Des conséquences psychologiques selon les expositions
L’impact psychologique des attentats est extrêmement étendu. C’est même l’un des buts recherchés par ceux qui les commettent. Cet impact est plus fort cependant sur les personnes directement exposées aux événements et sur celles ayant eu un proche tué ou blessé.
Les personnes directement exposées
Lors de la confrontation à un tel événement, certaines personnes éprouvent un stress qui peut être intense, mais que l’on peut qualifier de normal dans un tel contexte. D’autres font l’expérience d’une blessure psychique, que l’on appelle traumatisme psychique . Dans ce cas, des symptômes sont observés dès les premières heures ou le premier jour suivant l’attentat. Les pensées, les rêves sont envahis par certains aspects des événements traumatiques (des images, des sons, des sensations). Cela reproduit chaque fois la même détresse que lorsque l’événement est arrivé.
Durant le premier mois, l’évolution est très variable :
- chez certains, les symptômes vont diminuer progressivement,
- chez d’autres, ils vont persister voire augmenter,
- chez d’autres enfin, ils vont apparaître alors que la personne allait plutôt bien jusque-là.
Lorsque des symptômes de stress traumatique sont présents pendant plus de trois jours, mais moins d’un mois, on parle de stress traumatique aigu.
Lorsque les symptômes durent plus d’un mois, on parle d’état de stress post-traumatique . Il est indispensable, dans ce cas, de trouver une aide professionnelle, car l’état de stress post-traumatique, une fois qu’il est installé, tend à devenir chronique dans un grand nombre de cas, entraînant des conséquences dommageables pour la santé, l’équilibre familial, professionnel, la scolarité, etc. Cela est encore plus fréquent lorsqu’il s’agit d’un traumatisme « intentionnel », c’est-à-dire perpétré délibérément.
D’autres troubles peuvent apparaître, avec ou sans état de stress post-traumatique :
- dépression caractérisée,
- anxiété,
- idées suicidaires,
- abus ou dépendance à l’alcool, drogues et médicaments.
Dans de telles situations, il peut exister des traitements efficaces , et il ne faut pas hésiter à consulter , même longtemps après les événements, et même si la démarche peut sembler difficile, parce qu’on veut essayer d’éviter le sujet, ou qu’on ressent de la honte à aller mal.
Signalons aussi que le jeune âge ne protège pas des traumatismes psychiques ni de leurs conséquences, et que les enfants de tous âges peuvent être concernés (état de stress post-traumatique chez l’enfant).
Les personnes endeuillées
Cela concerne des personnes qui étaient sur place (qui ont vécu la scène et ont été endeuillées par la mort d’un proche), et des personnes qui n’étaient pas sur place mais qui ont perdu un proche dans l’événement.
On parle de deuil dès lors que l’on perd une personne avec laquelle on avait une relation affective. Le deuil en lui-même n’est pas une maladie, même s’il cause beaucoup de chagrin. Le deuil survenant en contexte traumatique cause un choc et une douleur particulièrement intenses, d’autant que la mort est brutale, violente, inattendue, qu’elle concerne des personnes jeunes. Ces deuils là, dans lesquels le traumatisme s’ajoute à la perte d’un être cher, sont parmi les épreuves les plus difficiles qu’on puisse avoir à affronter. Il est toujours utile de se faire aider dans de tels cas.
Les personnes plus à distance
Les personnes qui n’ont pas été directement témoins de l’événement et qui ne sont pas endeuillées peuvent toutefois ressentir des effets négatifs. Beaucoup de personnes ressentent des symptômes d’anxiété, des peurs, de la tristesse. Ceux-ci sont généralement transitoires et ont peu de conséquences sur la vie quotidienne. Chez certaines personnes cependant, des troubles de l’adaptation, ou d’autres troubles peuvent apparaître. Les personnes présentant des troubles psychiatriques peuvent voir leurs troubles s’aggraver.
Les familles des personnes affectées
Lorsqu’une personne est affectée par un traumatisme et/ou un deuil, c’est toute la famille qui est concernée et qui doit pouvoir être aidée si nécessaire. Les troubles post-traumatiques de l’un des membres de la famille peuvent avoir des conséquences sur les autres qui ont souvent du mal à les comprendre et n’osent pas en parler. Cela peut alors générer chez tous un sentiment de culpabilité. La famille est la première ressource pour les personnes traumatisées, et elle doit souvent être associée aux soins , sans déroger au respect du secret professionnel qui lie le patient et son thérapeute.
Texte rédigé par le Pr Thierry Baubet, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, CESP Inserm 1178, Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité, EA 4403 (UTRPP), Service de Psychopathologie de l'enfant, de l'adolescent, psychiatrie générale et addictologie spécialisée, Hôpital Avicenne
Qu'est-ce qu'un traumatisme psychique ?
Le traumatisme psychique est l’effet sur le psychisme de certains événements qui vont entraîner une « blessure » du psychisme.
Quels sont les événements qui peuvent être traumatogènes ?
Seuls certains événements peuvent produire un tel effet : ceux qui confrontent brutalement à la mort ou à une menace de mort ou de blessure, ainsi que les violences sexuelles. Le traumatisme psychique concerne donc essentiellement les personnes qui ont vécu directement l’événement : les victimes directement menacées, mais aussi tous les témoins directs de la scène. On considère actuellement que le fait d’avoir une personne très proche qui a été blessée ou tuée dans un tel événement, ou bien le fait, pour un professionnel, d’être exposé de manière répétée à des détails difficiles, peut également causer un traumatisme.
Dans les autres cas, par exemple pour les personnes qui n’ont pas assisté à l’événement, on ne parle pas de traumatisme psychique : il peut y avoir tout de même des conséquences psychologiques (comme des troubles de l’adaptation), mais pas d’état de stress post-traumatique.
Un traumatisme psychique peut survenir à tout âge, y compris chez l’enfant, même jeune.
Comment décrire l’expérience traumatique ?
Le vécu de l’instant traumatique est variable mais très souvent les personnes décrivent une réaction d’effroi qui les a saisis, quelque chose qui est au-delà de la peur : « C’était comme un blanc », « J’ai vu la mort en face », « Je me suis vu mort ». Il n’y a pas de mot pour décrire ce sentiment incommunicable qui fait irruption dans le psychisme, et qui est souvent suivi par des émotions violentes (solitude, abandon, horreur, angoisse, colère, impuissance, sentiment de culpabilité…). Chez certaines personnes une dissociation peut apparaître, elle constitue alors un mode de protection du psychisme face à l’effroi. D’autres symptômes peuvent apparaître le premier jour ou le premier mois. Cette expérience de l’effroi est au cœur des troubles post-traumatiques, puisque dans ce cas, c’est ce vécu de l’instant traumatique qui va revenir sans cesse (dans les pensées, les cauchemars traumatiques), comme si la menace était toujours là.
Quels destins pour ces « blessures invisibles » ?
Comme toutes les blessures, ces « blessures invisibles » peuvent avoir des destins variables. Chez de nombreuses personnes, elles vont occasionner une souffrance durant quelques jours ou quelques semaines, avant de s’atténuer. Chez d’autres elles vont entraîner un état de souffrance chronique comme l’état de stress post-traumatique, et il n’est pas possible de prédire l’évolution a priori. En cas d’événement traumatique unique, ce sont 10 à 40% des personnes exposées qui développent des troubles chroniques.
Certains facteurs augmentent le risque de survenue de troubles chroniques, qu’il s’agisse de facteurs liés à l’événement (intensité et durée de l’exposition, captivité, blessure physique, confrontation à des images horribles…) ou bien liés à la personne (antécédents de troubles psychiatriques, antécédents de confrontation à des traumatismes même s’ils ont été surmontés, isolement social…). Le soutien reçu dans la réalité (par l’entourage, la hiérarchie, l’Etat…) a un rôle protecteur.
Les personnes qui ont vécu un traumatisme psychique gardent une trace des événements dans leur psychisme, comme une cicatrice, laquelle est susceptible de se rouvrir plus tard dans la vie, par exemple sous l’effet d’un autre événement douloureux, ou d’un anniversaire. Dans ce cas, il n’est jamais trop tard pour demander de l’aide, et les soins restent efficaces.
