Après plus de trois années à un niveau très bas de circulation dans le contexte de la pandémie de Covid-19, une augmentation des infections respiratoires à Mycoplasma pneumoniae a été observée depuis cet automne en France et dans d’autres pays, notamment en Europe [1] et en Asie du Sud-est [2].
En France, il n'existe pas de système national de surveillance dédié aux infections à Mycoplasma pneumoniae. Fin novembre 2023, des augmentations inhabituelles d’infections respiratoires à Mycoplasma pneumoniae ont été mises en évidence d'une part avec le signalement de cas groupés en milieu scolaire et d'autre part suite à des signalements de cas hospitalisés par plusieurs cliniciens. Les investigations menées pour analyser cette situation ont mobilisé de façon réactive plusieurs partenaires et sources de données (cliniques, microbiologiques, épidémiologiques) en ville et à l’hôpital.
Plusieurs éléments sont en faveur d’une épidémie de pneumonies à Mycoplasma pneumoniae d’intensité inhabituelle en France depuis le début du mois d'octobre 2023, avec une augmentation très marquée à compter de début novembre. Santé publique France poursuit ses investigations en lien avec ses partenaires pour suivre l’évolution de la situation.
Qu’est-ce que la bactérie Mycoplasma pneumoniae ?
Mycoplasma pneumoniae est une bactérie qui se transmet par les gouttelettes respiratoires lors de contacts proches après une période d’incubation d’une à trois semaines. Après le pneumocoque, il s’agit du germe le plus fréquemment impliqué dans les pneumonies bactériennes aiguës, en particulier chez les enfants et les jeunes adultes. Dans la majorité des cas, l’évolution des infections est favorable. Des complications de type exacerbation d’un asthme ou des manifestions rares notamment cutanées ou neurologiques, peuvent nécessiter une hospitalisation. Des infections à Mycoplasma pneumoniae peuvent habituellement être observées tout au long de l'année, plus fréquemment en été et au début de l'automne. Les périodes épidémiques surviennent tous les 3 à 7 ans.
Consultations pour pneumopathie en ville et à l’hôpital
Une augmentation du recours aux soins d’urgence pour pneumopathie (tous types confondus) a été mise en évidence début octobre 2023 par la surveillance syndromique SurSaUD®, que ce soit en ville lors des visites et consultations du réseau SOS Médecins [3] (figure 1) ou à l’hôpital dans les services d’urgences du réseau Oscour® [4] (figure 2). Cette hausse a été plus marquée depuis début novembre (S44), s’est poursuivie jusqu’en S48 tandis qu’une tendance à la stabilisation s’est amorcée sur les deux semaines suivantes de début décembre (S49 et S50), avec des disparités selon l’âge. Chez les 5-14 ans et les 15 à 44 ans, ces augmentations étaient plus marquées, jusqu’à des niveaux atteints très supérieurs à ceux de l’année 2019 avant la pandémie. Chez les 5-14 ans, les indicateurs ont poursuivi leur hausse jusqu’en semaine 49 puis semblaient amorcer une diminution en S50, tandis que l’augmentation se poursuivait chez les 15-44 ans.
La part attribuable au Mycoplasma pneumoniae ne peut néanmoins pas être précisément estimée à partir de ces données du fait que le diagnostic de Mycoplasma pneumoniae n’est pas systématique lors du passage aux urgences. L’interprétation des données doit aussi être réalisée avec prudence, compte tenu de l’impact des autres pathogènes respiratoires. En complément, l’analyse des pneumopathies uniquement bactériennes permettra d’affiner ces tendances, dont l’interprétation doit également prendre en compte la circulation d’autres germes notamment en lien avec les surinfections bactériennes des infections virales.
Suivi des taux de détection de la bactérie à l’hôpital et en ville
A l’hôpital, le nombre de détections par PCR de Mycoplasma pneumoniae (réseau de laboratoires hospitaliers RENAL [5]) a progressivement augmenté depuis fin juillet puis de façon plus marquée courant octobre 2023, avec un taux de positivité qui a doublé entre le début et la fin du mois d’octobre, évoluant de 1,7% (S40) à 4,0% (S44) (figure 3). Cette hausse s’est poursuivie jusqu’à atteindre, fin novembre, un taux de positivité près de 4 fois supérieur à celui observé à la même période en 2019 (soit 7,4% en S47/23 vs 1,7% en S47/19). Une diminution s’est amorcée à partir de la semaine 48, et ceci jusqu’en semaine 49. Une augmentation du taux de positivité est à nouveau observée en semaine 50 (données non consolidées).
