La surveillance génomique du SARS-CoV-2, en France et dans le monde, a pour objectif de suivre la diffusion des différents variants du SARS-CoV-2 et de détecter l’apparition de variants émergents susceptibles de modifier la dynamique de la pandémie de COVID-19 ; elle repose notamment sur le séquençage d’un échantillon représentatif de prélèvements RT-PCR positifs. Depuis sa mise en place en janvier 2021, le consortium Emergen, sous la coordination de Santé publique France et de l’ANRS|Maladies infectieuses émergentes (MIE), a permis de mobiliser plusieurs plateformes publiques de virologie médicale avec de fortes capacités de séquençage et un réseau de laboratoires hospitaliers de virologie coordonné par l’ANRS|MIE, et de développer une infrastructure permettant d’utiliser ces séquences à des fins de surveillance et de recherche. Un appel à manifestation d’intérêt a aussi permis, au plus fort de la crise, d’accroître encore ces capacités de séquençage en faisant appel à quatre plateformes privées.
Après 2 ans de fonctionnement et d’efforts, qui ont notamment conduit à la production de plus de 700 000 séquences par les laboratoires du consortium, les besoins de surveillance génomique du SARS-CoV-2 ont évolué : les activités du consortium continuent mais nécessitent donc de s’adapter.
Comment évolue la surveillance génomique du SARS-CoV-2 ?
Depuis le 1er janvier 2023, la surveillance génomique des variants du SARS-CoV-2 évolue avec une activité de séquençage recentrée autour du CNR Virus des infections respiratoires, en lien étroit avec les laboratoires de biologie médicale préleveurs et avec le soutien des laboratoires hospitaliers du réseau ANRS|MIE.
Le volume des prélèvements à séquencer à des fins de surveillance (enquêtes Flash) est évalué chaque semaine en fonction du nombre de cas positifs en population générale, conformément aux recommandations européennes. Sur la base de ces recommandations, un volume de séquences variant entre 2 000 et 3 000 chaque semaine permet aujourd’hui de détecter tout nouveau variant émergent et d’en suivre la diffusion de manière appropriée. En complément, l’activité de séquençage continue pour d’autres indications (cas graves de COVID-19, patients immunodéprimés, etc.)
Ainsi, les enquêtes Flash se poursuivent chaque semaine et l’ensemble des séquences produites continue à être centralisé sur la plateforme EMERGEN-DB. Les analyses qui en résultent sont restituées sur le site de Santé publique France via le tableau de bord InfoCovidFrance et le point épidémiologique produit chaque semaine. Ces séquences sont également partagées au niveau international via la base GISAID. Sur la base de ces données, une analyse de risque est produite au moins chaque mois par Santé publique France et le CNR Virus des infections respiratoires : elle détaille la situation et les caractéristiques des variants circulants et leur impact potentiel (échappement à la vaccination, transmissibilité…). Un travail constant de contrôle de l’échantillonnage et des flux des prélèvements permet à cette surveillance de maintenir ses objectifs, tant en termes de volume, de répartition géographique que de délais.
Les capacités de séquençage nationales sont actuellement suffisamment dimensionnées pour permettre aux équipes de Santé Publique France et du Centre National de Référence Virus des infections Respiratoires de répondre aux enjeux de la surveillance des variants du SARS-CoV-2 au niveau national et international. Elles leur permettent également d’élargir leur activité de séquençage aux autres viroses respiratoires (grippe, infections à VRS). En complément, les capacités du réseau ANRS|MIE restent disponibles pour des indications de séquençage plus ciblées (cas graves, patients immunodéprimés, etc.) et si ces besoins devaient à nouveau évoluer.
3 questions à Bruno Coignard, directeur des maladies infectieuses à Santé publique France
Pourquoi la restructuration d’Emergen est-elle intervenue au 31 décembre 2022 ?
