La notion de consentement s’étend bien au-delà du champ de la sexualité. Le dossier « Consentement, éthique, soins et santé » du N° 464 de La Santé en action est l’occasion d’explorer sa signification dans la relation de soins et mais aussi dans plusieurs autres domaines. Il analyse les conditions que les professionnels de la santé mais aussi de l’éducation et du social doivent réunir, toutes les questions qu’ils doivent se poser pour recueillir le consentement des personnes avant tout geste et tout acte. Derrière cet enjeu se trouve celui de pouvoir prendre le temps de la construction du consentement, dès le début et tout au long de la consultation et du soin. Comment prendre le temps d’informer, de parler, de différer, de se revoir ?
Promouvoir le consentement comme une exigence éthique
À tout moment de sa vie l’individu est amené à donner ou non son consentement à une décision dont il n’a pas l’initiative et ainsi à choisir ce qu’il souhaite. Ceci vaut pour la vie affective et sexuelle mais aussi pour la contraception, l’interruption volontaire de grossesse, les consultations médicales, les actes médicaux (particulièrement ceux qui touchent à l’intimité), la fin de vie, etc.
Le consentement comporte une dimension politique, morale et sociale
Le consentement est le résultat combiné d’une délibération avec l’autre et d’une décision intérieure. Il renvoie donc à des tensions entre liberté et contraintes, entre adhérer et tolérer. Il ne peut, par conséquent, être détaché des caractéristiques sociales des individus concernés ni des rapports de pouvoir et de hiérarchie qui les lient aux autres. S’inscrivant dans des interactions entre individus, le consentement est donc aussi collectif et comporte dès lors une dimension politique, morale et sociale : faire un choix personnel et raisonné est en réalité un acte soumis à un ensemble de normes et au contexte social. Le consentement concerne tout le monde, en particulier les personnes touchées par des vulnérabilités (âge, handicap mental ou physique, genre, état de santé, cas des migrants, etc.). La question de la relation de soins permet d’en saisir toute la complexité.
Le consentement dans le domaine de la santé
En santé, le consentement a une définition légale depuis le début des années 2000 : il doit être « libre et éclairé » sur la base d’une information libre, intelligible et loyale. La loi du 4 mars 2022 relative aux droits des malades impose aux soignants de donner aux personnes toutes les informations leur permettant de faire un choix éclairé. Concrètement, il s’agit d’obtenir l’accord du patient sur ce qui lui est proposé dans son parcours de soins : les gestes qu’on pose sur son corps, les prescriptions, etc. Cela nécessite une adaptation de la posture du soignant. Il ne lui suffit pas d’exposer au patient le déroulé des soins et de lui demander ce qu’il en pense ou même s’il a une objection ; en effet le patient n’ose pas toujours s’opposer face à une autorité qui a fait des études et à qui on doit respect et confiance. Il y a déséquilibre entre la puissance que confèrent la blouse blanche et l’expertise, face à la potentielle vulnérabilité induite par les motifs de consultation.
De plus, tout au long du dossier de La Santé en action, le constat est fait que la notion de consentement demande du temps, dont les acteurs du soin ne disposent plus. Outre la question de l’application effective des nombreuses normes existant autour de cette question, se pose celle de l’intégration, par les professionnels, d’une réflexion sur le sujet dans la relation de soins tout au long de leur activité et, en amont, dans leur formation.
Les différents articles du dossier viennent interroger le consentement dans des situations variées : sont abordés le toucher vaginal et le toucher rectal dont le consentement est la plupart du temps non questionné, empêchant le patient de se déterminer, l’interruption volontaire de grossesse, dont les modalités ne sont pas toujours librement choisies, les consultations gynécologiques, y compris celles des femmes en situation de handicap au cours desquelles il faut prendre le temps nécessaire pour les intégrer à l’échange et instaurer un rapport de confiance.
Les soins en milieu fermé (établissements psychiatriques, usagers de drogues, prisons)
La psychiatrie, domaine d’exception au principe de consentement, avec la privation du libre arbitre des personnes concernées, fait l’objet d’un autre article ainsi que l’obligation de soins pour les auteurs de violences sexuelles ou encore pour certains usagers de drogues. Dans tous ces cas, le consentement fait place à l’obligation mais l’enjeu reste de nouer une alliance thérapeutique spécifique et unique avec le patient.
Le consentement des personnes les plus vulnérables
Protection des mineurs : âges du consentement sexuel
Un article explore les âges du consentement dans le droit criminel canadien et un autre revient sur la loi française du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste. Cette loi, qui supprime la présomption de consentement dans de nombreux cas, permet aussi de mettre en cause la responsabilité pénale d’un adulte qui atteint à l’intégrité d’un mineur de 15 ans (ou de 18 ans s’il y a un lien d’autorité) sans qu’il soit nécessaire de prouver qu’il y a eu recours à la violence, la contrainte, la menace ou la surprise.
Personnes migrantes et personnes en fin de vie
Le dossier se clôt par l’illustration de deux autres situations : celle des migrants et la nécessité d’avoir des interprètes pour ceux qui ne comprennent pas le français et le cas de la fin de vie où le praticien peut éprouver des difficultés pour savoir ce que la personne veut vraiment même s’il existe des directives anticipées de la part de ce dernier. Mais même pour les personnes qui ne sont plus capables d’exprimer leur avis, il convient de décider en fonction de ce que la personne a été, voire de ce qu’elle aurait voulu.
Le dossier est assorti de ressources documentaires avec une sélection organisée en huit catégories : textes de référence (lois, rapports et avis), aspects éthiques et juridiques, consentement et sexualité, consentement des populations vulnérables, consentement aux soins et consentement aux soins en psychiatrie, outils et ressources, littérature.
Il ressort de l’ensemble de ces contributions l’importance de recueillir le consentement des personnes en instaurant avec elles un échange approfondi (pas de soins sans échanges malades/soignants) et celle de donner des clés de compréhension à l’ensemble des professionnels pour qu’ils puissent se dire qu’en pratiquant leur métier de telle façon, ils sont « bien traitants ». Il s’agit aussi peut-être pour eux de s’opposer à cette confiscation du temps de la relation qui marque le champ du soin. Mais ils ne peuvent agir seuls : c’est l’ensemble du système de soins qu’il convient d’adapter à cette exigence éthique.