Enfin, certaines personnes confrontées à de graves traumatismes, estiment à terme que leur expérience les a amené à des changements positifs dans leur vie, qu’ils ont acquis des qualités supplémentaires, ou osé des décisions positives (résilience, post-traumatic growth).
Référence : Lebigot F. Le traumatisme psychique. Bruxelles : ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles; 2006.
Texte rédigé par le Pr Thierry Baubet, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, CESP Inserm 1178, Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité, EA 4403 (UTRPP), Service de Psychopathologie de l'enfant, de l'adolescent, psychiatrie générale et addictologie spécialisée, Hôpital Avicenne
Quelles sont les réactions qu'on peut ressentir le premier jour après un traumatisme ?
Les réactions individuelles en réponse immédiate à un événement exceptionnel se regroupent autour du concept central de stress, emprunté au vocabulaire anglo-saxon et qui couvre les aspects physiques, comportementaux et émotionnels. Promu par le physiologiste canadien H. Selye dans les années 1945-1950, le mot stress désigne en effet la "réaction biologique, physiologique et psychologique d'alarme, de mobilisation et de défense de l'individu face à une agression ou une menace". Le mot s'applique en général à des agressions ou menaces exceptionnelles mettant en danger la vie ou l'intégrité physique de l'individu : agression physique, viol, torture, guerre, accident, catastrophe naturelle ou acte terroriste.
Réaction de stress normale, adaptative
Succédant à l'alarme et précédant la défense, l'effet essentiel du stress est la mobilisation des ressources de l'individu. La réaction de stress normale mobilise des processus biologiques et physiologiques maintenant bien connus autour de la libération d'endorphine, de l’accroissement des défenses immunitaires et plus largement d’une cascade d'informations impliquant les organes sensoriels, le cortex cérébral, les surrénales et le système nerveux neurovégétatif. Ces processus mobilisateurs ont pour effet de mettre l'organisme en état physiologique d'alerte et de défense. Le sujet ressent alors un ensemble de symptômes et de manifestations physiques. Si les quatre symptômes cardinaux sont l’accélération du rythme cardiaque, les tremblements, les sueurs ou le souffle coupé, nous retrouvons fréquemment une douleur thoracique, le sentiment d’avoir la gorge serrée, un poids sur la poitrine, ou une impression de tension musculaire. Des signes moins spécifiques ne sont pas rares : céphalées ou signes digestifs tels que nausée, vomissement ou douleurs abdominales. Malgré la présence de ces symptômes gênants, rappelons que le stress est avant tout une réaction utile et adaptative qui permet au sujet les décisions et les conduites propices à le soustraire au danger ou à aider autrui à s'y soustraire. La réaction de stress est en général de durée brève, mais peut être prolongée tant que le sujet n'est pas parvenu à se mettre à l'abri. Coûteuse en énergie psychique, cette réaction de stress débouche sur un état ambigu combinant soulagement euphorique et sensation d'épuisement physique et psychique. Parfois même, toute sensation émotionnelle accumulée pendant l'action se libère une fois que le sujet est à l'abri et donne lieu alors à des décharges émotives et neurovégétatives spectaculaires : pleurs, cris, agitation, accès d'agressivité, tremblements incoercibles voire débâcles urinaires ou intestinales.
Réactions de stress dépassé, inadaptatives
Trop intense, répété à de courts intervalles ou prolongé à l'excès, le stress épuise les réserves énergétiques et les capacités de contrôle émotionnel du sujet et donne lieu alors à des modalités de stress dépassé, archaïques, stéréotypées et souvent inadaptatives. On distingue quatre réactions de stress dépassé. La première est la réaction de sidération dans les trois composantes motrice, cognitive et affective. On rencontre ainsi des victimes restées immobiles, figées comme congelées sur place, dans l’incapacité totale ne serait-ce que de se soustraire du danger. Plus bruyante, la réaction d’agitation est le fait de sujets qui, frappés de stupeur, gesticulent de manière désordonnée dans l’incapacité d’élaborer une décision adaptée. Dérivée de la précédente, la réaction de fuite panique, généralement très brutale et parfois par mimétisme, peut précipiter le sujet, au mépris de toute conscience de l’environnement, dans un danger encore plus important. Plus délicate à repérer, l'action automatique entraîne quant à elle un sujet en état de choc dans la répétition de gestes automatiques qui échappent à la conscience.
Dissociation
La dissociation péritraumatique est un regroupement de symptômes plus récent qui a pris une place importante dans la clinique psychotraumatique. Elle entraîne une réelle perte de contact avec la réalité.
Pour en savoir plus sur la dissociation, cliquer ici
Références :
Brunet A, Birmes P. (2002). Psychopathologie des réactions précoces après un événement traumatique. Ann Med Psychol, 160, 461-463.
Crocq L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris: Odile Jacob.
Crocq L, Doutheau C, Louville P. (1998). Psychiatrie de catastrophe. Réactions immédiates et différées, troubles séquellaires. Paniques et psychopathologie collective. Encyl. Med. Chir. (Elsevier Paris), Psychiatrie, 37-113-D-10, 8 p.
Texte rédigé par Sylvie Molenda, Psychologue clinicienne, Cump zône nord CHRU Lille
Qu'est-ce que la dissociation ?
Points clés
- La dissociation péritraumatique est un phénomène ponctuel qui peut survenir dans les minutes qui entourent le traumatisme, avec 4 grandes formes de réactions comportementales.
- Les épisodes de dissociations peuvent aussi être récurrents, souvent en parallèle du Trouble de Stress Post-Traumatique, et se présentent sous différentes formes. Un bilan médical pour déterminer l’origine et préconiser le type de suivi (psychique, psychotraumatologique ou autre) est alors nécessaire.
Les troubles dissociatifs : généralités
Les troubles dissociatifs sont fréquents.
De manière générale, les troubles dissociatifs sont caractérisés par une perte partielle ou complète de l’intégration des souvenirs, du contrôle des mouvements corporels et de la conscience de l’identité. Ce terme recouvre des tableaux variés avec de possibles épisodes d’amnésie, des troubles moteurs voire des équivalents d’épisodes de convulsions…
Historiquement, certains de ces troubles étaient nommés « hystérie » ou « troubles de conversion ». Aujourd’hui, on parle de troubles dissociatifs, et plus spécifiquement de troubles fonctionnels pour certains, termes médicaux moins stigmatisants pour le patient.
Ces troubles sont à différencier d’une simulation du sujet. Ils ne sont pas volontaires.
La dissociation péritraumatique
De manière générale, l’épisode dissociatif correspond à une séparation d’éléments mentaux (émotions, pensées, comportements…), habituellement bien intégrés par le sujet.
Le sujet peut subir différentes formes de symptômes dissociatifs : par exemple, une distorsion de la perception du temps et de l’espace (impression de flou ; d’être comme dans un film), une désorientation (perte des repères temporels et spatiaux) ; cela peut aller jusqu’à avoir un sentiment de dépersonnalisation (le fait de se percevoir soi-même comme étrange, non familier) ou de déréalisation (le sentiment que c’est le monde autour de soi qui est devenu étrange et non familier). On peut aussi retrouver un sentiment d’irréalité, des comportements moteurs non contrôlés par le sujet, voire des altérations transitoires de la conscience.
Au sein des troubles dissociatifs, la dissociation péritraumatique a une place particulière, dans le contexte d’un évènement traumatogène. Lors de cet épisode, que les soignants peuvent aussi nommer « stress dépassé », 4 types de réactions sont retrouvées, en parallèle d’un contact relationnel inadapté et inhabituel chez le sujet :
- la sidération psychique : figé, « freeze », le sujet est bloqué,
- l’agitation : le sujet « brasse » sans avoir de but, de manière désordonnée,
- la fuite panique, sans planification,
- le comportement automatique : le sujet reproduit un comportement habituel ou réalisé au moment de l’évènement.
Les mécanismes dissociatifs
Les mécanismes de ces troubles sont aujourd’hui partiellement connus grâce à la neuroimagerie fonctionnelle. Des régions clés intégrant l’activité motrice, émotionnelle et des pensées (cognitives) sont impliquées de manière particulière et réciproque mais il n’existe pas encore à ce jour de modèle explicatif complet des troubles dissociatifs.
