 5 dernières années ; Mayotte : 2,6 cas par an sur les 5 dernières années ; La Réunion : 0,6 cas par an sur les 5 dernières années).
En France métropolitaine
La majorité des cas était rapportés chez des personnes migrantes (n=24) mais également chez des voyageurs (n=5) (figure 2). Pour ces 29 cas, un lien a été retrouvé avec un ou plusieurs des pays suivants : Afghanistan (n=21), Turquie (n=6), Italie (n=5), Serbie (n=5), Autriche (n=4), Tunisie (n=3), Bulgarie (n=2), Iran (n=2), Hongrie (n=2), Mali (n=2), Suisse (n=2), Slovénie (n=1), Syrie (n=1), Sénégal (n=1), Thaïlande (n=1). Lorsque la date de leur arrivée en France était connue (n=9), elle était de moins de 15 jours avant la date de la notification de la maladie.
Par ailleurs, un cas a probablement été infecté sur le territoire français lors d’un contact avec une personne de retour d’un voyage au Togo.
Les cas de diphtérie à C. diphtheriae était principalement des hommes (n=28), âgés de 11 à 47 ans (21 ans en moyenne). Seuls deux d’entre eux étaient à jour de leur vaccination contre la diphtérie. Pour 24 d’entre eux, le statut vaccinal était inconnu.
Parmi les cas survenus chez des personnes migrantes, 6 résidaient en foyer d’hébergement.
Les cas ont été diagnostiqués dans 9 régions. La région Normandie était la plus touchée avec 7 cas rapportés (figure 3). Vingt-cinq cas étaient des formes cutanées, 3 étaient porteurs asymptomatiques (au niveau oropharyngé), un était une forme respiratoire peu symptomatique (cas autochtone) et un autre présentait les symptômes d’une diphtérie respiratoire classique (personne migrante).
Deux cas groupés ont été rapportés : l’un concernait 4 cas qui avaient voyagé ensemble dans un bus et l’autre deux cas qui avaient voyagé ensemble.
Le génotypage de 19 isolats, par le Centre national de référence (CNR) des corynébactéries du complexe diphtheriae par séquençage génomique a montré 5 groupes génétiques différents : ST377a (2 cas), ST377b (1 cas), ST384 (2 cas), ST574 (3 cas), ST698 (2 cas). Ces groupes ont également été identifiés dans d’autres pays européens. Les autres isolats sont en cours de séquençage.
Cette augmentation du nombre de cas chez les personnes migrantes est également observée dans d’autres pays d’Europe. Au 26 septembre 2022, l’European Centre for Disease prevention and Control (ECDC) rapportait 92 cas de diphtérie à C.diphtheriae en 2022 dans 7 pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, France, Grande –Bretagne, Norvège, Suisse)
Mayotte et La Réunion
A Mayotte, la circulation autochtone de la bactérie est connue depuis quelques années. En 2022, sur les 13 cas rapportés, 7 étaient des formes cutanées, 1 forme ORL et 5 étaient porteurs (ORL) asymptomatiques de la bactérie. Ces 5 dernières infections ont été découvertes parmi les contacts proches de 2 cas symptomatiques. Un décès est survenu chez un bébé non vacciné âgé de 7 mois.
A la Réunion, sur la période 2021-2022, l’ensemble des cas rapportés était des cas importés. En 2022, 4 cas ont été déclarés et aucune notion de voyage n’a été retrouvée. Ces 4 cas n’étaient apparemment pas liés entre eux et étaient des formes cutanées.
L’analyse des regroupements génomiques, par le CNR, a montré que 12 souches (8 à Mayotte et 4 à la Réunion) avaient les mêmes caractéristiques, ce qui suggère fortement que ces cas soient liés. Nous n’avons pas d’hypothèse à ce stade, sur la nature de ce lien.
Quelles sont les mesures mises en place ?
En France métropolitaine et à la Réunion
La France bénéficie d’une couverture vaccinale (CV) contre la diphtérie très élevée : 99% pour la primo-vaccination et 96% pour le rappel à 11 mois chez les nourrissons en 2019. Ces couvertures vaccinales sont très élevées depuis de nombreuses années, le vaccin ayant été rendu obligatoire jusqu’à l’âge de 13 ans jusqu’en 2018. Par ailleurs, la vaccination est obligatoire pour les nourrissons nés à partir de 2018. Le risque d’apparition de cas, en particulier de cas graves et/ou de cas groupés au sein de la population générale française, demeure donc extrêmement faible.
A la Réunion la CV est également élevée (97,4% pour le rappel à 11 mois en 2018). En revanche, l’augmentation des cas de diphtérie chez des personnes migrantes, très majoritairement non à jour de leurs vaccinations, fait craindre l'apparition de cas groupés d'infection à C. diphtheriae dans les lieux d'hébergement pour migrants, réfugiés ou demandeurs d’asile (ce scénario a été décrit en Suisse, Kofler et al Eurosurveillance 2022). Afin de prévenir ce risque, un message1 informant de cette augmentation de cas chez les personnes migrantes et rappelant les recommandations de vaccination et de prise en charge2 a été transmis aux associations prenant en charge les populations migrantes et aux professionnels de santé.
Des investigations et discussions sur les cas survenus parmi les personnes migrantes sont menées au niveau européen (ECDC et OMS) en particulier pour identifier un éventuel lieu de contamination (pays traversés sur le parcours migratoire ou pays d’origine comme l’Afghanistan).
A Mayotte
A Mayotte des études menées au cours des dernières années montrent une CV insuffisante pour assurer une immunité collective. En 2019, 93,2% des enfants âgées de 24 à 59 mois ; 45,3% des 7-11 ans et 27,1% des 14-16 ans étaient à jour de leur vaccination contre la diphtérie. Les interventions destinées à augmenter la couverture vaccinale dans ces populations doivent être renforcées sur ce territoire.
1- MINSANTE N°2022_66 daté, du 27/09/2022
2- Avis du Haut conseil de la Santé Publique relatif à la conduite à tenir autour d’un cas de diphtérie du 4 mars 2011 et complément du 10 septembre2022 : https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=215