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Prévalence du COVID long dans la population adulte générale selon différentes définitions et selon les caractéristiques de l’infection et sociodémographique. Une enquête nationale par sondage aléatoire à l'automne 2022.

Prevalence of long COVID in the general adult population according to different definitions and sociodemographic and infection characteristics. A nationwide random sampling survey in France in autumn 2022.

Publié le 7 mai 2024

Dès avril 2020, des sujets ayant été infectés par le SARS-CoV-2 ont rapporté des symptômes persistants et de nature très diverse d’une affection qualifiée de « COVID long ». Depuis, plusieurs définitions de cette affection ont été proposées, principalement basées sur les symptômes et le temps écoulé depuis l’infection.

En octobre 2021, l’OMS a proposé une définition de ce qu’elle a qualifié « d’affection post-COVID-19 ». Cette définition basée sur les symptômes a été établie par un groupe d’experts utilisant la méthodologie de consensus Delphi. Un large spectre de symptômes a été répertorié dans le cadre de cette expertise, allant de symptômes très courants (fatigue et essoufflement) à des symptômes plus spécifiques tels que troubles du goût et de l'odorat, ou non spécifiques tels que douleurs articulaires et troubles des règles.

Plusieurs autres définitions restent néanmoins utilisées dans les enquêtes en population, produisant des estimations de la prévalence du COVID long d’une grande variabilité, et compliquant d’autant les prises de décision en matière de santé publique.

Une première étude réalisée par Santé publique France en mars 2022 avait conduit à une estimation de la prévalence du COVID long de 4 % de la population générale française adulte. La deuxième étude qui vient de paraître [1] dans la revue Clinical Microbiology and Infection, réalisée en collaboration avec des équipes de l’Inserm et de l’AP-HP, a permis d’actualiser cette estimation et de préciser les principaux déterminants sociodémographiques de l’affection en prenant en compte plusieurs définitions et seuils de gravité, ainsi que la perception d'avoir eu un COVID long. Elle a été réalisée à l’automne 2022, après les grandes vagues d’infections par les variants omicron du SARS-CoV-2.

3 questions à Joël Coste, direction des maladies non transmissibles et traumatismes, Santé publique France

Visuel d'illustration

L’épidémiologie du COVID long est compliquée du fait de la multiplicité des définitions utilisées de par le monde. Dans votre étude, vous en avez utilisé plusieurs : pourquoi et quelles sont les leçons qu’elles apportent ?

Nous avons en effet repris la définition de l’affection post-COVID-19 de l’OMS, qui avait été utilisée dans la première étude réalisée début 2022, afin de pouvoir comparer la situation en France avant et après les grandes vagues d’infection de SARS-CoV-2 liées au variant omicron. Afin de comparer nos résultats avec ceux obtenus aux Royaume-Uni et aux États-Unis, nous avons aussi utilisé les définitions de ces deux pays. De plus, pour évaluer le fardeau du COVID long de manière plus précise, nous avons distingué plusieurs formes d’affection post-COVID-19 selon le niveau d’impact (fort, modéré, tout impact) des symptômes retenus sur les activités de la vie quotidienne. Enfin, nous avons demandé aux participants de l’enquête s’ils « pensaient avoir été atteints d’une forme longue du Covid-19 » (COVID long rapporté ou COVID long perçu).

La concordance des catégorisations issues des différentes définitions est apparue faible ou modérée, avec des coefficients Kappa (valant 0 en cas de concordance liée au seul hasard et 1 en cas de concordance parfaite) variant de 0,18 à 0,59. Par exemple, respectivement 47 % et 29 % des personnes qui réunissaient les critères des définitions américaines (National Centre for Health Statistics, US-NCHS) et anglaise (Office for National Statistics, UK-ONS) satisfaisaient aussi la définition de l’affection post-COVID-19 de l’OMS. De même, moins de la moitié (43 %) des personnes répondant à la définition de l’affection post-COVID-19 de l’OMS pensaient avoir été atteints du COVID long. Ces discordances, qui concernaient les deux sexes et toutes les classes d’âge, nous ont conduits à présenter les estimations de prévalence selon les différentes définitions utilisées jusqu’à présent dans les études populationnelles. La définition de l’affection post-COVID-19 de l’OMS nous présente l’avantage de pouvoir distinguer différents niveaux d’impact des symptômes sur les activités de la vie quotidienne.

Quelles sont vos conclusions concernant le fardeau du COVID long ? Avez-vous identifié des groupes les plus à risque de développer un COVID long ?

La prévalence de l’affection post-COVID-19, selon la définition de l’OMS, a été estimée à 4,0 % de la population adulte française et à 2,4 % et 1,2 % respectivement si l’on considère les formes avec impacts modérés et forts sur la vie quotidienne des personnes. Parmi les personnes atteintes d’affection post-COVID-19, 31 % l’étaient depuis plus de douze mois, et 22 % depuis plus de dix-huit mois. Par ailleurs, la prévalence du COVID long rapporté était de 7,1 %, et de 7,6 % et 13,4 % respectivement avec les définitions américaine et anglaise.

Elle était plus élevée chez les femmes (5,4 %) et plus faible chez les personnes âgées (2,2 % pour les plus de 65 ans et 1,7 % pour les plus de 75 ans) et chez les personnes vivant seules (2,5 %). Ces différences ont été observées pour toutes les définitions employées. Elles reflètent principalement une exposition au SARS-CoV-2 plus élevée chez les femmes et plus faible chez les personnes âgées et les personnes vivant seules.