La dissociation péritraumatique peut être envisagée comme un mécanisme neurologique « de survie » permettant au cerveau de se protéger, sur le moment, face à l’impact destructeur d’un évènement traumatogène. Ce « court-circuit » induit cependant une augmentation du risque d’un Trouble de Stress Post-Traumatique ultérieur (cf. fiche). Cet épisode et les réactions induites sont transitoires, le sujet retrouve au bout de quelques secondes, minutes ou heures son fonctionnement habituel. Cela est cependant considéré comme un important facteur prédictif d’un trouble de Stress Post-Traumatique ultérieur (cf. fiche).
Vécue de manière répétée, la dissociation devient une réaction inadaptée aux nouveaux évènements ou à des charges émotionnelles variées. Elle persiste alors souvent en parallèle d’un Trouble de Stress Post-Traumatique, avec en particulier des moments de déréalisation et de dépersonnalisation.
On peut voir apparaître un trouble du fonctionnement moteur, sensitif ou mnésique, des perturbations dans la représentation de Soi ou une réactivité émotionnelle accrue, sans que des lésions anatomiques spécifiques ne soient bien identifiées à ce jour.
De nombreuses études ont retrouvés chez les sujets subissant des troubles dissociatifs, une fréquence particulièrement importante des événements traumatiques antérieurs (antécédents de violences physiques ou d’abus sexuels…). Il y aurait une interaction entre les traumatismes anciens et récents. Cela suggère que des traumatismes de vie précoces influenceraient la réponse aux nouveaux évènements traumatogènes, même des années plus tard.
Quels traitements pour les épisodes dissociatifs ?
La dissociation péritraumatique cède le plus souvent spontanément. Elle nécessite cependant durant l’épisode une mise sous surveillance, pour prendre soin des besoins primaires du sujet (boire, manger, avoir chaud, aller aux toilettes…) et pour s’assurer de l’absence de mise en danger du sujet le temps qu’il retrouve son fonctionnement antérieur et adapté. Devant des manifestations comportementales importantes ou un risque particulier, un traitement ponctuel peut être donné par un médecin, pour baisser la charge émotionnelle.
Dans le cadre d’épisodes répétés de dissociation, il est nécessaire de faire un bilan médical, pour s’assurer de l’origine du trouble (et ne pas méconnaitre une autre pathologie, même en parallèle d’un trouble psychique !). Par la suite, si l’origine est psychique voire psychotraumatique, une psychothérapie est recommandée en première intention.
Référence : Hubschmid M, Aybek S, Vingerhoets F, Berney A. Dissociative disorders: neurologists and psychiatrists working together. Rev Med Suisse. 2008 Feb 13;4(144):412-4, 416. Review French.
Texte rédigé par :
Dr Ludivine NOHALES, Psychiatre au Centre régional du Psychotraumatisme Auvergne Rhône Alpes et volontaire à la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique-CUMP 69, Hospices Civils de Lyon
Dr Nathalie PRIETO, Psychiatre Responsable du Centre régional du Psychotraumatisme Auvergne Rhône Alpes et de la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique-CUMP 69, Hospices Civils de Lyon
Qu’est-ce que le trouble de stress post-traumatique (TSPT)
Points clés
- Peut apparaitre après un évènement potentiellement traumatique
- Induit une souffrance importante au quotidien
- Est un trouble de santé mentale reconnu et pour lequel des traitements efficaces existent surtout s’ils sont mis en place précocement.
Le Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) (appelé auparavant Etat de Stress Post-Traumatique ou névrose traumatique), est un trouble de santé mentale. Il peut survenir chez un enfant ou un adulte après l’exposition à un événement potentiellement traumatique, la personne ayant alors été confrontée à la mort ou au risque de perte d’intégrité physique/psychique, que ce soit la sienne ou celle d’autrui dans les suites par exemple d’une agression, de violences sexuelles, d’un accident (de la route, de travail, etc.), de maltraitances, d’un attentat, d’une catastrophe….
Il est à noter que les proches de victimes peuvent aussi être concernés par un psychotraumatisme lié à l’annonce d’un évènement violent brutal subi par leur proche. De même, les professionnels de secours ou au quotidien à l’écoute des victimes peuvent dans certains cas être impactés de manière indirecte.
Dans tous les cas, la souffrance psychique est importante et a des retentissements invalidants tant au plan physique, psychique, que relationnel et socio-professionnel.
Comment se manifeste le Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) ?
Les symptômes peuvent débuter immédiatement, quelques jours après l’événement ou être beaucoup plus tardifs. Dans le mois suivant l’évènement, un Etat de Stress Aigu est possible. Les symptômes sont globalement similaires au TSPT mais sont plus précoces et plus faciles à traiter
Par définition, les symptômes du TSPT perdurent au-delà d’un mois, et peuvent être présents des mois ou des années, entrainant des conséquences significatives sur la vie quotidienne.
Les réactions suite à un évènement traumatogène sont variées mais ce qui doit alerter est :
- une grande détresse, ou des idées noires/suicidaires,
- des troubles (en particulier du sommeil) sans aucune amélioration durant plus d’un mois,
- une perturbation importante de la vie professionnelle et/ou personnelle.
Quatre modalités de symptômes typiques de TSPT sont retrouvées :
- Les reviviscences ou flash-backs : sentiment de revivre la scène ou un « morceau » de l’événement (toute la scène ou un détail, une image, un son, une odeur, une sensation). On ressent alors la même émotion que lors de l’événement, même ancien. Cela « intruse » les pensées régulièrement, on ne peut pas le contrôler. Cela peut être déclenché par quelque chose (un bruit, une image…) ou non et peut arriver la journée, souvent au coucher ou la nuit sous forme de cauchemars.
- Les évitements ciblés de ce qui peut rappeler l’événement : les situations, les lieux, les personnes, les pensées... Le sujet peut s’isoler dans un lieu qui parait sécurisant (domicile…), se renfermer sur lui et limiter les liens avec le monde extérieur.
- Un état d’alerte majeur, un hyperéveil du corps et du psychisme, une hypervigilance jour et nuit. Le sujet est sur ses gardes, malgré lui. Le coût en énergie est très important.
- Les changements négatifs dans les pensées et les émotions : le moral fluctue, les émotions changent très vite d’un moment à l’autre avec des vécus négatifs (colère, tristesse, peur, honte, culpabilité…), des difficultés de la mémoire et de la concentration. Il peut être difficile d’exprimer ou même de ressentir des émotions pourtant habituelles. Les sujets ont l’impression que le monde, les autres sont devenus dangereux. Ils se méfient de tout et de tous, peuvent s’agiter, avoir une certaine violence tout en trouvant cette méfiance inhabituelle chez eux.
D’autres troubles peuvent être associés :
- troubles des « instincts » : troubles du comportement alimentaire (avec anorexie, obésité, etc.), libido, sommeil…,
- plaintes physiques : douleurs (migraines) etc.,
- troubles somatoformes : prenant la forme d’une maladie physique (troubles digestifs, neurologiques…) ; maladies psychosomatiques où viennent se combiner des mécanismes anatomiques (ex : bactérie) et de stress (ex : ulcère),
- troubles psychiques divers :
- dépression, crises d’angoisses, idées noires ou suicidaires, consommation de substances (alcool, cannabis, anxiolytiques..),
- syndrome dissociatif : épisodes transitoires (isolés ou régulier) avec un sentiment d’être coupé de soi, d’irréalité, d’étrangeté de soi-même ou du monde,
- modifications du sens de la vie, du caractère.
Quelles sont les conséquences du TSPT ?
La souffrance peut être majeure. Les conséquences sont lourdes au quotidien, pour le sujet et son entourage : les relations deviennent compliquées, dans le couple, avec la famille, les amis, au travail. Il peut être difficile d’aller travailler, d’assister aux réunions de famille, aux moments de fêtes. La victime et ses proches ont des difficultés à comprendre les troubles du TSPT et ses conséquences.
