Circulation de poliovirus dans les eaux usées en Guyane

Suite à la détection de poliovirus de type PVDV 3 dérivé de la souche vaccinale Sabin dans les eaux usées en Guyane, Santé publique France rappelle l’importance de la vaccination pour lutter contre la poliomyélite.

Publié le 28 octobre 2024
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Que sait-on de la situation en Guyane ?

Dans le cadre d’un projet de recherche coordonné par l’ANRS-MIE, des poliovirus dérivés de la souche vaccinale Sabin de type 3 (PVDV 3), présentant un profil génétique proche, ont été détectés dans des échantillons d'eaux usées collectés entre mai et août 2024 dans plusieurs stations d’épuration en Guyane (Cayenne, Saint-Georges et Remire-Montjoly). 

Les analyses génétiques de ces prélèvements réalisées par le Centre national de référence des entérovirus et paréchovirus (Institut Pasteur Paris) montrent que les virus présentent suffisamment de mutations (plus de 10), par rapport à la souche contenue dans le vaccin oral, pour le considérer comme une souche dérivée de la souche vaccinale Sabin 3 (PVDV 3), et qu’ils sont génétiquement liés entre eux. Ces analyses génétiques indiquent également que ces souches sont à considérer comme des souches de poliovirus sauvages puisqu’elles pourraient provoquer une paralysie.

Ces souches n'ont jusqu'à présent pas été identifiées dans d'autres pays. En Guyane, bien qu’aucun cas de poliomyélite n’ait été signalé jusqu’à présent, la détection de ces souches à partir d’échantillons provenant de localisations différentes à au moins deux mois d'intervalle, confirme une transmission interhumaine, sans préjuger de son caractère exclusif à la Guyane, et le classement comme poliovirus circulant cPVDV3 selon l’Organisation mondiale de la santé. 

Santé publique France fait le point sur les risques de contracter la poliomyélite pour la population et renforce son système de surveillance en lien avec l’ARS Guyane et ses partenaires.

Pourquoi détecte-t-on des poliovirus dans les eaux usées ? 

En cas d’infection par un poliovirus, le virus se multiplie dans l’intestin et est excrété par les selles d’une personne infectée. Les particules virales présentes dans les selles se retrouvent alors dans les eaux usées. Comme la plupart des infections par le poliovirus sont asymptomatiques, la surveillance des eaux usées peut permettre de détecter une circulation du virus avant même l’apparition d’un cas de paralysie.

En France, cette surveillance a été opérationnelle de 1973 à 2018 sur 4 stations de traitements des eaux usées en Ile-de-France, mais elle a été arrêtée fin 2018 en raison d’une faible détection de poliovirus et d’une couverture vaccinale élevée. 

Il s’agit de la première détection de VDPV circulant dans une région en France depuis les années 2000. Ces détections témoignent d’une circulation silencieuse de PVDV3 au sein d’une population guyanaise avec des groupes de population insuffisamment vaccinés.

Quel est l’origine de ces virus ?

Le vaccin oral n’étant pas utilisé en Guyane, ces virus dérivés de souche vaccinale ont été importés par une ou plusieurs personnes ayant reçu le vaccin oral à l’étranger, et la transmission d’un individu à l’autre a pu être facilitée au sein de groupes de population insuffisamment vaccinés. A noter que le vaccin poliomyélitique oral (VPO) est encore utilisé dans certains pays de l’Amérique du Sud.

Bien que la région Amérique soit considérée indemne de circulation de poliovirus depuis 1984 par l’OMS, cette détection a des conséquences au niveau international. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (PAHO) a depuis rappelé à tous les pays de la région Amérique l’importance de renforcer la surveillance des paralysies flasques chez les enfants mais aussi chez les adultes, et d’atteindre une couverture vaccinale élevée (95% à 3 doses). Par ailleurs, l’ECDC a approuvé les recommandations temporaires de l'OMS pour les citoyens de l'UE/EEE qui résident ou sont des visiteurs de longue durée (>4 semaines) en Guyane : une dose supplémentaire de vaccin contre le poliovirus doit être administrée entre quatre semaines et 12 mois avant un voyage international. Les voyageurs se rendant en Guyane doivent être vaccinés conformément à leurs calendriers nationaux.

