L’éducation à la sexualité pour les jeunes ne va pas de soi. En témoignent les crispations sur cette thématique, toujours vives en 2023, qui s’expriment notamment sur les réseaux sociaux. Alors que depuis la loi du 4 juillet 2001, l’ensemble des élèves doit bénéficier, du CP au lycée, d’au moins trois séances annuelles sur le sujet, moins de 15 % des enfants en primaire et moins de 20 % des collégiens en ont bénéficié1. Un collectif rassemblant des structures œuvrant dans le champ de la sexualité (planning familial, Sidaction…) a remis au Sénat le 6 novembre 2023 un livre blanc, avec 46 recommandations pour faire bouger les lignes.
Le dossier du n°465 de La Santé en action, consacré à l’éducation à la sexualité pour les jeunes, intervient donc à un moment opportun. C’est l’occasion de clarifier les enjeux essentiels autour de l’éducation à la sexualité qui, au-delà du cadre privé, ne se réduit pas aux interventions dans l’institution scolaire. Il s’agit de montrer comment l’approche de cette question a évolué depuis plusieurs années, s’intégrant dans une vision globale de la santé et du bien-être, d’éclairer les contraintes qui pèsent sur sa mise en œuvre, de mettre en lumière les risques et les potentialités d’internet comme des réseaux sociaux.
Une notion extensive de la sexualité, intégrée à la santé globale des individus
L’approche globale et positive de l’éducation à la sexualité fait consensus parmi les professionnels concernés. Il n’est plus question de la réduire à la prévention des risques (grossesses non désirées, infections sexuellement transmissibles…) mais d’en faire une dimension faisant partie intégrante d’une politique de santé publique. Ainsi les « cours de sexualité » font bien plus qu’aborder les pratiques sexuelles ; ils visent à fournir des connaissances et à développer des aptitudes qui permettront aux jeunes d’avoir une vie affective et sexuelle satisfaisante, respectueuse de soi et d’autrui. C’est ce dont témoignent deux conseillères conjugales et familiales, qui interviennent dans les classes, où on parle respect de soi et des autres, plaisir, consentement…
Cet apprentissage commence dès le plus jeune âge, de façon graduée comme le recommande l’Unesco (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) dans son guide « Principes directeurs internationaux sur l’éducation à la sexualité ». Il s’appuie sur l’affermissement des compétences psychosociales, dont beaucoup (comme la gestion des émotions ou les capacités d’empathie et de communication) sont indispensables pour engager des relations affectives et sexuelles sereines, prévenir les violences sexistes et sexuelles, s’assurer du consentement. C’est ce qui est proposé dans le programme Feel Good aux enfants de 9 à 11 ans par le centre régional d’information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes d’Ile-de-France (Crips IdF) où on travaille l’écoute empathique ou la manière de réagir à des situations désagréables.
Ce dossier montre combien les adolescents sont en quête de réponses aux questions qu’ils se posent sur les sentiments amoureux, la « première fois », leur orientation sexuelle ou l’identité de genre. Des outils existent, qu’ils ne connaissent pas forcément, comme le Fil Santé Jeunes ou le site onSEXprime.fr, qui leur ouvrent gratuitement des espaces de dialogue, garantissant anonymat et confidentialité.
L’éducation à la sexualité se heurte à des difficultés diverses
Le niveau des violences sexuelles, même s’il y a une prise de conscience de la société, montre tout le chemin qu’il reste à parcourir pour qu’une éducation « complète » à la sexualité produise ses effets. Il est d’ailleurs à noter que les interventions probantes en la matière, ayant fait la preuve de leur efficacité, demeurent trop peu nombreuses en France. Sans compter que la mise en œuvre des séances d’éducation sexuelle dans les établissements scolaires rencontre de multiples freins, de différente nature : l’école est mise en première ligne pour « éduquer » à la citoyenneté, au respect de l’environnement, à la sécurité routière… ce qui crée des problèmes d’organisation ; d’autre part, chaque adulte ayant ses propres représentations de la sexualité, en fonction de son conditionnement culturel, tout ce qui touche à cette sphère intime présente un caractère socialement et politiquement vif, et nourrit des réticences de la part de la communauté éducative, des parents, des jeunes eux-mêmes. Enfin, si les professionnels sont formés pour animer les séances d’éducation à la sexualité, ils n’ont pas la tâche facile, intervenant la plupart du temps seuls sur le terrain.
Les effets d’internet et des réseaux sociaux
Ces dernières années, la place prise par les technologies de la communication impacte de manière forte l’éducation à la vie affective et sexuelle. Certes, internet représente une opportunité, notamment en permettant de toucher des publics éloignés socialement ou géographiquement des lieux d’intervention classiques, mais aussi en proposant des outils interactifs et ludiques (vidéos, jeux…) propres à capter l’intérêt des adolescents. Mais le vaste espace numérique propose aussi des contenus de qualité médiocre ou relevant de la désinformation. Ainsi, les jeunes, sans en avoir conscience, s’exposent sur le web à des dangers plus graves tels que le cyber-harcèlement, le revenge porn, le chantage à la vidéo intime, un accès à la pornographie la plus trash… Les besoins d’éducation sont là aussi importants pour se prémunir des dangers ; il faut aussi que la jeunesse puisse s’affranchir d’un regard normé sur la sexualité, ce qui implique un décryptage des représentations véhiculés par les médias, numériques ou non. C’est à quoi s’emploie le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (Clémi), notamment via le concours annuel Zéro Cliché pour l’égalité filles-garçons organisé dans les établissements scolaires.
La Santé en action, Janvier 2024, n°465 Éducation à la sexualité pour les jeunes : une approche globale et positive
En savoir plus1 Rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Education à la sexualité en milieu scolaire. Juillet 2021.