Quels sont les traitements possibles du TSPT ?
Les traitements ont beaucoup évolué et on dispose aujourd’hui de différents traitements efficaces pour peu qu’ils soient instaurés précocement.
Le traitement de première intention est la psychothérapie ciblée, avec un psychologue ou un médecin psychiatre, spécialisés dans le stress post-traumatique. Il existe différentes techniques : les Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC), l’EMDR, les thérapies psychodynamiques, l’hypnose médicale et d’autres thérapies complémentaires (méditation pleine conscience, gestion du stress …). (cf. fiches).
Si l’amélioration n’est pas suffisante, si les symptômes sont trop présents, la psychothérapie non possible ou si un autre trouble est présent, un traitement médicamenteux spécifique peut être prescrit par le médecin.
Demander des soins pour le TSPT peut-il être difficile ?
Les raisons sont multiples, mais il existe des facteurs propres aux traumatismes psychiques :
- le sujet est mal informé sur le TSPT : il pense qu’il est « normal » d’avoir ces flashback ou d’autres signes. Il ne sait pas qu’il s’agit d’un trouble médical, qu’il existe des soins spécifiques, qu’il peut aller mieux,
- l’évitement typique du TSPT fait que le sujet évite de facto d’évoquer le sujet du traumatisme, et donc a peur d’aller consulter,
- l’expérience traumatique provoque un sentiment d’isolement, la pensée qu’on ne pourrait pas être compris par un « non-survivant » ni exprimer correctement l’évènement vécu,
- il peut y avoir un vécu de honte et/ou de culpabilité : ne connaissant pas les soins psychiques adaptés, la victime peut ne pas se sentir légitime à demander de l’aide, ou avoir le sentiment que sa souffrance est dérisoire par rapport à d’autres estimés plus gravement touchés.
Le risque est alors de s’enfermer dans sa souffrance, que les troubles s’aggravent ou que d’autres apparaissent.
Comme dans toute thérapie, il arrive que le premier thérapeute ne convienne pas, on peut alors en changer et surtout ne pas cesser la thérapie ! Dans ces cas, ne pas hésiter à se faire conseiller par son médecin généraliste, une association, les personnes reconnues dans le domaine, un ami ayant bénéficié de soins... 10 centres régionaux du psychotraumatisme ont récemment été ouverts en France, pour permettre une prise en charge optimale de ces traumatismes psychiques.
Référence : https://www.nice.org.uk/guidance/ng116
Texte rédigé par le Dr Ludivine Nohales, Centre régional du Psychotraumatisme Auvergne Rhône Alpes et Cellule d’Urgence Médico-Psychologique-CUMP 69, Hospices Civils de Lyon
La dépression caractérisée
Points clés
- La dépression est une maladie fréquente, elle toucherait environ 3 millions de personnes en France
- La dépression entraine une gêne importante et de façon quasi permanente dans le fonctionnement de la vie courante
- Des traitements efficaces existent pour traiter la dépression
- Une dépression peut survenir après un traumatisme (qu’il y ait ou non un état de stress post-traumatique associé), et au cours d’un deuil
La dépression est une maladie fréquente
La dépression est l’une des maladies psychiques les plus fréquentes. En France, environ 10 % des personnes de 18 à 75 ans vivent une dépression au cours de l’année et environ une personne sur cinq ont vécu ou vivront une dépression au cours de leur vie. Entre 2010 et 2017, il y a eu une augmentation de 1.8 points dans la prévalence déclarée de la dépression (EDC) au cours des 12 derniers mois. La dépression touche environ deux fois plus souvent les femmes que les hommes. Elle peut survenir à tous les âges de la vie (bébés, enfants, adolescents, adultes, personnes âgées), avec des manifestations qui varient un peu selon l’âge.
La dépression contribue largement au risque suicidaire. Plus de la moitié des personnes qui décèdent par suicide souffraient d’une dépression, le plus souvent non diagnostiquée ou non traitée.
Les symptômes de la dépression
Le fait de se sentir triste, « déprimé », d’avoir des idées noires ou des problèmes de sommeil ne signifie pas forcément que l’on souffre de dépression. Les moments de cafard et de découragement représentent des expériences humaines normales.
Pour parler de dépression, et donc de maladie, il faut une conjonction de plusieurs symptômes qui se manifestent de façon (quasi) permanente pendant au moins deux semaines et qui entraînent une gêne importante au niveau affectif, social, professionnel et entravent le fonctionnement dans la vie quotidienne. Un épisode dépressif est caractérisé par deux symptômes principaux :
- une tristesse inhabituelle, un sentiment de désespoir,
- une diminution marquée de l’intérêt et du plaisir pour la plupart des choses qui habituellement sont agréables.
A ces deux symptômes principaux, sont associés plusieurs autres symptômes :
- une sensation d’épuisement, de fatigue importante, de manque d’énergie,
- un ralentissement psychomoteur général tant dans les activités physiques que dans les activités intellectuelles et émotionnelles, avec des difficultés de concentration et une diminution de l’attention,
- une perte de confiance en soi, une dévalorisation de soi et un sentiment de culpabilité,
- des troubles du sommeil,
- des pensées de mort récurrentes et des idées suicidaires,
- une modification de l’appétit entrainant une variation du poids (diminution ou augmentation).
Selon le nombre de symptômes et le niveau de perturbation de l’activité, l’épisode dépressif est qualifié de léger, moyen ou sévère.
Dépression et traumatisme
Une dépression peut survenir après un traumatisme. Par exemple 23% des personnes exposées à l’attentat d’Oklahoma city présentaient une dépression six mois plus tard, alors que seulement 13% présentaient des signes de dépression avant l’attentat. Souvent, la dépression après un traumatisme est associée à un état de stress post-traumatique. La dépression est 3 à 5 fois plus fréquente chez les personnes présentant un état de stress post-traumatique que dans la population générale.
Dépression et deuil
Lorsque l’on est en deuil, on éprouve beaucoup de choses qui ressemblent au tableau de la dépression caractérisée : la tristesse et la douleur morale, la fatigue, les troubles du sommeil, le désespoir, la perte de la capacité à éprouver du plaisir… Ces symptômes font partie de l’expérience inévitable du deuil. Dans certains cas cependant, ils peuvent, par leur intensité, leur permanence, être considérés comme une véritable dépression caractérisée qui requiert alors le même traitement. La distinction peut être difficile, et il ne faut pas hésiter à recourir à l’avis d’un spécialiste en cas de doute.
L’évaluation par un professionnel de santé est indispensable
La dépression est une maladie qui ne doit pas être prise à la légère. Il est important de consulter son médecin traitant qui saura prendre les mesures nécessaires. Lorsque la dépression est bien diagnostiquée et prise en charge, c’est une maladie qui se traite facilement. Non traitée, elle peut s’aggraver, devenir chronique et même conduire au suicide. La combinaison de psychothérapie et d’antidépresseurs est sans doute la meilleure formule thérapeutique. L’hospitalisation n’est généralement pas nécessaire lors du traitement sauf pour les formes les plus graves.
Les traitements
La psychothérapie
La psychothérapie permet de travailler les aspects psychologiques, familiaux et sociaux qui pourraient être reliés à l’épisode dépressif. Plusieurs types de psychothérapies sont possibles, en particulier deux d’entre elles se sont avérées efficaces pour le traitement de la dépression : la thérapie cognitivo-comportementale et la thérapie interpersonnelle.
Elle peut être aussi efficace que les antidépresseurs dans le cas de dépressions légères ou modérées.
Les antidépresseurs
Les antidépresseurs permettent la normalisation des neurotransmetteurs et aident à retrouver le sommeil, l’appétit, un regain d’énergie, du plaisir et des pensées positives, habituellement après deux ou trois semaines de traitement continu.
Les antidépresseurs ne créent aucune dépendance et doivent être pris pendant une période de six mois au minimum pour minimiser le risque de rechute. Par contre, le traitement doit être prolongé si les troubles dépressifs persistent.
Le suivi
Afin de limiter les risques de rechute de l’épisode dépressif, il est conseillé de poursuivre le suivi médical avec des consultations mensuelles et le traitement à pleine dose pendant les 4 à 6 mois qui suivent la rémission des symptômes.
