En 2004 étaient mis en place le plan national canicule et le plan grand froid, en réponse à l’excès de mortalité observé suite à la canicule de 2003. Depuis des canicules sont observées chaque année. Entre 2015 et 2018, plus de 4 000 décès en excès ont été observés en France pendant des canicules. À l’inverse, les pics de grand froid ne sont pas associés à une forte mortalité, mais le froid est l’un des facteurs contribuant à l’excès de mortalité hivernale.
Ainsi, les études et la prévention des impacts de la température en France se concentrent sur les évènements les plus extrêmes. Très peu de travaux portent sur l’influence d’une gamme de température plus large. Or dans un contexte d’adaptation au changement climatique, la question de l’impact sanitaire des températures hors évènements extrêmes se pose.
L’article qui vient de paraître dans la revue Environment International aborde cette question sous l’angle de l’impact de la chaleur et du froid sur la mortalité dans 18 villes françaises.
3 questions à Mathilde Pascal, direction santé environnement
Les villes ont été choisies sur des critères de taille (plus de 100 000 habitants pour garantir la puissance statistique), et de bonne couverture de la diversité des climats observés en France métropolitaine : océanique (Bordeaux, Le Havre, Nantes, Rennes et Rouen), océanique altéré (Lens-Douai, Lille, Paris et Toulouse) semi-continental (Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Lyon, Nancy et Strasbourg), méditerranéen (Marseille, Montpellier et Nice). Elles correspondent aux plus grandes agglomérations françaises et couvrent l’ensemble du territoire métropolitain. Ces 18 villes couvrent une population de plus de 15 millions d’habitants. Nous avons ainsi pu étudier l’influence de températures quotidiennes moyennes variant de -12 à +32°C.
Quant à la période d’étude, elle a été choisie en fonction de la disponibilité des données de pollution de l’air (à partir de 2000) et de mortalité (jusqu’en 2010), au moment du démarrage de l’étude en 2014. La période choisie permet d’avoir des années antérieures à la mise en place du plan canicule en 2004 et des années une fois ce plan mis en œuvre.
L’étude montre comment l’exposition à une température donnée modifie le risque de mortalité pendant plusieurs jours après cette exposition. Les modèles statistiques utilisés permettent ensuite de définir pour chaque ville la température « optimale » associée au risque de mortalité minimal, et de calculer le nombre de décès attribuables aux températures plus élevées (« chaleur ») et plus basses (« froid »).
La température « optimale » varie de 13°C à Lille à 22°C à Paris, mettant en évidence une adaptation de la population au climat local. Les résultats montrent ainsi que les effets de la température ne sont pas restreints aux températures extrêmes.
Entre 2000 et 2010, 3,9 % de la mortalité totale dans les villes était attribuable au froid et 1,2 % à la chaleur. L’étude montre que l’impact du froid débute deux jours après l’exposition et persiste au moins 21 jours. De plus, les températures très basses ne représentent qu’une faible part de la mortalité attribuable au froid, qui est davantage liée à des températures basses modérées mais fréquentes. À l’inverse, l’effet de la chaleur sur la mortalité est maximum le jour même de l’exposition et ne persiste que quelques jours. Enfin, si les températures très élevées demeurent rares, elles représentent environ 30 % du poids total de la mortalité liée à la chaleur. Au-delà de températures moyennes allant de 23 à 28°C selon la ville, chaque degré supplémentaire se traduit par une augmentation très rapide du risque de décès, justifiant une action particulière en cas de très fortes chaleurs.
Enfin, il n’a pas été retrouvé de différence dans la forme et l’intensité de la relation température-mortalité avant et après la mise en place du plan canicule en 2004.
L’objectif est d’étendre la période d’étude, et d’intégrer des villes d’outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion) pour lesquels il y a très peu de connaissances. Il sera aussi intéressant de prendre compte les années récentes, qui connaissant des records de chaleur. Au niveau mondial, 2014, 2015, 2016 et 2017 sont les quatre années les plus chaudes depuis le début des observations météorologiques.
Santé publique France participe au réseau international, Multi-City Multi-Country (MCC) network. Coordonné par la London School of Hygiene and Tropical Medicine, ce réseau mène des analyses similaires sur plus de 500 villes dans le monde, ce qui en fait le plus grand réseau de recherche en santé environnement au monde. Ce réseau produit notamment des estimations d’impact selon différents scénarios climatiques produits par le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). Pour les villes françaises, les dernières publications de ce groupe montrent qu’il faut s’attendre d’ici 2100 à une augmentation d’environ 4 % de la mortalité liée à la température sous un réchauffement d’environ +3°C. Seul un réchauffement inférieur à +2°C, correspondant à l’objectif de l’accord de Paris, permettrait de limiter la hausse de cette mortalité.
Dans une perspective de prévention, nous travaillons également sur des approches complémentaires visant à décrire les caractéristiques des personnes décédées pendant les vagues de chaleur, à explorer l’influence des îlots de chaleur urbain, et à explorer les synergies entre la température et la pollution de l’air. Ceci s’appuie sur des collaborations avec Météo-France, plusieurs organismes travaillant sur la climatologie urbaine et l’Inserm.
Pour en savoir plus
Corso M, Pascal M, Wagner V. Impacts de la chaleur et du froid sur la mortalité totale en France entre 2000 et 2010. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(31):634-40.
Comprendre et prévenir les impacts sanitaires de la chaleur dans un contexte de changement climatique. Numéro thématique, 5 juin 2018. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(16-17).
S’adapter à la chaleur dans un contexte de changement climatique. Juin 2018. p.6. Eds Santé publique France.