Face à l’épidémie de COVID-19, des mesures immédiates de gestion (fermetures des commerces…) ont été mises en place en 2020 avec un impact potentiel sur les groupes professionnels suivis dans le cadre du programme de surveillance Coset. C’est pourquoi, au lendemain du premier confinement, Santé publique France a lancé l’enquête Coset-Covid auprès des participants à ses cohortes Coset-MSA et Coset-Indépendants, afin de documenter la situation professionnelle et la santé des travailleurs du monde agricole (exploitants, salariés) et des travailleurs indépendants (artisans, commerçants, professions libérales, autres dirigeants).
Les résultats de cette enquête publiés aujourd’hui montrent que le confinement a impacté fortement l’activité de ces professionnels, notamment des indépendants non-agricoles. En termes de santé et comportements de santé, les impacts de cette période ont été notables, avec toutefois, des différences constatées entre genres et sous‑groupes professionnels. Certains groupes présentaient une prévalence plus élevée d’anxiété et de symptômes dépressifs au sortir du confinement en juin 2020. Par ailleurs, la probabilité de présenter de l’anxiété ou des symptômes dépressifs apparaissait plus grande en présence de certains facteurs professionnels renvoyant à des conditions de travail défavorables durant ce confinement.
Le programme de surveillance COSET
Le programme Coset inclut depuis 2017-2018 plus de 47 000 participants, ayant accepté de rejoindre les cohortes Coset-MSA et Coset-Indépendants. Ces cohortes visent à assurer un suivi épidémiologique sur le long terme des travailleurs et ex-travailleurs du monde agricole d’une part (indépendants et salariés), et des travailleurs et ex-travailleurs indépendants d’autres part (artisans, commerçants, professions libérales, autres dirigeants). Ces groupes professionnels aux conditions d’exercice spécifiques sont assez peu représentés dans les études sur le travail et la santé. Ce suivi prend la forme de questionnaires réguliers, devant permettre de produire des bilans sur la santé de ces populations, et ses liens avec les conditions de travail et expositions professionnelles.
Enquête Coset-COVID : que retenir des résultats ?
Le confinement du printemps 2020 a eu un impact considérable sur l’activité professionnelle et les conditions de travail
Quel impact sur l’activité ?
- Chez les indépendants non-agricoles : près de la moitié des artisans et commerçants ont été concernés par des arrêts d’activité complets durant le confinement, et ceux qui ont continué à travailler ont connu des baisses importantes de leur chiffre d’affaires (supérieures à 50% pour plus de la moitié).
- Chez les travailleurs du monde agricole : les arrêts d’activités ont été peu fréquents chez les indépendants, et un peu plus chez les salariés (un sur 5 s’est arrêté de travailler partiellement).
Quel impact sur les conditions de travail ?
Pour les professionnels ayant continué à travailler, les modifications de modalités et conditions de travail ont été contrastées. Le développement ou le passage en télétravail a ainsi concerné la moitié des professions libérales et autres dirigeants, et près de 80% des salariés de bureau du monde agricole, mais est restée minoritaire dans les autres groupes. Si une bonne partie des travailleurs a vu se réduire ou disparaître les contacts en face-à-face avec des collègues et collaborateurs, ou avec le public (clients, patients, usagers) sur cette période, certains ont connu une augmentation des tensions relationnelles, notamment plus d’un quart des commerçants, avec leur clientèle.
Quels impacts sur la santé et les comportements de santé ?
On relève un impact notable sur la santé et les comportements de santé, en termes de sommeil, de consommation d’alcool, de tabac et de psychotropes, et de renoncement aux soins.
- En termes de consommation d’alcool, de tabac et de psychotropes
Chez les indépendants non agricoles et les salariés agricoles ayant des activités de bureau, une personne sur 6 a augmenté sa consommation d’alcool et plus d’une personne sur 4 a vu ses troubles du sommeil accentués. Une augmentation de la consommation de tabac et de psychotropes a été observée pour une part notable des indépendants non-agricoles, plus rarement parmi les travailleurs du monde agricole.
- En termes de troubles dépressifs et d’anxiété
Au lendemain du confinement, près de 20% des femmes artisanes, commerçantes et professionnelles libérales souffraient d’anxiété, et de 20% des femmes issues de professions libérales présentaient une symptomatologie dépressive, sans qu’il soit possible de relier directement ces chiffres au confinement, faute de valeurs antérieures disponibles.
La probabilité de présenter des symptômes d’anxiété ou de dépression était néanmoins associée à certaines conditions ou évolution du travail défavorables durant le confinement, telles qu’une augmentation des tensions relationnelles avec le public ou les collègues, une augmentation des heures de travail ou un décalage de ces heures en week-end ou en soirée, ou encore une impossibilité de s’isoler pour travailler à domicile.
- En termes de troubles du sommeil
Chez les indépendants non‑agricoles et les salariés agricoles ayant des activités de bureau, les troubles du sommeil se sont accentués lors de cette période pour plus d’un quart des hommes, et plus d’un tiers des femmes.
- En termes de renoncement aux soins
Que ce soit chez les indépendants non‑agricoles ou chez les travailleurs du monde agricole, environ un tiers ont renoncé à des soins durant la période, en raison le plus souvent d’un report ou d’une annulation de rendez‑vous, de la fermeture des cabinets médicaux et/ou du caractère non urgent des soins.
Que peut-on tirer des résultats de l’enquête Coset-COVID ?
Ce bilan est une photographie instantanée de la situation en post-confinement de juin 2020 et permet de quantifier l’impact de la première vague de l’épidémie sur ces professionnels.
Il ne permet pas d’évaluer les conséquences globales de l’épidémie à ce jour, d’autres vagues épidémiques (accompagnées de nouvelles mesures de restrictions, confinement ou mesures de freinage) ayant pesé ultérieurement sur l’activité économique.
Une nouvelle enquête est prévue au sein des cohortes Coset en 2022 afin d’évaluer dans quelle mesure les changements observés et leurs liens avec l’état de santé ont évolué dans ces populations.
Ces résultats viennent compléter les autres travaux sur la santé mentale des travailleurs en rapport avec l’épidémie de Covid-19. Ils permettront de fournir aux acteurs de la prévention et aux partenaires sociaux des éléments pour appréhender des crises futures et envisager des modes d’exercice alternatifs.