Références :
Léon C, Chan-Chee C, du Roscoät E, et al. La dépression en France chez les 18-75 ans : résultats du Baromètre santé 2017. Bull Epidemiol Hebd. 2018,32-33:637-44. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/32-33/pdf/2018_32-33_1.pdf
Le dossier de Santé Publique France sur la dépression : http://www.info-depression.fr/
Site de France Dépression (Association de patients) : http://www.france-depression.org/sample-page/
Page de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur la dépression : http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers-d-information/depression
Texte rédigé par le Dr Christine Chan Chee, Direction santé environnement DSE-Unité Surveillance des pathologies en lien avec l'environnement,
Santé publique France
Quand la souffrance n'est plus soutenable au point de pousser vers les pensées de suicide
Lorsque les événements négatifs s’accumulent dans la vie et que les souffrances s’enchevêtrent au point de boucher l’horizon, des idées de suicide peuvent apparaître. C’est le cas pour 4 % des Français chaque année selon Santé publique France.
A cette étape, ne pas rester seul mais se confier pour lutter contre la tendance à se replier. Toujours se rappeler qu’être fort c’est demander de l’aide.
Un état dépressif ou de stress post-traumatique augmente le désarroi et ouvre plus facilement la porte aux pensées de suicide. Dans un tel cas, on en vient à avoir des pensées négatives sur soi-même, et à imaginer que l’avenir ne réserve plus rien de bon. Ces anticipations négatives sont induites par le stress post-traumatique et la dépression. Elles disparaissent avec les soins. Un suivi médical est alors indispensable. Les proches doivent être informés du niveau de détresse pour les aider à avoir une attitude appropriée. Les crises suicidaires peuvent avoir des degrés de développement variables selon des étapes progressives : idées, intention, programmation et beaucoup plus rarement mise en œuvre. C’est ce degré d’urgence suicidaire qui va déterminer le délai et la nature de la protection à apporter.
Face à des idées de suicide : ne restez pas seul, parlez-en à des proches, à une association de victimes, à une association d’écoute.
Consultez rapidement un médecin, si besoin rendez-vous aux urgences de l’hôpital le plus proche, ou encore appelez le SAMU (15) qui saura apporter une réponse à vos besoins 24h/24.
Associations d'écoute
La fédération SOS Suicide Phénix France
Créée en 1978, elle accueille et organise la rencontre de ceux qui ont tenté de se suicider ou qui, un jour, y ont pensé. Ses bénévoles, formés en continu, écoutent, entendent, sans juger, ni conseiller. Entretiens individuels et participation à la vie du groupe permettent de restaurer le lien social, de redonner du sens à la parole. Des réunions sont réservées aux familles de suicidants et de suicidés, d'autres sont spécialement consacrées aux moins de 25 ans. SOS Suicide Phénix intervient également auprès des étudiants, des responsables de l'éducation et de la santé, dans un souci d'information et de prévention. Elle dispose d'un numéro d'appel national et assure un accueil dans ses locaux, répartis dans six grandes villes de France.
Ligne nationale : 01 40 44 46 45 (écoute de 13h à 23h, 7/7j)
Site internet : https://www.sos-suicide-phenix.org/
Mail : accueil@sos–suicide–phenix.org
Facebook : @federation.sos.suicide.phenix
Twitter : @SosSuicideFr
Instagram : sossuicidefr
La fédération SOS Amitié
Association loi 1901 reconnue d'utilité publique créée en 1960. Elle offre 24 heures sur 24 un service d'urgence téléphonique dont l'objectif premier, mais non exclusif, est la prévention du suicide. Un chat et une messagerie complètent également les outils à dispositions des répondants. L’écoute, anonyme, sans jugement ni conseil est assurée par1600 bénévoles, rigoureusement formés par des psychologues et soutenus continuellement, répondant à plus de 600 000 appels par an.
SOS Amitié participe également à la réflexion sur les problèmes psychologiques et sociaux, au sein de l’UNPS (Union nationale de prévention contre le suicide) et l’IFOTES (international federation of telephone emergency services)
Ligne nationale : 09 72 39 40 50 (écoute 24/24h, 7/7j)
Ligne Paris – Ile de France : 01 42 96 26 26
Ligne internationale soshelp : 01 46 21 46 46
Site Internet : https://www.sos-amitie.com/
Messagerie et Chat sur le site (chat de 13h à 03h, 7/7j)
Facebook : @federationsosamitie
Suicide Ecoute
Suicide Ecoute, s'est donné pour mission d'être à l'écoute téléphonique des suicidaires et des suicidants dans l'anonymat et le respect des convictions de chacun. Son offre se veut humaine, solidaire, désintéressée et non directive. Suicide Ecoute ne porte pas de jugement moral sur le suicide. Son ambition est de faire en sorte que les personnes qui envisagent d'attenter à leurs jours ne restent pas seules face à une souffrance.
Suicide Ecoute reçoit en moyenne 20 000 appels par an. L'association intervient également à la demande d'établissements scolaires et d'associations pour organiser des conférences et des débats de sensibilisation sur le problème du suicide. Suicide Ecoute est membre et fondateur de l'UNPS (Union Nationale pour la Prévention du Suicide).
Ligne nationale : 01 45 39 40 00 (écoute 24/24h, 7/7j)
Site internet : https://suicideecoute.pads.fr/
Référence : Observatoire national du suicide. Suicide. Connaître pour prévenir : dimensions nationales, locales et associatives. 2e rapport/Février 2016. Disponible sur : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/ons2016_mel_220216.pdf
Texte rédigé par le Pr Jean-Louis Terra, professeur de psychiatrie à l'université Lyon 1 et chef de service de psychiatrie de secteur au centre hospitalier Le Vinatier, à Lyon.
Le processus de deuil chez l'adulte et en quoi il est ici différent
Nous distinguerons le deuil normal et le deuil lié à un traumatisme.
- Définition du deuilLe deuil est la perte par décès d'un être cher. Ce n'est pas la perte d'un bien matériel, ni de quelque chose d’abstrait.La notion de durée du deuil est importante à préciser. Il est possible de distinguer une durée « sociale » et une durée « psychologique ».La durée sociale est variable entre quelques mois à un an, voire deux ans. Le deuil peut se manifester par une façon particulière de s'habiller, de se comporter en famille et au travail, et de fréquenter ou non certains lieux. Au bout d'un moment, l'endeuillé peut changer ses comportements, souvent à l'incitation de son entourage « à tourner la page » ou « à reprendre la vie comme avant ».La durée psychologique est différente. Le deuil est un état que l'on garde toute sa vie. Par contre, le comportement des personnes endeuillées varie au cours de son chemin de deuil. Celui-ci sera différent suivant les endeuillés, et surtout, suivant les circonstances du deuil.Il faut éviter de parler d'étapes car l'évolution est variable et complexe.
- Le deuil traumatiqueC'est un deuil que l'on peut qualifier de compliqué. Il se caractérise par les circonstances de la mort du proche, qui sont vécues comme brutales, inattendues, absurdes, injustes et parfois traumatogènes, si l'endeuillé a assisté à la mort de son proche, ou si un récit de sa mort lui est fait trop souvent.Le chemin de deuil peut alors être plus complexe avec :- la présence de reviviscences diurnes et/ou nocturnes de la scène traumatique qui a été vue ou imaginée ; ce sont alors des souvenirs intrusifs,- une hyperexcitation ou un abattement,- un blocage de la pensée pouvant aller au début du deuil jusqu'à la stupeur,- parfois, une absence de chagrin extériorisé au début du chemin de deuil,- l'endeuillé peut être figé, s'il existe au début, une négation de la mort de l'être cher,- des troubles du sommeil,- des troubles de l'alimentation,- un immense sentiment de désespoir qui peut se caractériser par un état dépressif, avec ou non, des idées de suicide,- des symptômes douloureux multiples,- des conduites à risque, avec ou non, la prise de toxiques.
