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Epidémie de Mpox en France : caractéristiques épidémiologiques et comportement sexuel de cas de plus de 15 ans, 2022

Mpox outbreak in France: epidemiological characteristics and sexual behaviour of cases aged 15 years or older, 2022 [1]

Publié le 15 janvier 2024

Jusqu'en mai 2022, date de survenue de cas de mpox non liés à des voyages dans plusieurs pays d’Europe et en Amérique du nord, les cas de mpox acquis localement étaient rarement signalés en dehors de l'Afrique de l’Ouest et centrale où ce virus est endémique. Mpox est une maladie zoonotique causée par le virus mpox, partageant des caractéristiques génomiques et morphologiques avec le virus responsable de la variole. La transmission interhumaine se fait par contact étroit avec une personne infectée (par exemple, contact peau à peau ou sexuel ou avec les fluides biologiques) et occasionnellement par contacts avec des surfaces, objets ou tissus contaminés.

Au niveau mondial, le dernier bilan de l’OMS rapportait un total de 92 783 cas confirmés de mpox entre le début de l’épidémie et le 30 novembre 2023. Après une nette baisse du nombre de cas au niveau mondial depuis fin 2022, on observe une légère augmentation depuis juillet 2023. 
En France, alors qu’un total de 4 975 cas avait été déclarés durant l’année 2022, 48 cas l’ont été entre le 1er janvier et le 14 décembre 2023. Plus de 95 % des cas concernaient des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH).

Dès fin mai 2022, Santé publique France a mobilisé son dispositif Sexosafe pour alerter la population HSH et diffuser des messages de prévention ciblés à son attention. Dans le cadre d'un plan de communication gradué, deux campagnes portant sur le repérage des symptômes et la promotion de la vaccination ont été diffusées du 9 juin 2022 au 30 septembre 2022.

L’étude publiée ce mois-ci dans Eurosurveillance portant sur les cinq premiers mois de cette épidémie permet de décrire les cas de mpox et fournit, pour un sous-ensemble de cas d’hommes âgés de 15 ans et plus, des informations permettant de repérer les changements des profils de comportement sexuel à mesure que l'épidémie progressait. 

3 questions à : Catarina Krug, Direction des Régions, Emilie Chazelle, Direction des Maladies Infectieuses et Arnaud Tarantola, Direction des Régions

Visuel d'illustration

Lors de la détection des premiers cas au Royaume-Uni en mai 2022, le système de surveillance français est passé d'une déclaration obligatoire de routine des cas d’orthopoxvirose à une surveillance renforcée des cas de mpox. En quoi consiste cette surveillance renforcée et pourquoi a-t-elle été mise en place ?

En France, une surveillance renforcée de la mpox (anciennement variole du singe ou monkeypox) a été mise en place le 20 mai 2022, de façon concomitante au diagnostic du premier cas sur le territoire. Il fallait tout apprendre de cette maladie émergente, et le plus vite possible, pour guider la prise en charge et la prévention. Cette surveillance renforcée, s’appuyant sur une définition de cas et une conduite à tenir, a consisté à adosser à la déclaration obligatoire des orthopoxviroses (dont la mpox) une investigation épidémiologique de tous les cas à l’aide d’un questionnaire standardisé.

Les premiers cas détectés en Europe début mai 2022 étant survenus préférentiellement parmi des HSH, situation différente de celle connue dans les pays d’Afrique où la maladie est endémique. Les objectifs de cette investigation étaient multiples : préciser la présentation clinique des cas, les circonstances de contamination et notamment le type de lien entre un cas et son cas index (cas source), le profil des cas (sexe, âge, pratiques sexuelles, profession…) et détecter précocement une éventuelle diffusion de l’épidémie à d’autres groupes de population. Les éléments recueillis ont ainsi permis d’ajuster la définition de cas et la conduite à tenir, mais surtout, d’élaborer les messages de prévention, d’en définir les publics cibles ainsi que ceux de la vaccination préventive.

Il s’agissait d’établir le plan de communication comprenant des stratégies pour toucher les groupes particulièrement vulnérables. Les messages ont été relayés par les associations communautaires et par Santé publique France via le site Sexosafe, par l’affichage dans les lieux de sociabilité gays, la diffusion de messages sur les radios affinitaires, etc. Le questionnaire complété lors de l’investigation des cas permettait également d’identifier les contacts à risque des cas pour la réalisation du contact-tracing en région et l’orientation prioritaire pour une vaccination en post-exposition. Ce suivi a aussi permis de mieux documenter la transmissibilité suite à des contacts quotidiens (domicile, milieu éducatif, de soins).

En complément de l’investigation épidémiologique, le Centre national de référence (CNR) des orthopoxviroses a réalisé le séquençage des souches de certains cas pour déterminer le clade du virus monkeypox, pour surveiller l’apparition de nouvelles lignées ou sous-lignées du virus, pour rechercher l’apparition de mutations de résistance au traitement antiviral TECOVIRIMAT ou de mutations favorisant un échappement au vaccin anti-variolique proposé en prévention (ou post-exposition) de la mpox, ou encore en cas de suspicion de ré-infection ou de cluster.

L’évolution des profils démographiques et comportementaux des cas observés lors de votre étude, permet-elle d’émettre des hypothèses ? Ces observations peuvent-elles être mises en regard des mesures de gestion ? Des observations similaires ont-elles été faites au niveau européen ?

