En janvier 2021, deux cas d’infections par le variant 20H/501Y.V2 (lignage B.1.351) du SARS-CoV-2 dit variant sud-africain étaient rapportés par le Centre national de référence (CNR) déclenchant l’alerte auprès de Santé publique France. Deux régions étaient concernées initialement, Île-de-France et Pays de la Loire, auxquelles sont venues s’ajouter au fil des investigations les régions Occitanie et Centre-Val de Loire.
Décrit pour la première fois sur le territoire français et d’émergence récente, très peu d’éléments concernant ce variant étaient alors disponibles. Les autorités sanitaires et en particulier Santé publique France ont, dès l’alerte, mis en place une organisation mobilisant tous les acteurs des régions concernées. La réactivité des acteurs impliqués et la mise en place de mesures rapides ont permis de circonscrire les chaînes de transmission autour de ces premiers cas identifiés en France importés depuis le Mozambique.
L’article paru ce mois-ci dans Eurosurveillance1 décrit cette investigation et le dispositif mis en place. La diversité et le nombre d’acteurs impliqués dans cette investigation témoignent de l’intensité de la mobilisation.
3 questions à Clémentine Calba, Cellule régionale Île-de-France de Santé publique France
L’émergence et la diffusion de nouveaux variants sur le territoire français fait l’objet d’une surveillance renforcée par les autorités sanitaires, dans le cadre du consortium EMER-GEN coordonné par Santé publique France et l’ANRS / Maladies Infectieuses Emergentes (MIE), en lien avec le Centre National de Référence des Virus des infections respiratoires (Institut Pasteur et Hospices Civils de Lyon), deux plateformes additionnelles de séquençage à haut débit (APHP Henri Mondor et IHU Marseille), et un réseau de laboratoires de proximité coordonné par l’ANR / MIE. L’enjeu de ce dispositif est de détecter le plus précocement possible l’apparition sur le territoire de variants préoccupants (VOC) compte tenu de leurs caractéristiques (plus grande transmissibilité, pouvoir pathogène accru et/ou échappement immunitaire) et de contenir ou retarder leur diffusion. Le variant B.1.351 est l’un des 4 actuellement classés parmi les variants préoccupants (VOC – variant of concern).
L’identification de cas du variant B.1.351, importés du Mozambique, est survenue à un moment où les caractéristiques de ce variant étaient encore mal connues. Il s’agissait, à notre connaissance, des premiers cas identifiés en France, voire en Europe, et de la première notion de circulation de ce variant au Mozambique. Les éléments disponibles au moment de l’alerte faisant état de plusieurs personnes ayant voyagé ensemble, résidant dans différentes régions de France, ont mis en évidence un risque réel de diffusion sur le territoire national. Il était alors primordial de mettre en place une réponse rapide et spécifique en appliquant les mesures de contrôle et de gestion nécessaires pour limiter cette diffusion. En parallèle, il était nécessaire de documenter les caractéristiques des cas identifiés et les modes de transmission associés afin de faire avancer l’état des connaissances concernant ce variant émergent et potentiellement d’adapter les mesures de gestion autour des cas.
L’identification, l’isolement et le dépistage des contacts à risque des cas de SARS-CoV-2 représentent le levier principal à notre disposition pour limiter la circulation du virus et de ses variants. Dans le contexte de l’introduction d’un variant émergent, tel que le B.1.351, cette stratégie se devait d’être mise en place de la manière la plus réactive possible et dans un objectif d’exhaustivité. Les enquêtes réalisées avaient ainsi pour objectif principal d’identifier l’ensemble des personnes rencontrées en période de contagiosité des cas, dans leur sphère personnelle ou professionnelle (y compris scolaire), et de déterminer le niveau de risque des contacts (contact-tracing). Ces enquêtes étaient indispensables pour documenter les caractéristiques épidémiologiques de ces variants, permettre la mise en place des mesures de gestion adaptées au niveau de risque de chaque situation et limiter la diffusion de ce variant.
De nombreux acteurs ont ainsi été mobilisés pour réaliser les investigations, retracer les chaînes de transmission et mettre en place les mesures de contrôle et de gestion adaptées, au niveau individuel et collectif. Les équipes de contact-tracing des Caisses primaires de l’assurance maladie (CPAM) ont réalisé les premières investigations en ciblant principalement la sphère personnelle des cas. Les Agences régionales de santé (ARS), appuyées par les Cellules régionales de Santé publique France, ont conduit des investigations complémentaires, principalement auprès des collectivités identifiées comme à risque, afin que des mesures de contrôle et de gestion renforcées puissent être mises en place pour faire face à ce variant alors mal connu. Ces équipes ont travaillé en étroite collaboration avec les Equipes opérationnelles d’hygiène (EOH), chargées de l’analyse de risque et de la gestion au sein des centres hospitaliers, l’éducation nationale, partenaire indispensable pour la gestion du risque au sein des établissements scolaires, et la médecine du travail pour le milieu professionnel. Le lien était régulièrement fait avec les laboratoires en charge du diagnostic biologique des cas et de leurs contacts.
En complément des mesures de gestion mises en place habituellement autour des cas de SARS-CoV-2 et de leurs contacts à risque, des mesures renforcées ont été appliquées. Des équipes mobiles ont été sollicitées afin de proposer un dépistage à domicile d’une partie des contacts à risques et pour réaliser des campagnes de dépistage élargi dans les établissements scolaires et les entreprises concernés. Des campagnes de dépistage ont également été conduites en parallèle dans les centres hospitaliers identifiés.
Les cas et les contacts à risque que nous avons identifié résidaient dans différentes régions métropolitaines. Ceci a nécessité une coordination nationale pour la gestion de la situation.
Le contact-tracing est réalisé à une échelle départementale par les CPAM et à une échelle régionale par les ARS. Les Cellules régionales de Santé publique France, présentes au sein de chaque ARS, apportent quant à elles leur appui pour l’investigation de situations complexes, comme celle-ci. De par leur proximité avec les acteurs de terrain et leur organisation en réseau sur l’ensemble du territoire national, ces équipes ont permis de centraliser les informations recueillies dans chaque région et ainsi retracer les différentes chaînes de transmission au niveau national. Cette organisation spécifique de Santé publique France a permis de faciliter le lien avec les acteurs en première ligne de la gestion de l’épidémie de SARS-CoV-2 afin d’aboutir à une vision d’ensemble de la situation permettant de formuler des préconisations pour la gestion du risque.
L’implication d’acteurs possédant chacun une expertise propre – et une expertise de leur terrain – a permis de faciliter la gestion de cette situation complexe et de limiter la diffusion du variant B.1.351 sur le territoire à partir de ces cas importés. Cette pluridisciplinarité des acteurs de la santé publique représente une réelle valeur ajoutée pour la gestion de situations sanitaires à risque, dans toutes leurs dimensions. Le partage d’informations, du niveau local au niveau national, et la centralisation des données nécessaires à la description d’une situation complexe démontrent quant à elles les bénéfices d’un fonctionnement en réseaux.
Pour en savoir plus
1 The SARS-CoV-2 variant with lineage B.1.351 clusters investigation team. Linked transmission chains of imported SARS-CoV-2 variant B.1.351 across mainland France, January 2021. Euro Surveill. 2021;26(13):pii=2100333. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2021.26.13.2100333