- Accompagnement possibleLe langage joue un rôle capital : les mots permettent de partager, de renseigner sur ce que les endeuillés peuvent vivre, de réaliser un compagnonnage sur le chemin de deuil et, ainsi, de consoler un peu. Cela permet de reprendre pied dans le monde des vivants.Le processus de deuil est « entravé » en raison de la violence traumatique qui fait effraction dans le psychisme.Il est conseillé de rétablir une communication inter-humaine après un événement qualifié « d'inhumain ». A défaut de trouver un sens à l'insensé, il faut trouver un sens à la réaction des endeuillés.Pour cela il y a les proches, mais aussi certaines associations (voir ci-dessous) qui proposent information, soutien, écoute, rencontres entre endeuillés. Enfin lorsque la douleur est trop intense, qu’il existe une dépression ou des idées de suicide, il est indispensable de trouver l’aide d’un professionnel.
Associations :
Vivre son deuil : Réseau inter associatif de soutien et d’aide aux personnes en deuil
http://vivresondeuil.asso.fr/associations.html
tel : 06 15 14 28 31
mail : fede.vivresondeuil@gmail.com
Apprivoiser l’absence : Groupes d’entraide pour parents en deuil – Rencontres pour frères et sœurs en deuil
http://www.apprivoiserlabsence.com/
1 antenne en Ile de France
4 antennes en province
Coordonnées tel et mail sur le site
Références :
Bacqué MF. Le deuil à vivre. Paris : Odile Jacob ; 2000.
Cornillot P, Hanus M. Parlons de la mort et du deuil. Paris : Frison Roche ; 2000.
Gril J. Vivre après la mort de son enfant : des parents témoignent. Paris : Albin Michel ; 2007.
Hanus M. La mort d’un parent, le deuil des enfants. Paris : Vuibert ; 2008.
Joan Didion. L’année de la pensée magique. Paris : Grasset ; 1997.
Joyce Carol Oates. J’ai réussi à rester en vie. Paris : Folio.
Texte rédigé par Jean-Jacques Chavagnat, Chef du Pôle de Santé Publique et de Logistique Médicale, Centre Hospitalier Henri Laborit coordonnateur CUMP pour le Poitou-Charentes
Le processus de deuil chez l'enfant et en quoi il est ici différent
Les différences du deuil entre l’adulte et l’enfant
Chez les adultes, le deuil est un processus. Des alternances d’effondrement et d’allègement de la peine se succèdent. Lentement, mais progressivement, l’adulte en deuil va passer d’une souffrance parfois insupportable à une profonde tristesse liée à la reconnaissance de l’irréversibilité de la perte. Petit à petit, l’adulte en deuil abordera tous les souvenirs avec le défunt, puis les projets et même les rêves nourris ensemble. La détresse des débuts du deuil va disparaître finalement pour laisser la place à la nostalgie et l’adulte va, parfois plus tard, reconnaître un certain chemin parcouru sans l’être aimé et une forme nouvelle de regard sur sa propre vie.
Chez l’adulte, le deuil est lié à une capacité à penser l’absence et à tolérer le vide personnellement, mais aussi socialement. Les rites funéraires aident beaucoup ponctuellement parce qu’ils rassurent sur l’acceptation sociale de la mort. Mais bien que l’enfant puisse aussi être réconforté par le fait de participer aux funérailles, d’être allé au cimetière, leur solennité n’a pas l’effet escompté sur le plan affectif.
Chez le tout petit
Chez l’enfant, le deuil est plus complexe. Tout d’abord, l’aptitude au deuil dépend de l’âge de l’enfant. Un bébé peut perdre l’un de ses parents et ressentir très fortement son absence. En revanche, comme il ne peut pas verbaliser la perte, le manque va se traduire par des changements de comportement et parfois des signes physiques : le bébé est triste, maussade, il pleure énormément, il ne mange plus ou se jette au contraire sur la nourriture automatiquement. Le bébé peut aussi devenir très anxieux, comme s’il attendait le retour de son parent. L’approche thérapeutique va souvent consister à réunir les parents survivants ou de substitution du bébé et lui-même et à parler des événements ensemble. En effet, les perceptions du jeune enfant sont médiatisées par les réactions de celui qui prend soin de lui.
Une absence de discours autour du deuil crée souvent une rupture des échanges avec le bébé. Le retour de la parole au sujet du défunt va rasséréner les parents restants et les relier à l’enfant. Avec la croissance du tout petit, il faudra cependant reprendre l’histoire de la mort du parent avec de nouveaux termes, en fonction de son évolution. À chaque étape du développement psychique de l’enfant, la mort de son parent devra être ré-abordée par un proche responsable de lui avec des mots qu’il peut dorénavant comprendre et intégrer. Cet échange se basera surtout sur les questions de l’enfant, en maintenant plusieurs possibilités de réponse. Par exemple une interrogation importante de l’enfant n’a pas forcément de réponse : « est-ce que mes parents sont au ciel ? Les retrouverai-je un jour ? »
En grandissant, l’enfant apprend l’irréversibilité et l’universalité de la mort
Avec l’âge, l’enfant va comprendre progressivement que tous les êtres sont mortels et que la mort est irréversible. Nous, les adultes, nous avons l’impression que c’est évident et pourtant, confrontés au deuil, combien d’entre nous voudraient retourner en arrière, faire comme si la mort n’était qu’un mauvais film qu’il suffirait de remettre au début. L’enfant n’acquiert la notion d’irréversibilité qu’avec la représentation de soi, autour de l’âge de sept ans. Pour l’universalité, cela dépend de son expérience. Beaucoup d’enfants sont en contact avec des bêtes mortes à la campagne mais en ville et ailleurs, ce sont surtout les journaux télévisés ou les jeux vidéo qui leur apprennent à vivre avec la mort. Mais cette mort est le plus souvent virtuelle. L’universalité de la mort est donc souvent refoulée, bien que les enfants qui ont accès à un savoir scientifique soient passionnés par tous les particularismes de la mort selon les espèces animales. Malheureusement, ce que les enfants ont appris à l’école ne les aide pas à appréhender la mort d’un être cher. La mort n’est en effet pas une « connaissance », mais bien plutôt un cataclysme émotionnel que l’enfant va être le plus souvent très gêné d’exprimer.
Les particularités du deuil après un attentat
Avec les attentats du 13 novembre, des enfants n’ont pas vu rentrer à la maison un de leurs parents ou un être cher (mais la perte d’un parent est considérée comme la plus difficile). La mort a ici été renforcée négativement par la brutalité et la violence de cette attaque collective. Ce qui a compté le plus pour les enfants et cette fois, quel que soit leur âge, c’est la manière dont la mort leur a été annoncée et la façon dont les adultes qui se sont dorénavant occupés d’eux ont eux-mêmes fait face à leur propre deuil. Les mots employés sont importants. Ainsi des expressions métaphoriques comme « il est parti », « il est au ciel maintenant » trahissent souvent le désir bien compréhensif de ne pas faire encore plus de mal à l’enfant. Ces expressions peuvent cependant induire une mauvaise compréhension. Par exemple « partir » implique la possibilité de revenir, « être au ciel » peut laisser croire à l’enfant que le parent est bloqué là-haut ou encore le regarde de loin et ne souhaite plus le retrouver. Fort heureusement, on peut toujours modifier ce que l’on a dit sous le coup de l’émotion. Mais la meilleure façon de dire les choses est bien d’employer le mot « mort » au sein d’une phrase dans laquelle l’enfant ressent la peine. La compréhension et surtout le fait d’être présent, avec lui, pour partager ce moment, sont bien plus encourageants pour l’enfant qu’un discours préparé et sans âme. Il n’y a pas de « bonne » phrase à dire, mais il y a surtout une attitude de « présence » à l’autre, de regard franc et d’accompagnement chaleureux.
Même pour les tout-petits, bien que l’on pense que le mot « mort » soit compris vers l’âge de quatre ans, la mort n’implique pas forcément la fin : «j’attends quand même que maman, et bien, elle revient » dit Jasmine, six ans. De même, il semblait que tout avait été dit à l’enfant et pourtant, quelques mois plus tard, il apparaît qu’il attend son papa, comme s’il devait arriver d’un long voyage. Ceci n’est pas pathologique, il s’agit de l’incohérence pour l’enfant de l’absence de son parent. Les choses doivent être reprises ensemble régulièrement : parler à certaines occasions (et surtout pas tout le temps) de ce que l’on faisait avec papa ou maman, élaborer avec l’enfant ce qui va se passer maintenant et pendant l’année à venir.