Les profils démographiques et comportementaux ont été étudiés parmi un sous-ensemble de 2 216 hommes (âgés de 15 ans ou plus) avec une date de début de symptômes de mpox entre mai et juillet 2022. Parmi ces hommes, 96 % ont déclaré avoir eu des relations sexuelles avec d'autres hommes. Nous avons constaté une diminution entre mai et juillet 2022 de la proportion de cas de mpox déclarés en Île-de-France (de 78 % à 37 %) et de celle déclarant avoir voyagé vers d'autres pays (de 43 % à 21 %) parmi la totalité des cas. Nous avons également constaté, durant cette période, une diminution du nombre médian de partenaires sexuels (4 à 2), de la proportion de cas fréquentant les lieux de convivialité des HSH (60 % à 46 %), et de la proportion d’hommes vivant avec le VIH (31 % à 22 %) parmi la totalité des cas. Enfin, nous avons observé une baisse de la proportion d‘usagers de la prophylaxie pré-exposition (77 % à 58 %) parmi les cas séronégatifs pour le VIH.

L’évolution des profils démographiques et comportementaux des cas observés lors de notre étude pourrait être interprétée comme une première circulation du virus monkeypox en Île-de-France en mai 2022, parmi une population HSH avec des risques élevés d'exposition et d'infection (nombreux contacts sexuels), suivie d’une propagation du virus à l’échelle nationale en juillet 2022, parmi une population HSH à risque moindre (nombre plus faible de contacts sexuels). Il est également probable que la population touchée par l’épidémie ait modifié son comportement et réduit son nombre de partenaires suite aux messages de prévention diffusés via des médias spécialisés et via les associations.

Cette modification de comportement des HSH en 2022 a été constatée par d’autres équipes à l’international, notamment aux Etats Unis (Clay et al 2023 ; Copen et al 2024 ; Delaney et al 2022 ; Phillips et al 2023). 

Les changements de comportement observés dans cette population constituent-ils des pistes pour d’autres actions de prévention ? Santé publique France réalise-t-elle d’autres études complémentaires permettant d’améliorer les connaissances sur les comportements de la population des HSH ?

La surveillance renforcée des cas de mpox a permis l’identification des populations les plus à risque d’être exposées au virus, comme les HSH et les travailleurs et travailleuses du sexe, et leur implication dans la lutte contre l'épidémie, via les associations communautaires ou de lutte contre le VIH. Les messages de prévention ciblés y compris ceux promouvant la vaccination, relayés notamment par les associations, ont favorisé le contrôle de l’épidémie de mpox en 2022. Les changements de comportements ainsi observés plaident pour une implication plus systématique des parties prenantes, notamment des associations, dans la lutte contre les épidémies, ainsi que pour un élargissement des cibles de communication au fur et à mesure de la diffusion d’une épidémie.

Suite à notre étude, l’édition 2023 de l’enquête « Rapport au sexe » (ERAS), menée auprès des HSH par Santé publique France en partenariat avec l’ANRS – Maladies infectieuses émergentes a inclus des questions sur les changements de comportement durant les premiers mois de l’épidémie de mpox en 2022. Les questions incluaient la réduction du nombre de partenaires sexuels et des partenaires sexuels anonymes, ainsi que la réduction de la fréquentation de lieux de convivialité des HSH. Les résultats apporteront des éléments pour mieux comprendre si l’évolution des profils démographiques et comportementaux des cas de mpox observés entre mai et juillet 2022 est plutôt due aux changements de comportement des HSH ayant beaucoup de contacts sexuels, qui peuvent avoir eu moins de partenaires sexuels pour réduire leur risque d'infection par le virus monkeypox - ou à la diffusion de l’épidémie vers des populations moins exposées.

En ce début 2024, alors que le nombre de cas mensuels déclarés en France est relativement faible, la surveillance par la déclaration obligatoire renforcée par l’investigation épidémiologique des cas (avec un questionnaire allégé) reste d’actualité. Elle est d’autant plus importante que sévit actuellement (suite à l’épidémie mondiale de clade IIb en 2022-2023) une importante épidémie à virus monkeypox de clade I -  habituellement considéré comme plus virulent que le clade II - en République Démocratique du Congo. Dans ce contexte, il est également demandé que tout prélèvement positif pour le virus monkeypox soit transmis au CNR des orthopoxviroses pour la détermination du clade, ceci afin de détecter précocement une éventuelle introduction en France d’une souche de virus monkeypox de clade I.

[1] Krug Catarina, Tarantola Arnaud, Chazelle Emilie, Fougère Erica, Velter Annie, Guinard Anne, Souares Yvan, Mercier Anna, François Céline, Hamdad Katia, Tan-Lhernould Laetitia, Balestier Anita, Lahbib Hana, Etien Nicolas, Bernillon Pascale, De Lauzun Virginie, Durand Julien, Fayad Myriam, Investigation Team, De Valk Henriette, Beck François, Che Didier, Coignard Bruno, Lot Florence, Mailles Alexandra. Mpox outbreak in France: epidemiological characteristics and sexual behaviour of cases aged 15 years or older, 2022. Euro Surveill. 2023;28(50):pii=2200923