L’hépatite E : la maladie
L'hépatite E, une zoonose en France
L’hépatite E est une infection causée par un virus entrainant une atteinte du foie (hépatite). Il existe plusieurs génotypes du virus de l’hépatite E (VHE). Les génotypes 1 à 4 sont responsables de la majorité des infections chez l’Homme. Les génotypes 1 et 2 circulent essentiellement dans les pays en développement ou la maladie est endémo-épidémique et se transmet par voie oro-fécale et par consommation d’eau contaminée. Cette situation est causée et aggravée par les difficultés d’assainissement et de fourniture en eau potable.
Le contexte est différent dans les pays industrialisés comme la France, où l’hépatite E est également endémique mais liée majoritairement au virus de génotype 3 et dans une moindre mesure de génotype 4. Le mode de transmission du VHE de génotype 3 est principalement la consommation de produits contaminés provenant d’animaux réservoirs du VHE en Europe, le porc en particulier. Cependant, la contamination environnementale (des eaux notamment) semble également jouer un rôle. L’hépatite E est une zoonose, se transmettant de l’animal à l’Homme en France.
L’infection par le VHE est asymptomatique dans la majorité des cas. Lorsqu’elle provoque des symptômes il s’agit principalement de symptômes d’hépatite virale aiguë peu différents de ceux de l’hépatite A avec des signes généraux tels que la fièvre, l’asthénie et les douleurs abdominales puis un ictère (coloration jaune de la peau et des muqueuses). Les symptômes extra-hépatiques ne sont pas rares avec notamment des atteintes neurologiques, rénales ou hématologiques. Les personnes présentant des maladies chroniques du foie sont à risque de formes plus sévères d’hépatite E (hépatite fulminante, décès). De plus, à la différence de l’hépatite A, le VHE de génotype 3 peut également provoquer une hépatite chronique avec évolution rapide vers la cirrhose chez les personnes immunodéprimées.
Il est à noter que le VHE de génotype 1, circulant dans les pays en voie de développement peut provoquer des hépatites fulminantes et des décès notamment chez les femmes enceintes.
Si l’hépatite E est moins reconnue que les autres hépatites virales comme cause d’hépatite aiguë en France, elle y est pourtant l’une des plus fréquentes. Santé publique France participe à la surveillance de l’évolution épidémiologique de l’hépatite E en collaboration avec le CNR des virus des hépatites à transmission entérique. Santé publique France informe également les professionnels de santé pour améliorer leur sensibilisation à la maladie et permettre les mesures de contrôle adaptées lorsque cela est possible.
L'agent infectieux
Le virus de l’hépatite E, identifié pour la première fois en 1983, est classé dans la famille des Hepeviridae, genre hepevirus. Il présente une grande diversité génétique avec 4 génotypes majeurs divisés eux-mêmes en plusieurs sous-types.
Les virus de génotypes 1 et 2 sont endémiques dans les pays en développement et l’homme est le seul réservoir dans ces pays.
Le virus de génotype 3 est endémique dans les pays de l’Union Européenne. Les virus de génotypes 3f, 3c, 3e y sont les plus fréquents.
Le génotype 4 est présent principalement en Asie (Chine, Japon) mais a également été identifié plus rarement chez l’Homme et le porc en Europe.
Les virus de génotypes 3 et 4 sont retrouvés chez l’Homme et chez de nombreuses espèces animales comme les poulets, rats, lapins, furets, truites fardées et chauve-souris mais le principal réservoir animal du VHE en France est le porc et plus généralement les suidés (porcs domestiques, sangliers).
Comme tous les virus entériques non enveloppés, le VHE est relativement résistant dans le milieu extérieur et des particules virales peuvent être détectées dans les eaux usées. In vitro, il est sensible à la chaleur (autoclavage à 120°C), aux désinfectants habituellement utilisés dans l’inactivation des virus entériques (hypochlorite de sodium pour le traitement de l’eau, glutaraldéhyde pour la désinfection des surfaces). La présence de matières organiques diminue de manière significative l’efficacité de ces désinfectants.
Les différents modes de transmission de l'hépatite E
Les modes de transmission prédominant diffèrent selon le réservoir du virus circulant.