Un enfant, quel que soit son âge a besoin d’être sécurisé. Il a aussi besoin de faire des choses « normales » : aller à l’école, avoir des loisirs, être seul de temps en temps.
Dans les cas où cela se passe mal
On prend souvent conscience des difficultés du deuil chez l’enfant indirectement. Le personnel de la crèche téléphone parce que bébé est « grognon, peut-être encore malade », l’école signale une forme d’agitation ou au contraire d’indifférence « il a encore cassé une vitre en chahutant », « maintenant, elle est souvent dans la lune, elle n’écoute plus », les grands-parents font ce qu’ils peuvent mais se sentent dépassés par leur propre chagrin…
Et pourtant, l’enfant ne dit rien au sujet de son parent disparu. Plusieurs mois après la mort, un enfant peut présenter un « deuil différé », c’est à dire que les émotions attendues ne sont pas apparues immédiatement après la mauvaise nouvelle, mais bien plus tard. Ici aussi, il faut reprendre les choses et même reprendre l’annonce de la mort. Nous avons vu qu’avec les bébés, un membre de la famille, le médecin, le psychologue, peuvent ré-aborder en douceur les événements : « depuis la mort de … on fait ce qu’on peut à la maison, les grands-parents sont intervenus, l’équilibre de la famille est toujours précaire, mais on a trouvé de l’aide avec untel … ». Les émotions intenses peuvent être exprimées et aboutir à une impression de plus grande solidarité entre les membres de la famille. Avec les enfants plus grands, avant que les adultes ne parlent, une étape fondamentale ne doit pas être oubliée: écouter ce que l’enfant a à dire. Beaucoup d’enfants ont du mal à parler, mais en leur demandant ce qui se passe en ce moment, comment ça va à l’école, l’enfant va peut-être parler de ce qu’il ressent. Le secret de ses émotions doit cependant être respecté. Un enfant qui ne parle pas, peut dessiner, il peut aussi exprimer à travers le jeu, ce qu’il pourrait dire mais… il ne trouve pas les mots…
L’intérêt d’une rencontre thérapeutique
Face à cette absence d’expression du deuil, une rencontre chez un psychothérapeute peut être présentée à l’enfant, mais il risque de refuser dans bien des cas parce que son intimité a été blessée. On ne peut le forcer, mais simplement faire un pari avec lui : « je te propose d’aller avec moi parler avec un psychologue, essayons tout de même. Si tu n’as plus envie d’y retourner, je suivrai ton point de vue. » Le passage par une association est une bonne idée, mais il en faudrait une pas trop éloignée de la maison. Aussi passe-t-on souvent par le médecin de famille qui connaît les bonnes adresses. L’association pourra, après un premier entretien avec la famille, proposer la participation à un groupe d’enfants en deuil. À six mois et plus des événements, un bilan peut être proposé ou au moins une rencontre associative, afin de ne pas laisser s’installer des manifestations inhabituelles chez l’enfant comme le repli, le retrait du groupe, la répression des émotions. Bien que ces attitudes signent une très grande tristesse, elles peuvent aussi indiquer une certaine culpabilité ou auto-dévalorisation de l’enfant. L’enfant peut en effet se sentir coupable, étrangement, de la mort de son parent : « on s’était disputés.. Je lui en voulais ce jour-là… J’avais eu une mauvaise note ». Cette culpabilité pourra être discutée avec le thérapeute ou en groupe. D’autre part, la mort d’un parent peut entraîner le sentiment que l’enfant ne se sentait pas suffisamment « bien » ou « bon » pour conserver ses parents comme tous les autres. Ces pensées sont typiques d’une difficulté du deuil et méritent une élaboration, mais attention, celle-ci n’est possible que si l’enfant a les mots pour le faire. Établir déjà un contact avec un thérapeute est sans aucun doute une première étape parce qu’elle installera l’idée qu’il y a une issue possible et que quelqu’un de stable, de régulier dans ses émotions est là potentiellement à l’écoute.
Références :
Bacqué MF. Hanus, M. Le deuil. Que sais-je, Paris, PUF (2000, 6ème édition, 2016)
Romano H. (Sous la direction de) Accompagner le deuil en situation traumatique. Paris, Dunod (2015)
Romano H, Baubet T. ‘Dis, c’est comment quand on est mort ?’ Accompagner l’enfant sur le chemin du chagrin. Grenoble : La Pensée sauvage ; 2006
Glorion F. Accompagner l’enfant en deuil. Revue Laënnec 2003 ; 51(1) : 21-33
« 7 ressources utiles pour accompagner un enfant en deuil ». Site internet 'Les mots du deuil'.
Texte rédigé par le Pr Marie-Frédérique Bacqué, professeure de psychopathologie clinique à l’université de Strasbourg Directrice de l’EA 3071 SULISOM
Aborder les évènements avec les enfants
Il s’agit ici de parler en famille de ce qui s’est produit le 13 novembre 2015. Après le choc initial, les enfants ont pu présenter certains troubles comme une angoisse de séparation, un besoin de sécurité accentué. Ils ont pu poser des questions à leurs parents, mais parfois, ils ont retenu toutes ces interrogations qui les ont perturbés à l’école ou dans leur environnement habituel. Que faire pour les aider à distance des événements ?
Les attentats de novembre 2015 ont provoqué de nombreux dégâts y compris chez les personnes qui n’en étaient pas directement les témoins. À la maison, les jeunes parents qui auraient pu se trouver au Bataclan ou dans les restaurants ou encore au stade de Saint-Denis, se sont imaginés à la place des personnes qui allaient au concert ou fêter un anniversaire entre amis. Ils ont d’abord été sidérés par l’événement. Le soir même du 13 novembre, beaucoup sont restés devant la télé tard dans la nuit. Tout le monde était grave, certains criaient ou pleuraient. La tristesse se lisait dans tous les yeux. Leurs enfants, leurs adolescents ont non seulement appris qu’il y avait eu une attaque meurtrière de nombreuses personnes, mais ils ont constaté que leurs parents étaient profondément touchés, bien que sains et saufs.
Au début, les parents ne disaient rien, effarés. Puis, ils ont commencé à parler. Sous le coup de l’émotion, ils ont transmis beaucoup de peur et d’angoisse.
Avant de mettre des mots sur ce qui s’était passé, les émotions se sont manifestées au premier degré. Elles ont pu se transmettre aux enfants, à l’état brut, non élaborées par leurs parents. Puis avec l’aide des discussions, des lectures, les parents ont essayé de donner du sens à ce qui était arrivé : « Des fous, des terroristes, des meurtriers… ». Tous ces mots étaient d’autant plus terrifiants que les enfants percevaient le danger qui pouvait dès lors atteindre tout le monde. À la télé, on a vu des cortèges, des manifestations spontanées, mais cela n’a pas apaisé les parents. Les enfants se sont sentis de plus en plus seuls. La minute de silence à l’école a été suivie de quelques explications mais il était alors encore difficile de s’exprimer.
Lorsqu’il se produit un traumatisme grave, national, les enfants sont souvent les grands oubliés. Leurs parents, après un temps de blocage, retrouvent la parole. Même s’ils sont attristés pendant quelques temps, ils se fixent à nouveau sur leur routine. Les enfants sont rarement sollicités pour dire ce qu’ils ressentent, or, eux aussi sont très choqués, surtout par le changement observé chez leurs parents.
Les enfants vont donc « garder à l’intérieur » leur peur et leur chagrin de voir leurs parents bouleversés. Cette absence d’expression peut conduire à l’angoisse (oui, même chez un jeune enfant), une angoisse qui ne passe pas par les mots, mais qui se traduit par des ruminations la nuit, une peur de se séparer de ceux que l’on aime (on l’appelle aussi « angoisse de séparation » et parfois, elle est suivie d’une phobie scolaire, l’enfant ne veut même plus aller à l’école).
