Les premiers cas de leptospirose dans l'archipel des Comores et à Mayotte ont été rapportés au début des années 1980. De 1998 à 2008, une vingtaine de cas par an, en moyenne, étaient rapportés pour Mayotte par le Centre national de référence de la leptospirose (Institut Pasteur, Paris). Une surveillance spécifique de la maladie a été mise en place en 2008, d'abord par un simple recueil des cas déclarés par le Centre hospitalier de Mayotte et de leurs caractéristiques administratives puis, à partir de 2010, par une investigation épidémiologique des cas. De 2008 à 2015, 808 cas de leptospirose (100 cas par an en moyenne, soit une incidence annuelle moyenne de 47 cas pour 100 000 habitants) ont été rapportés, dont 203 hospitalisés. Entre 2012 et 2015, 13 personnes ont été hospitalisées en réanimation, soit 10% des cas hospitalisés. Des cas sont rapportés tout au long de l'année, mais majoritairement durant la saison des pluies, de janvier à mai. L'incidence varie selon les années mais aussi selon les communes, en fonction de la pluviométrie et des activités humaines. La leptospirose à Mayotte est une maladie à la morbidité élevée, touchant deux fois plus les hommes que les femmes et avec 20% de moins de 15 ans. Cependant, les formes graves et les décès sont rares (taux de létalité moyen 0,9%). La grande majorité des cas recensés sur l'île est liée à des pratiques agricoles ou de jardinage et d'élevage à domicile, ou à des loisirs en eau douce (pêche, baignade en rivière ou bassins), ainsi qu'à la marche pieds nus ou sans chaussures fermées. Il existe probablement une exposition intra ou péridomiciliaire liée à un habitat dégradé (RR=1,5 [1,4-1,8]). Des expositions professionnelles sont retrouvées dans 4 cas sur 10, et 1 cas sur 10 est uniquement d'origine professionnelle. Les professions à risque retrouvées sont celles classiquement décrites : agriculteurs, ouvriers du bâtiment, éboueurs et militaires. La plupart des cas sont isolés, sans lien entre eux. À Mayotte, l'information et la vigilance des personnels de santé vis-à-vis de cette maladie sont en partie à l'origine de sa faible létalité. Si l'amélioration de l'habitat, de la gestion des eaux usées et des eaux pluviales, de la gestion des déchets et de l'accès à l'eau sont autant d'éléments pour le contrôle de la leptospirose dans l'avenir, il est nécessaire de mieux informer la population sur les modes de contamination pour réduire les expositions, ainsi que sur la nécessité de consulter rapidement en cas de fièvre afin de diminuer la sévérité de la maladie. Un travail de prévention est également à mener auprès des professions à risque, notamment les agriculteurs et les éleveurs.
Auteur : Pages F, Collet L, Henry S, Margueron T, Achirafi A, Bourhy P, Picardeau M, Lernout T, Filleul L
Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, 2017, n°. 8-9, p. 147-56