Les principaux modes de transmission du VHE de génotype 3 à l’humain, documentés ou suspectés, en France sont :
- la consommation de viande provenant d’un animal infecté et notamment de foie de porc cru ou pas assez cuit ;
- la consommation d’eau ou de fruits ou légumes non pelés et crus contaminés par des fèces d’origine humaine ou animale ;
- la consommation de fruits de mer cultivés dans des eaux contaminés ;
- plus rarement, la transfusion de produits dérivés de sang ou la transplantation d’organes provenant de personnes infectées par le VHE.
La liste des aliments mis en cause comprend viande et abats de sanglier, de cerf notamment la fressure (cœur, rate, foie, poumons), foie de porc (frais, séché), produits à base de foie cru de porc (saucisse de foie, figatelli, fitone, saucisse de foie séché).
Une transmission manu portée par contact direct ou indirect avec des animaux réservoirs est suspectée dans certaines populations telles que les chasseurs, les personnes exerçant un métier en contact avec la faune sauvage ou les porcs, les vétérinaires en pays industrialisés.
Dans les pays en développement où circulent les virus de génotypes 1 et 2, le réservoir est uniquement humain et la transmission est oro-fécale. La fourniture en eau potable et l’assainissement n’y étant pas maitrisés, le VHE se transmet préférentiellement par voie hydrique. Il est responsable d’importantes épidémies. Le rôle de certains facteurs tels que le mode de stockage de l’eau de boisson, le fait de se laver les mains dans un même contenant que des personnes infectées a été suspecté. Une transmission de personne à personne a également été envisagée lors de ces épidémies d’origine hydrique.
Une transmission de la mère à l’enfant a été bien documentée dans les pays en développement. De très rares cas ont été décrits dans les pays industrialisés.
Diagnostic biologique
Le diagnostic d’hépatite E repose sur la recherche d’anticorps spécifiques IgM et IgG et sur la détection du génome viral dans le sang ou les selles. Le CNR, dans sa mission d’expertise virologique, est chargé de la caractérisation des souches (génotypes et sous-types viraux).
L’évolution des marqueurs biologiques lors d’une infection à VHE (ARN dans le sang ou les selles, IgM et IgG anti-VHE) est schématisée et disponible sur le site du CNR.
Une hépatite E aigüe est définie par la présence d’IgM anti-VHE dans le sang ou par la présence du virus dans le sang ou les selles. Pour les cliniciens, un algorithme diagnostique adapté à aux différentes situations (patient immunocompétent ou patient immunodéprimé) est proposé par le CNR. La présence d’IgG anti-VHE isolées témoigne d’une exposition antérieure au VHE.
Prévention de l'hépatite E
En France, la prévention des cas autochtones d’hépatite E repose sur les mesures générales d’hygiène individuelle et des mesures prises lors de la préparation des aliments ou de leur consommation :
- lavage des mains à la sortie des toilettes, avant de préparer les repas, après contact avec des animaux ou les produits d’origine animale ;
- nettoyage des ustensiles et surfaces après manipulation de produits à base de foie de porc cru, de viande de sanglier, de cerf ;
- cuisson à cœur des aliments destinés à être consommés cuits ;
- respect des consignes de cuisson et de consommation indiquées sur l’étiquette des produits ;
- non consommation d’eau non traitée (puits, source, torrent etc.).
Il est en particulier recommandé de cuire à cœur les produits les plus à risque :
- à base de foie cru de porc (saucisses de foie fraîches ou sèches, figatelli) ;
- à base de sanglier ou de cerf (viande et abats) notamment la fressure (cœur, foie, rate, poumons).
Un étiquetage des produits à base de foie de porc cru a été mis en place en 2009 recommandant la cuisson à cœur de ces produits.
La consommation de ces produits même cuits est à déconseiller chez les personnes à risque de développer une forme grave d’hépatite E (patients immunodéprimés, patient atteint d’une hépatopathie chronique préexistante et les femmes enceintes) (en savoir plus : http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Fiche_Hepatite_E.pdf).