Parmi les personnes ayant été infectées par le SARS-CoV-2 depuis plus de trois mois, la prévalence de l’affection post-COVID-19 selon la définition de l’OMS était de 8 %, variant de 5,3 % (hommes) à 10,2 % (femmes), 14,9 % (personnes demandeuses d’emploi) et 18,6 % (après une hospitalisation pour COVID-19) ; 21 % de ces personnes avaient été infectées à l’occasion de la vague du variant Delta et 53 % des vagues Omicron.

Si la prévalence de l’affection post-COVID-19 est restée de 4 % en population générale entre le début et la fin de 2022, la prévalence de l’affection post-COVID-19 calculée parmi les participants rapportant au moins une infection a, quant à elle, nettement baissé : de 30 % observés au début de l’année 2022 à 8 % en fin d’année. Les variants Omicron de 2022 (ou leur contexte de survenue chez des personnes ayant été vaccinées) ont en effet été associés, dans plusieurs études, à un risque d’affection post-COVID-19 plus faible que les variants antérieurs. Cela explique que la prévalence de Covid long en population générale soit restée stable (4 %), alors que la part de la population française ayant été infectée par le SARS-CoV-2 est passée de 13 % à 48 % du début à la fin de l’année 2022 (infections depuis plus de trois mois).

Qu’apportent ces nouvelles connaissances pour la prévention et la prise en charge de ces personnes ? En quoi la surveillance épidémiologique de cette affection se pose-t-elle ?

Nos analyses ont permis d’identifier des facteurs de risque de COVID long nombreux et variés, de nature démographique, sociale, professionnelle, pathologique (comorbidités), comportementale, perceptuelle et liés à l’infection par le SARS-CoV-2. Cette multiplicité des facteurs laisse penser que cette affection ne devrait pas seulement être considérée comme une complication directe de l'infection par le SARS-CoV-2, mais conçue et représentée dans un réseau large de facteurs contextuels, médicaux, psychologiques, professionnels et sociaux qui augmentent le risque individuel de COVID long, au-delà de l'infection par le coronavirus. Outre la vaccination et certains comportements protecteurs contre l'infection par le SARS-CoV-2, ces facteurs contextuels devraient être davantage pris en compte dans les stratégies visant à limiter le fardeau du COVID long en population.

Des analyses sont encore en cours pour préciser l’impact de l’affection sur la qualité de vie et identifier des groupes populationnels, qu’ils soient cliniques (identifiables par des symptômes particuliers) ou sociodémographiques à risque de dégradation sévère de la qualité de vie.

Malgré la stabilisation de la prévalence en France en 2022, la question de la surveillance épidémiologique du COVID long et notamment de l'affection post-COVID-19, se pose toujours bien qu’elle soit devenue difficile dans un contexte de forte diminution du recours aux tests d’infection au SARS-CoV-2. Les dernières estimations de prévalence obtenues aux États-Unis, qui ont poursuivi une surveillance mensuelle du COVID long, montrent que le phénomène n’est pas en voie de régression en ce début d’année 2024. La question d’un suivi ou d’une surveillance épidémiologique se pose particulièrement pour les formes prolongées (31 % des cas), et celles dont les symptômes ont un impact fort ou très fort sur les activités quotidiennes (30 %), et vraisemblablement sur les systèmes de soins et de protection sociale.

La définition de l’OMS de l’affection post-COVID-19

L’affection post-COVID-19 correspond à des personnes présentant les 4 critères suivants :

  • Des antécédents d’infection probable ou confirmée par le SARS-CoV-2, dans les trois mois après l’infection.
  • Des symptômes qui persistent depuis au moins deux mois.
  • Ces symptômes ne peuvent être expliqués par un autre diagnostic.
  • Ces symptômes ont généralement un impact sur les activités de la vie quotidienne.

En savoir plus : Soriano, J. B., S. Murthy, J. C. Marshall, P. Relan, and J. V. Diaz. 2022. "A clinical case definition of post-COVID-19 condition by a Delphi consensus." Lancet Infect Dis 22 (4):e102-e107. doi: 10.1016/s1473-3099(21)00703-9.

En savoir plus 

  • Le dossier COVID-19 (Santé publique France)
  • Les différentes définitions de COVID long :
    • Soriano, J. B., S. Murthy, J. C. Marshall, P. Relan, and J. V. Diaz. 2022. "A clinical case definition of post-COVID-19 condition by a Delphi consensus." Lancet Infect Dis 22 (4):e102-e107. doi: 10.1016/s1473-3099(21)00703-9.
    • Nehme, M., O. Braillard, G. Alcoba, S. Aebischer Perone, D. Courvoisier, F. Chappuis, and I. Guessous. 2021. "COVID-19 Symptoms: Longitudinal Evolution and Persistence in Outpatient Settings." Ann Intern Med 174 (5):723-725. doi: 10.7326/m20-5926.
    • Robineau, O., E. Wiernik, C. Lemogne, X. de Lamballerie, L. Ninove, H. Blanché, J. F. Deleuze, C. Ribet, S. Kab, M. Goldberg, G. Severi, M. Touvier, M. Zins, and F. Carrat. 2022. "Persistent symptoms after the first wave of COVID-19 in relation to SARS-CoV-2 serology and experience of acute symptoms: A nested survey in a population-based cohort." Lancet Reg Health Eur 17:100363. doi: 10.1016/j.lanepe.2022.100363.
  • La prévalence du COVID long aux États-Unis
  • Autres études de Santé publique France sur le Covid long :