L'évaluation rétrospective des expositions aux pesticides des travailleurs agricoles est une démarche nécessaire pour comprendre et établir des liens entre leurs activités tout le long de leur carrière et de potentielles pathologies graves telles les cancers ou les maladies neurodégénératives. Les outils fiables soutenus par une méthodologie précise et structurée sont peu nombreux. L'arsenic inorganique est considéré comme un cancérogène avéré pour l'homme par le Circ (Centre international de recherche sur le cancer) et au niveau de l'union européenne ; les principaux dérivés arsenicaux inorganiques utilisés en agriculture sont l'arséniate de plomb, l'arséniate de calcium et l'arsénite de soude. Ils ont une action fongicide et insecticide. L'arsénite de sodium a été particulièrement utilisé sur la vigne dans les traitements contre les maladies du bois. À travers la construction d'une matrice cultures expositions (MCE) vigne-pesticides arsenicaux, nous avons évalué l'utilisation des dérivés arsenicaux en viticulture en France métropolitaine et déterminé une prévalence d'usage de ceux-ci de 1945 à 2001, date de leur interdiction. Cette prévalence d'usage a permis une estimation de la prévalence d'exposition aux pesticides arsenicaux qui varie de 20 à 35% en viticulture pour les personnes présentes au sein des exploitations professionnelles de la vigne. Le croisement de cette MCE avec les recensements agricoles (RA) de 1979, 1988 et 2000 fournit un nombre d'exposés aux pesticides arsenicaux parmi les travailleurs viticoles pour chaque année du recensement, ainsi qu'un descriptif (âge, sexe, temps de travail etc.) de cette population. Nos travaux permettent d'estimer, que sur les périodes considérées, entre 60 000 et 100 000 personnes ont travaillé sur des exploitations agricoles utilisant des pesticides arsenicaux pour le traitement de la vigne. Ces personnes travaillaient dans des exploitations viticoles ayant utilisé, d'après la MCE vigne-pesticides arsenicaux, près de 15 kg d'arsenic en 1979, 18,4 kg en 1988 et 26,8 kg en 2000. Ces chiffres sont des quantités moyennes d'arsenic utilisées par exploitation et il est important de noter que l'augmentation de ces quantités n'est pas due à une augmentation de la dose par hectare mais à une surface moyenne de vigne par exploitation qui augmente : 4,2 ha en 1979, 5,3 ha en 1988 et 7,6 ha en 2000. À notre connaissance, il s'agit du premier travail fournissant des prévalences d'exposition aux pesticides arsenicaux et un descriptif des populations exposées, issus du croisement d'une MCE de dimension nationale avec les données du RA. De telles données permettent la mise en place d'une prévention secondaire et tertiaire ciblée sur la population identifiée, notamment pour éviter le développement ou l'aggravation de certains cancers induits par les dérivés arsenicaux et agir à un stade le plus précoce possible.
Auteur : Chaperon Laura, Spinosi Johan, Jezewski-Serra Delphine, El Yamani Mounia
Année de publication
: 2018
Pages : 28 p.