Dans deux avis, l’Anses a évalué l’impact des procédés de transformation (traitement thermique, séchage) sur la survie du VHE dans les produits fabriqués à base de foie de porc cru tels que des produits cuits par le professionnel (saucisses au foie d’Alsace ou saucisson de foie d’Alsace, mousses de foie (pâté) et quenelles de foie d’Alsace), des produits cuits par le consommateur (saucisses fraîches de foie du Sud-Ouest) et des produits consommés crus (figatelli, saucisses de foie séchées, foie salé séché). Un traitement thermique à 71°C à cœur pendant 5 mn est recommandé pour la décontamination des mêlées de foie de porc, et pendant 20 mn pour les matrices complexes comme celle des figatelli. Le séchage tel que pratiqué par les fabricants de produits à base de foie cru ne peut être considéré comme efficace sur l’inactivation du VHE.
Dans les pays en développement, la prévention essentielle de l’hépatite E consiste en l’amélioration des infrastructures sanitaires et de la disponibilité en eau potable. La prévention de l’hépatite E pour un voyageur à destination de zones d’endémicité VHE repose sur les recommandations aux voyageurs sur les risques entériques.
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 19 mai 2020, n°Hors-série Recommandations sanitaires pour les voyageurs, 2020 (à l'attention des...
En savoir plusSi aucun vaccin anti-hépatite E n’est commercialisé en France, deux vaccins ont été testés au Népal (vaccin rHEV) et en Chine (vaccin HEV239), l’un avec une efficacité de 95,5 % et l’autre comprise entre 94 % et 100 % dans la prévention des formes symptomatique d’hépatite E. L’utilisation du vaccin HEV239 n’a été approuvée que par la Chine à l’heure actuelle.
Présentation clinique et éléments pronostics
L’hépatite E est asymptomatique dans 65 à 95 % des cas selon les études. Cependant, après une incubation de 2 à 8 semaines (40 jours en moyenne), l’infection par le virus de l’hépatite E peut entrainer des symptômes d’hépatite aiguë proches de ceux de l’hépatite A : fièvre, fatigue, nausées, vomissements, anorexie et douleurs abdominales, souvent suivis par un ictère (68 %-86 %).
L’hépatite E peut également être responsable de symptômes extra-hépatiques notamment neurologiques centraux ou périphériques (syndrome de Guillain-Barré, de Parsonage-Turner, polyradiculite, encéphalite etc.), rénaux ou hématologiques.
L’hépatite E évolue le plus souvent spontanément favorablement en 3 à 5 semaines. Mais elle peut évoluer dans de rares cas vers une forme fulminante pouvant nécessiter une transplantation hépatique et conduire au décès. Ces formes sévères d’hépatite E sont essentiellement observées chez les sujets porteurs d’une hépatopathie chronique préexistante.
Le virus de génotype 1 provoque des formes sévères chez les femmes enceintes avec décès dans 15 à 20 % des cas notamment au 3ème trimestre de la grossesse. Il convient donc en France, en cas de diagnostic d’une hépatite E chez une femme enceinte, de rechercher la notion de voyage en zone d’endémie pour le génotype 1 pour évaluer le pronostic de l’infection.
Le virus de génotype 3 peut, quant à lui, provoquer des formes chroniques d’hépatite E chez les immunodéprimés en raison d’une greffe d’organe, d’une hémopathie maligne ou d’autres immunodépressions acquises (infection par le VIH etc.).
Prise en charge et traitement de l'hépatite E
Les personnes immunodéprimées et les personnes avec une hépatopathie chronique préexistante doivent faire l’objet d’une surveillance médicale rapprochée en raison du risque de complications (hépatite fulminante, passage à une forme chronique d’hépatite E, cirrhose).
La plupart des patients guérissent spontanément et ne nécessitent pas de traitement particulier. En cas d’hépatite sévère, le traitement repose sur la prise en charge symptomatique et peut aller jusqu’à la transplantation hépatique en cas d’hépatite fulminante.
Les hépatites chroniques dues à une immunodépression acquise peuvent guérir s’il est possible de lever cette immunodépression. Un traitement par ribavirine a également montré son efficacité dans certains cas d’hépatite chronique permettant une guérison avec réponse virologique soutenue. Un traitement par ribavirine peut également être proposé dans les cas de manifestations extra-hépatiques sévères.