Quel est le risque pour la population guyanaise ? 

Quelle que soit l’origine géographique de ces virus, la circulation pour le moment cliniquement silencieuse de PVDV3 dans l’agglomération cayennaise et à Saint Georges est associée à un risque faible de formes paralytiques (8 sur 10 000 personnes infectées pour les virus de type 3, variable selon l’âge ; risque plus faible que pour les virus de type 1 pour lesquels il est estimé à 1 sur 200) de développer une poliomyélite chez les personnes non ou insuffisamment vaccinées, en particulier les enfants et nourrissons et les personnes immunodéprimées. 

Le risque de développer des formes neurologiques sévères est en revanche extrêmement faible pour les personnes à jour de leur vaccination. 

En Guyane, malgré une offre de vaccination diversifiée à travers plusieurs acteurs (secteur libéral, Centres de PMI, Centres Délocalisés de Prévention et de Soins, hôpitaux de proximité ou encore associations) la couverture vaccinale est inférieure à celle de la France hexagonale, avec des groupes de population insuffisamment vaccinés en particulier dans les zones isolées. Une couverture vaccinale insuffisante, associée à des conditions de vie précaires ou de promiscuité (vie en collectivité) favorisant la transmission essentiellement féco-orale du virus par contamination directe (mains sales ou objets contaminés) ou par l’intermédiaire d’un environnement souillé (eaux usées, aliments) ou encore la transmission directe respiratoire, augmente le risque de développement d’une poliomyélite ainsi que de transmission interhumaine de poliovirus.

Quelles sont les recommandations et mesures mises en place par les autorités sanitaires ?

Face à la situation, plusieurs actions sont mises en œuvre par les autorités sanitaires en collaboration avec les professionnels de santé : 

  • Lancement d’une campagne de rattrapage vaccinal
    • En milieu scolaire par l’ARS pour vacciner les enfants et les adolescents non vaccinés ou pas à jour de leur vaccination pour l’ensemble des vaccinations obligatoires dans les écoles de Cayenne, Rémire-Montjoly, Matoury et St-Georges de l’Oyapock.
    • Hors milieu scolaire pour vacciner notamment les nourrissons et enfants non admis en collectivités et qui ne seraient pas à jour de leur vaccination, toujours sur le secteur géographique concerné par cette détection.
    • Tous les professionnels de santé de Guyane habilités à vacciner sont également invités à vérifier le statut vaccinal de leurs patients sur l’ensemble du territoire, en particulier les enfants et les personnes immunodéprimés, et à procéder au rattrapage vaccinal si nécessaire.
  • Sensibilisation des professionnels de santé au risque de survenue de cas de poliomyélite avec un rappel de la conduite à tenir devant toute suspicion de poliomyélite et notamment la réalisation des prélèvements adaptés à la recherche du génome par PCR et/ou culture (2 selles prélevées à 24h d’intervalle) par le CNR des entérovirus et parechovirus et à la recherche des diagnostics différentiels (prélèvement naso-pharyngé, sang) par le CNR ou tout autre laboratoire de biologie médicale.
  • Instauration d’un programme de surveillance environnementale d’un an sur les eaux usées : l’institut Pasteur de Guyane, qui se charge déjà de la surveillance physico-chimique des eaux usées, recherchera également le virus de la poliomyélite pendant cette période en collaboration avec le CNR des entérovirus Institut Pasteur Paris, également centre collaboratif OMS. Cette étude prévue pour un an doit permettre définir l’étendue et l’évolution de la circulation du poliovirus dans les eaux usées, et en tirer des conclusions en matière de gestion sanitaire. Elle permettra de vérifier si les mesures mises en place permettent de stopper la circulation de ces souches de poliovirus en Guyane, et de décider d’éventuelles autres actions à mettre en œuvre.

En complément, il est rappelé que le risque de contamination peut être réduit par l’application des mesures d’hygiène classiques (lavage des mains au savon avant de préparer les repas, avant de manger et après être allé aux toilettes et en lavant et épluchant les fruits et les légumes avant de les manger).

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