L’évolution et la restructuration des activités de séquençage au sein du consortium Emergen intervenues au 1er janvier 2023 étaient prévues. Elles sont d’abord liées à une réévaluation des besoins compte tenu de l’évolution de la pandémie de COVID-19, réévaluation des besoins qui a été conduite dans tous les pays en lien, concernant l’Europe, avec les recommandations de l’ECDC. Elles sont aussi liées à une évolution du cadre juridique concernant certaines plateformes. Ainsi, le mandat 2017-2022 du réseau des CNR a pris fin, et ce réseau a été renouvelé au 1er janvier 2023 pour 5 ans (2023-2027), après un appel à candidatures conduit en 2021/22. Dans ce cadre, nous disposons aujourd’hui d’un nouveau CNR Virus des infections respiratoires, coordonné par les Hospices civils de Lyon (HCL) qui s’est associé à trois autres laboratoires : Institut Pasteur (Paris), Institut Pasteur de la Guyane et CHU de La Réunion. Les 2 CNR-Laboratoires experts pour l’appui au séquençage du SARS-CoV-2 (Hôpital Henri Mondor et Assistance publique – Hôpitaux de Marseille) n’ont pas été renouvelés dans le cadre de cet appel à candidatures, mais leurs capacités restent en place et accessibles via le réseau ANRS-MIE. Par ailleurs, le mandat des plateformes privées nommées après appel à manifestation d’intérêt en 2021 prenait arrivait lui aussi à échéance le 31 décembre 2022. Il a donc fallu prendre en compte ces évolutions.
Quelle est désormais la capacité de séquençage en France ?
On estime aujourd'hui qu’on peut surveiller l’émergence et la circulation des différents variants du SARS-CoV-2 sur le territoire français avec un nombre de séquences qui tourne, selon les semaines, entre 2 000 et 3 000. C’est ce volume d’activité que l’on maintient aujourd'hui. D’autres indications de séquençage complètent cette activité « de base » : des séquençages ciblés pour les cas graves de COVID-19 ou chez les patients immunodéprimés, du séquençage interventionnel lorsqu’il s’agit d’investiguer des clusters, ou d’autres besoins nouvellement identifiés, tels que ceux concernant le séquençage de voyageurs de retour de Chine par exemple.
Aujourd'hui, les capacités du consortium (qui reposent sur celles du CNR et celles du réseau ANRS | MIE) sont d’environ 10 000 séquences par semaine, dont 4 000 pour les seuls laboratoires métropolitains (HCL et Institut Pasteur) du CNR. Cela nous permet de couvrir ces besoins et d’avoir des capacités en réserve. Comme nous avons besoin d’environ 2 000 à 3 000 séquences par semaine pour avoir un bon suivi des variants via les enquêtes Flash, nous avons recentré cette activité sur le CNR, conformément à ses missions de contribution à la surveillance. Cela ne veut toutefois pas dire que le CNR travaille seul : ses activités se font en lien étroit avec un réseau de laboratoires de biologie médicale, publics et privés.
Cela veut dire aussi que le CNR a une capacité en réserve qui va nous servir dorénavant également pour d’autres enjeux, notamment ceux portés par d’autres virus respiratoires (virus Influenzae responsables de la grippe, virus respiratoire syncytial – VRS – responsable des bronchiolites). L’activité de séquençage du CNR pour les virus Influenzae est ancienne et il contribue à la surveillance génomique des virus influenzae au niveau international depuis de nombreuses années, notamment en tant que centre collaborateur de l’OMS ; cette activité va se poursuivre et s’amplifier. Comme Santé publique France pour la surveillance épidémiologique, le CNR inscrit son activité de surveillance génomique dans une approche intégrée incluant dorénavant l’ensemble des infections respiratoires aigües.
Quelles sont les perspectives et les enjeux à venir d’Emergen ?
EMERGEN est dans une phase de transition, dans le cadre d’une « normalisation » de la COVID-19, et comme c’est le cas également pour d’autres consortiums européens. L’infrastructure est maintenue (en particulier la base EMERGEN-DB qui permet de centraliser et partager ces séquences) et si les activités de surveillance génomique se recentrent sur les laboratoires de santé publique (réseau des CNR en France), les collaborations avec l’ensemble des laboratoires de biologie médicale, publics et privés, et avec la recherche doivent être maintenues et même renforcées, car elles ont démontré tout leur intérêt pendant la crise. Il s’agit en particulier de continuer à fédérer une communauté d’institutions et de professionnels qui a appris à travailler ensemble, se sont énormément investis et ont beaucoup contribué à répondre aux nombreuses questions posées par cette pandémie. Dans ce cadre, et en lien étroit avec l’ANRS|MIE, Santé publique France maintient l’activité de surveillance et de recherche nécessaire sur la Covid-19 et a l’ambition de l’étendre à d’autres virus susceptibles de générer les prochaines émergences et potentielles pandémies, à commencer par les virus respiratoires. L’enjeu est aujourd’hui de passer d’une organisation construite en temps de crise à une organisation pérenne et plus robuste pour mieux anticiper et répondre aux prochaines crises sanitaires.