La consommation d’alcool : premier facteur de risque de mortalité prématurée
Selon les données les plus récentes1, la consommation d’alcool est le premier facteur de risque de mortalité prématurée et d’incapacité chez les 15-49 ans au niveau mondial, et en France, elle fait partie des trois premières causes de mortalité évitable. 41 000 décès de personnes de 15 ans et plus résidant en France étaient attribuables à l’alcool en 20152. Les études montrent que l’alcool, même à faible dose, induit des risques pour la santé. La consommation d’alcool est donc un enjeu de santé publique majeur dans de nombreux pays.
Le marketing social : un dispositif efficace pour prévenir la consommation d’alcool
Dans son rapport publié en 2021, l’expertise collective pilotée par l’Inserm classe les interventions de marketing social évaluées comme faisant partie des interventions efficaces pour prévenir la consommation d’alcool. Promouvoir un changement de comportement favorable à la santé dans la population, tel est l’objectif des dispositifs de marketing social, tels le Dry January consistant à inviter la population à s’abstenir de consommer de l’alcool pendant un mois.
Déployés dans plusieurs pays, ces évènements d’un “mois sans alcool” auquel fait partie le Dry January se sont multipliés ces dernières années. Aujourd’hui, au moins 16 campagnes d’envergure nationale de “mois sans alcool” sont déployées dans 12 pays dont neuf pays européens. Ces campagnes sont portées principalement par des associations non gouvernementales ou caritatives.
En France, Santé Publique France s’est chargée de l’évaluation scientifique du déploiement du dispositif.
Le Dry January est un défi né au Royaume-Uni en 2013 et qui fait partie de ces évènements visant à s’interroger sur les effets d’une période sans alcool sur la santé. C’est aujourd’hui un mouvement international : chaque année pendant un mois, des millions de personnes font une pause dans leur consommation d’alcool au mois de janvier.
Guillemette Quatremère de Santé publique France présente les résultats de l’évaluation de ce dispositif en France en 2020 et plus largement l’intérêt de la démarche de marketing social en promotion de la santé, démarche prônée par Santé publique France.
Bien que la consommation d’alcool ait diminué depuis plusieurs décennies, ce produit bénéficie d’une image très positive et une place importante dans le quotidien des Français et dans la société. Par exemple, en 2017, d’après le Baromètre de santé publique France, près d’un Français sur deux pensait qu’offrir de l’alcool ou en boire « faisait partie des règles du savoir vivre ».
Il ne s’agit pas de nier le plaisir que peut procurer ce produit, son aspect social et convivial, mais il est également nécessaire que les Français prennent conscience que ce produit est nocif pour leur santé et que sa consommation ne soit pas banalisée. Les risques à moyen et long termes liés à l’alcool sont encore peu connus et/ou mis à distance, minimisés par les français ; il existe encore de nombreuses idées reçues sur ce produit. Par ailleurs, l’environnement est très favorable à la consommation des boissons alcoolisées en France : forte exposition à la publicité, accessibilité importante de ce produit. La pression sociale et les habitudes rendent également la réduction de la consommation particulièrement difficile.
Il apparait donc nécessaire de faire changer les perceptions de la population, informer sur les risques, encourager et aider à la diminution en créant des outils et un contexte plus favorable, pour que les Français puissent adopter une consommation éclairée, diminuée et mieux maitrisée, et puissent réduire ainsi les risques pour leur santé.
Un groupes d’experts mandatés par Santé publique France et l’Institut national du cancer a défini des repères de consommation à moindre risque en 2017, à partir de la littérature scientifique et de travaux de modélisation. Ces repères ont été reformulés pour faciliter leur mémorisation et compréhension par le grand public en : « pour votre santé, l’alcool c’est maximum 2 verres par jour, et pas tous les jours ». Dans le cadre de ses différentes missions, Santé publique France vise ainsi à impulser et accompagner ce mouvement de dénormalisation de l’alcool.
Le Défi de Janvier sans alcool – Dry January - fait justement partie des dispositifs qui invitent à observer sa consommation, prendre du recul sur la place de l’alcool dans sa vie et à expérimenter les bénéfices d’une période sans alcool. Les « mois sans alcool » déployés à l’étranger ont montré des résultats assez encourageants en matière de santé publique. Santé publique France a mené une évaluation qualitative à l’issue de la première édition en 2020 dont l’objectif était d’identifier les freins et leviers à la participation et à la réussite du défi.
