Les études sur la maltraitance des enfants encore trop peu nombreuses
Chaque année, les forces de l’ordre enregistrent plus de 120 victimes d’infanticide, dont près d’une centaine décèdent dans le cadre intrafamilial1. En 2019, plus de 40 000 plaintes2 ont été enregistrées en France pour violences commises au sein de la famille, que ces violences soient physiques ou sexuelles. Ces plaintes ont augmenté de 15% en un an.
Ces données sont loin de saisir le phénomène dans toute son ampleur. Elles ne mesurent qu’une partie des maltraitances, les maltraitances physiques. Mais ces violences ont des répercussions traumatiques, physiques et psychologiques à court, moyen et long termes. Qu’en est-il des maltraitances psychologiques et des négligences envers les enfants et les adolescents ?
Effets à court et à long terme de la maltraitance infantile sur le développement de la personne
Au cours des dernières décennies, le développement des connaissances a permis de rendre compte des nombreux impacts de la maltraitance envers les enfants sur leur développement à court et long terme, menant la communauté scientifique et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a l’identifier comme un réel problème de santé publique. Pour autant, les données, actuellement disponibles ou en construction, relèvent de sources variées et ne documentent que de façon partielle la problématique de la maltraitance faite aux enfants alors que de nombreux travaux internationaux ont montré les multiples impacts de la maltraitance intrafamiliale sur le développement et la santé des enfants tout au long de la vie. Pour bien appréhender son importance en France, il est nécessaire de mesurer sur ce fardeau en disposant de données fiables sur leurs natures, leurs fréquences, leurs conséquences, leurs prises en charge et les impacts de cette prise en charge.
Une réflexion collective pour mieux comprendre et documenter le fardeau de la maltraitance
Santé publique France réunit chercheurs et acteurs de la prévention, les 30 et 31 mars 2023, à l’occasion du séminaire « Regards croisés sur la conduite de recherches sur la maltraitance intrafamiliale envers les enfants et les adolescents ».
En présence d’Agnès Firmin Le Bodo, Ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, Charlotte CAUBEL, Secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l'Enfance et Éric DELEMAR Défenseur des enfants, adjoint de la défenseure des droit en charge de la défense et de la promotion des droits de l’enfant, ce séminaire d’animation des acteurs de la recherche et de la prévention doit permettre de faire un premier état des lieux des connaissances épidémiologiques disponibles en France aujourd’hui.
L’objectif est d’identifier les données manquantes sur le sujet, développer et améliorer la compréhension de ces violences, leurs circonstances et leurs conséquences sur la santé par des enquêtes épidémiologiques en population. Il permettra également de partager collectivement les difficultés dans la mise en œuvre d’études auxquelles sont confrontées les équipes de recherches et de discuter et d’échanger autour des possibilités et solutions pour mener à bien les enquêtes autour de la thématique de la maltraitance intrafamiliale envers les enfants et les adolescents.
Ce séminaire vise à encourager le développement de recherches françaises en épidémiologie et en santé publique afin d’identifier les leviers pour la mise en place de telles études et ainsi disposer d’une connaissance fine du fardeau de la maltraitance et de ses déterminants pour guider l’action publique.
La perspective est de mieux comprendre et documenter le fardeau que constitue la maltraitance pour le développement de l’enfant et la santé de la population, et également de faire connaitre cette thématique complexe, encore peu investie en épidémiologie et en santé publique.
Les actes du séminaire ainsi que les présentations et les échanges seront disponibles au 2e semestre 2023.
Santé publique France mobilisée pour enrichir les connaissances scientifiques sur la maltraitance
Santé publique France contribue à l’estimation de ce fardeau par la production des données épidémiologiques issues des systèmes de surveillance non spécifiques à la maltraitance, avec par exemple :
- Une mise à jour du décompte des décès par traumatisme chez les enfants selon les certificats de décès (base du CépiDc).
- La réalisation d’un numéro spécial sur la maltraitance dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France publié en 2019, qui avait pour objectif de permettre la diffusion de connaissances tant sur les définitions que sur l’ampleur de la maltraitance, sur les sources de données épidémiologiques mobilisables ainsi que son impact tout au long de la vie.
D’autres travaux sont en cours :
- Une enquête sur le vécu de la parentalité et les pratiques parentales qui pourra apporter un éclairage sur les déterminants et les conditions de vie des parents ainsi que sur le vécu, les pratiques parentales et les interactions mises en place avec l’enfant.
- Ainsi que d’autres travaux, comme l’analyse détaillée des décès par traumatismes à partir des certificats de décès prévue en 2025 qui permettra également de fournir des informations sur les circonstances de survenue des décès des enfants de moins de 15 ans ayant subi des violences.
Concernant la prévention et la promotion de la santé, Santé publique France a développé depuis 4 ans un programme en santé périnatale. Cette stratégie intègre notamment le soutien à des interventions préventives précoces à domicile, fondées sur les théories d’attachement entre l’enfant et ses parents, identifiées comme efficaces dans les stratégies de prévention de la maltraitance, en particulier par l’OMS et le US-CDC.
1 Observatoire national de la protection de l’enfance. Chiffres-clés en protection de l’enfance.
2 En 2019, 44 % des plaintes pour violences physiques ou sexuelles enregistrées par les services de sécurité concernent des violences commises au sein de la famille, ce qui représente 160 000 victimes (119 000 majeures et 41 000 mineures). En un an, ces plaintes ont augmenté de 14 % (+13 % lorsque la victime est majeure, +15 % lorsqu’elle est mineure), probablement en lien avec le Grenelle sur les violences conjugales lancé en 2019 qui a pu favoriser un meilleur accueil par les services de sécurité, inciter les victimes de violences conjugales à davantage déposer plainte et peut-être, plus largement, encourager les signalements de toute forme de violences intrafamiliales. La hausse des violences intrafamiliales s’est poursuivie en 2020 (+10 %) notamment lors du premier confinement (du 17 mars au 10 mai 2020), où l’isolement strict a pu exacerber les tensions au sein des familles.