En ville, les premières analyses d’une partie des données sérologiques du réseau 3Labos [6] montrent que le taux de positivité des tests IgM à Mycoplasma pneumoniae réalisés dans les laboratoires de biologie médicale de ville, tous âges confondus, a augmenté dans le courant de l’été 2023. Une nette augmentation était ensuite observée à partir de début octobre, jusqu’à atteindre fin novembre (S47) un niveau très supérieur à celui de 2019 à la même période. Cette hausse était particulièrement marquée chez les enfants âgés entre 5 et 14 ans, sachant que ces tendances seront à confirmer suite à l’intégration de l’ensemble des données du réseau 3Labos (Eurofins-Biomnis et Cerba).
Quelles sont les actions en cours pour suivre l’évolution de l’épidémie ?
Dans ce contexte épidémique, le suivi de l’évolution de la situation par Santé publique France se poursuit en lien avec ses partenaires. Un suivi du profil de résistance aux macrolides (traitement de 1ère intention contre cette bactérie sans paroi et non sensible aux béta-lactamines) est réalisé par le laboratoire de bactériologie au CHU de Bordeaux (équipe du Pr Bébéar), qui assure l’expertise en l’absence de CNR référent pour cette bactérie [7]. Quatre souches résistantes ont été mises en évidence par PCR parmi les 112 prélèvements amplifiés depuis la S28 (3,6%). Un suivi des consommations d’antibiotiques a été mis en place par l’ANSM. Une enquête sur les caractéristiques cliniques des cas hospitalisés a été mise en place à partir de mi-décembre 2023 (étude Mycado Spilf - Coreb) [8].
Une sensibilisation des professionnels de santé libéraux et hospitaliers au diagnostic et à la prise en charge a été réalisée dès novembre 2023 par le ministère chargé de la santé [9]. Il est important de porter une vigilance particulière au diagnostic de cette infection afin de mettre en place un traitement adapté et prévenir l'apparition de formes graves de la maladie, notamment chez les personnes les plus à risque du fait de leur âge ou de la présence de maladies chroniques dont l’asthme.
Des gestes simples à adopter
Pour réduire les risques de contamination, Santé publique France recommande des gestes barrières simples à adopter :
- porter un masque en cas de symptômes (rhume, fièvre, mal de gorge ou toux), dans les lieux fréquentés et en présence de personnes fragiles ;
- se laver les mains fréquemment à l’eau et au savon ou avec une solution hydro-alcoolique ;
- aérer régulièrement son logement ;
- éternuer dans son coude (plutôt que dans ses mains) ;
- utiliser un mouchoir à usage unique.
[1] European Centre for Disease Prevention and Control. Communicable disease threats report. Weekly report 49/2023.
[2] World Health Organization. Upsurge of respiratory illnesses among children-Northern China. Disease Outbreak News. 23 November 2023.
[3] Surveillance syndromique SurSaUD®. Bulletin du réseau SOS Médecins® / Santé publique France du 18/12/23.
[4] Surveillance syndromique SurSaUD®. Bulletin du réseau OSCOUR® / Santé publique France du 19/12/23.
[5] Institut Pasteur. Réseau de laboratoires hospitaliers (RENAL).
[6] Santé publique France – la surveillance des maladies infectieuses à partir des données de laboratoires : projets 3labos.
[7] CHU de Bordeaux. Laboratoire de bactériologie. Demande de recherche de Mycoplasma pneumoniae et/ou de la résistance aux macrolides pour Mycoplasma pneumoniae.
[8] Spilf – Coreb. Étude Mycado – Infections à Mycoplasme chez les adultes hospitalisés.
[9] Direction générale de la Santé. DGS-URGENT N°2023_23 au 24 novembre 2023.