Pour éviter que ces difficultés ne se prolongent, il est nécessaire de consulter son médecin de famille ou un psychologue. Dans cette consultation, les parents sont présents avec leur (s) enfant (s) et parlent avec le professionnel de ce qui s’est passé. Les enfants disent : « Maman était toute blanche », « Papa a crié, j’ai eu peur… », ils témoignent du désarroi de leurs parents.
Oui, les adultes ne parvenaient plus à se contrôler, ils laissaient planer une grande insécurité.
Voir son médecin de famille ou un psychologue permet aux parents de reprendre leur position d’adulte qui rassure et protège. C’est ce dont ont besoin les enfants. Toutefois, les parents, peuvent revenir sur ces mauvais moments et dire combien ils ont été choqués par ce qui s’est passé. Ils peuvent insister sur les émotions qu’ils ont éprouvées ; identification aux victimes, impuissance, envie d’aider, sentiment de révolte. C’est avec le partage de la parole et le retour des comportements habituels que les enfants seront rassurés par la protection donnée par leurs parents, tout en prenant progressivement conscience des dangers qui les entourent. Lors des cérémonies de commémoration des attentats, parents et enfant pourront se rappeler ensemble les difficultés éprouvées et constater que l’équilibre familial a pu être repris, avec la force de l’expérience acquise désormais.
Références :
Bacqué MF. Hanus, M. Le deuil. Que sais-je, Paris, PUF (2000, 6e édition, 2016).
Bacqué MF. Comment la mort vient aux enfants. Journal des psychologues 2004;219, 46-50.
Le P’tit Libé n°3 : Les attentats à Paris (novembre 2015)
Le P’tit Libé n°5 : Sécurité : la vie après les attentats (janvier 2016)
Texte rédigé par le Pr Marie-Frédérique Bacqué, professeure de psychopathologie clinique à l’université de Strasbourg Directrice de l’EA 3071 SULISOM
Les victimes et les médias
Points clés
- Il est essentiel de prendre le temps de la réflexion lors d’une proposition de médiatisation de son image et de sa parole
- Des études ont montré une association positive entre l’exposition aux médias et l’augmentation des symptômes de stress post-traumatiques, en particulier chez les sujets ayant déjà subi un stress post-traumatique antérieur
- Le temps de consommation des médias augmente le risque d’impact sur l’état psychique
- Des études plus poussées dans le domaine sont nécessaires
Depuis quelques années, les évènements violents et/ou avec de nombreuses victimes ont un impact médiatique très important, avec notamment la possibilité de diffuser les informations de manière répétée pendant des jours voire des semaines. Le sujet qui est devant l’écran reçoit ainsi de nombreuses informations visuelles, auditives… avec un vécu émotionnel à prendre en compte.
D’un autre côté, les victimes de l’évènement sont interrogées par les journalistes, « à chaud » ou plus à distance. Dans tous les cas, des questions très directes sont posées, concernant leur vécu de l’évènement ou les conséquences (décès...).
Ainsi, la question se pose de savoir quel est impact de l’exposition aux médias pour ces victimes, et plus largement pour les sujets spectateurs, en particulier pour ceux ayant subi un traumatisme psychique préalable?
L’exposition via les médias, derrière les écrans
Aujourd’hui, les médias permettent à chacun d’entre nous, où que nous soyons et en continu, d’être plongé en quelques secondes au « cœur » de l’actualité. Souvent spectaculaires et au plus près de l’événement, les images « chocs » sont partagées très rapidement. Elles mettent en scène la douleur, la violence et les blessures physiques ou psychiques sans toujours être accompagnées de mots, de réflexions. La prise de distance peut alors être difficile, l’information transmise servant d’abord à attirer l’œil et l’oreille, au risque d’impacter ou de (ré)exposer le spectateur. Les journalistes, eux-mêmes parfois pris dans la violence de l’évènement, peuvent aussi être touchés par ces images.
Pour autant, les classifications diagnostiques actuelles en santé mentale ne prennent en compte ce type d’exposition traumatique aux médias que dans certains contextes professionnels (service de renseignement...).
Des expérimentations en laboratoire ont cependant montré que l’exposition à des images traumatisantes pouvait induire des symptômes de reviviscences (cf fiche TSPT). Contrairement à ce qu’on avait pu penser, l’écran ne « protège » donc pas le sujet de la violence de l’information. Celle-ci, en particulier visuelle, déclenche l’activation des structures impliquées dans la peur et le traumatisme psychique et peut renvoyer le sujet à des souvenirs, des sensations, des émotions vécues douloureuses. Un trouble de Stress Post-Traumatique peut, dans certaines conditions, en découler (cf. fiche TSPT).
De manière générale, des associations positives ont été repérées entre l'exposition répétée aux médias (télévision, réseaux sociaux…) et la présence de troubles psychiques et en particulier de symptômes d'un syndrome de stress post-traumatique, plusieurs mois voire plusieurs années après l’évènement. Les enfants sont eux aussi concernés.
Les études réalisées depuis le 11 septembre aux USA montrent également que le temps d’exposition aux médias est un facteur venant renforcer le risque potentiel traumatique : au plus on regarde les médias, au plus on peut être impacté. Les sujets ayant déjà subi un traumatisme s’avèrent particulièrement sensible à cette répétition susceptible de venir renforcer des croyances (de peur, d’impuissance etc.) et donc à risque de traumatisme psychique.
Malgré ces résultats, le lien de causalité n’est pas encore clairement établi. Les études sont principalement rétrospectives et doivent être poursuivies. L’exposition forte aux médias pourrait aussi être en lien avec des stratégies d’adaptation et de gestion du stress de chacun, stratégies cependant peu efficaces.
L'exposition médiatique des victimes
Dans les suites immédiates de l’évènement
Dès les premières heures après l’événement traumatogène, les victimes sont souvent sollicitées « à chaud » pour un témoignage par des journalistes et/ou des photographes. Il est alors très difficile pour le sujet de se positionner et de prendre une décision éclairée face à ces demandes, dans un moment d’intense vulnérabilité et sans possibilité de prise de recul. Dans les instants qui suivent l’évènement, les victimes peuvent ainsi être filmés hagardes, hébétées, incapables de parler voire confuses, agitées et dans l’incapacité de se contrôler. Le risque que ces images restent figées dans le temps est important, malgré l’évolution ultérieure de leur état.
Plus tard
Certains moments clés en lien avec l’évènement traumatogène, comme les dates anniversaires, peuvent parfois inciter la victime à vouloir témoigner à propos de son propre vécu. Avant de prendre la parole face aux médias, il est cependant indispensable qu’elle se pose quelques questions, pour sa sécurité et celle de son entourage : Comment veut-elle que les médias parlent d’elle ? Quel message veut-elle faire passer ? Qu’est-ce qui doit rester privé ? Comment protéger les enfants ? Quelles sont les réactions voire les risques d’une intervention médiatisée ?
En se laissant suffisamment de temps entre l’évènement et un éventuel témoignage, le sujet va pouvoir mieux bénéficier de son libre arbitre, de ses capacités de réflexion et de recul.
Dans l’après-coup, les personnes touchées par l'événement ou leurs proches peuvent ressentir que leur douleur est utilisée à des fins d'audience. Quelle que soit la temporalité, les images prises figent l'instant et l'état du sujet.
Ainsi dans tous les cas, chacun a le droit de choisir de témoigner ou pas, de mettre ses propres limites, de refuser des questions. Accepter d’être filmé, enregistré ou photographié n’est jamais une obligation ni un devoir.
Référence : http://www.info-risques.be/fr/agissez-efficacement/victimes-et-medias.
Enguerrand du Roscoät and al. Les attentats de novembre 2015 à paris : exposition aux images par les médias et symptômes de stress post-traumatique. BEH 38-39, 13 novembre 2018
Texte rédigé par :
Dr Ludivine Nohales, Psychiatre au Centre régional du Psychotraumatisme Auvergne Rhône Alpes et Psychiatre volontaire à la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique-CUMP 69, Hospices Civils de Lyon
Sébastien Richer, Psychologue clinicien, Centre Régional du Psychotraumatisme Auvergne Rhône Alpes, Hospices Civils de Lyon