L’étude qui a consisté à interroger 47 participants et 24 non-participants au défi, est riche d’enseignements. D’abord, on constate que les participants s’engagent dans le défi avec une diversité de motivations (se questionner sur sa consommation, par curiosité, par jeu, pour accompagner un proche ayant une consommation jugée excessive, etc.) et des modalités qui leur sont propres.
La souplesse des modes de participation est un véritable levier pour s’engager dans le défi : par exemple en se fixant son propre objectif (abstinence totale ou une diminution, ou encore en s’autorisant des écarts), en reconfigurant de manière plus ou moins forte ses activités sociales. Les participants interrogés racontent tous une certaine prise de conscience de la place prépondérante de l’alcool dans la société, et une pression sociale à consommer dont ils n’avaient pas toujours conscience.
Le fait de ne pas se sentir concerné et la crainte de ne pas réussir sont, en revanche, des freins à la participation. Le manque de couverture médiatique a pu aussi rendre plus difficile l’expérience dans la mesure où certaines personnes ont dû expliquer le défi et justifier leur démarche, tout en faisant face à des incompréhensions et parfois des moqueries. Enfin, il a été possible d’identifier des profils types de participants permettant de mieux cerner les besoins en matière d’outils et d’accompagnement pour les éditions futures.
Santé publique France mène de multiples actions pour diminuer la part du fardeau de l’alcool en France dans le cadre du Plan national de santé publique Priorité prévention, du Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), et de la Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030. D’une part, Santé publique France mesure les comportements de consommation d’alcool de la population (par exemple avec les enquêtes Baromètre de Santé publique France) et assure la surveillance des conséquences de ces consommations. Cela est indispensable pour estimer les dommages liés à l’alcool et identifier les cibles des actions de prévention. Il s’agit ensuite, en effet, de concevoir, mettre en œuvre, évaluer et/ou promouvoir des interventions qui visent à éviter, limiter ou retarder l’entrée dans les consommations des plus jeunes, et à favoriser la diminution des consommations d’alcool des consommateurs, jeunes ou adultes.
Pour les adolescents, des interventions de renforcement des compétences psychosociales peuvent ainsi être mises en place, souvent en milieu scolaire. Santé publique France est engagée dans l’évaluation et la dissémination de plusieurs interventions de ce type. Des dispositifs de marketing social sont également déployés pour faire connaitre les risques associés aux consommations d’alcool et les repères à moindre risque, modifier les attitudes des Français vis-à-vis de l’alcool en débanalisant ce produit, et inciter au changement de comportement dans le sens d’une diminution des consommations. Citons quelques uns de ces dispositifs : la campagne Risques-Repères diffusée plusieurs fois depuis 2019, les campagnes visant à informer des risques de l’alcool pendant la grossesse, la campagne de réduction des risques et dommages en contexte festif en direction des jeunes « Amis aussi la nuit » visant à renforcer les comportements protecteurs entre pairs.
Enfin, Santé publique France gère le dispositif d’aide à distance Alcool info service qui propose un site internet d’information et différents types d’aide : forums, chat et ligne d’appel téléphonique pour échanger avec des professionnels. Un annuaire avec les structures d’aide est également disponible pour ceux qui en auraient besoin, ce qui facilite le recours à un professionnel de santé ou à une structure spécialisée. Les professionnels de santé peuvent d’ailleurs, eux aussi y trouver, des ressources dans un espace qui leur est dédié.
En savoir plus
Autres sources citées
- Expertise collective : https://www.inserm.fr/expertise-collective/reduction-dommages-associes-consommation-alcool/
- Pourquoi les français consomment-ils de l'alcool ? Baromètre de Santé de publique France.
- Avis d'experts relatif à l'évolution du discours public en matière de consommation d'alcool en France
1 GBD 2016 Alcohol Collaborators. Alcohol use and burden for 195 countries and territories, 1990-2016: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2016. The Lancet. 2018 ; 392 (10152) : 1015-35.
2 Bonaldi C, Boussac M, Nguyen-Thanh V. Estimation du nombre de décès attribuables au tabagisme, en France de 2000 à 2015. BEH. 2019;(15):278-84.