Introduction - La pandémie liée à la Covid-19 a exacerbé les inégalités sociales de santé. La fermeture des établissements scolaires et le premier confinement en France ont eu lieu entre mars et mai 2020. Aucune étude française n'a cependant ciblé spécifiquement l'impact des conditions de vie lors de ce confinement sur la santé mentale des enfants et des adolescents. L'objectif de cette étude était d'évaluer l'état émotionnel et la détresse psychologique chez les enfants de 9 à 18 ans durant et au décours du confinement en fonction de leur environnement et de leurs conditions de vie et d'habitat. Elle visait également à mesurer la résilience et les stratégies mises en place pour la préservation de leur bien-être. Cette étude offre la particularité d'avoir donné la parole aux enfants et aux adolescents, d'avoir pris en compte la diversité des situations sociales et d'avoir également été étendue à des jeunes pris en charge par la protection de l'enfance. Méthode - L'étude s'est déroulée par Web questionnaire entre le 9 juin 2020 et le 14 septembre 2020 via un questionnaire parent et un questionnaire enfant, comprenant des données sociodémographiques, sur les conditions de vie et sur l'impact du confinement. Il a été conçu par une équipe interdisciplinaire avec une attention soutenue à la mesure des inégalités sociales. La santé psychique a été évaluée par des outils psychométriques d'auto-évaluation. Les analyses bivariées ont été réalisées par des tests du Chi2, pour décrire la détresse et l'état émotionnel et par le test de Student ou d'une ANOVA pour décrire la résilience, par âge et par sexe, selon les conditions de vie, les caractéristiques des parents, et les activités. Résultats - Dans cette étude descriptive, 3 898 enfants et adolescents ont été inclus parmi lesquels 81 jeunes pris en charge par la protection de l'enfance. Les adolescents semblaient présenter une santé mentale plus impactée par rapport aux plus jeunes et les filles semblaient présenter une santé mentale plus impactée que les garçons pendant et au décours du confinement. Les facteurs associés à la détresse psychologique étaient les conditions de logement (être confiné en zone urbaine, dans un appartement ou une maison sans jardin, ne pas avoir accès à un extérieur dans le logement, occuper un logement sur-occupé et ne pas pouvoir s'isoler), les conditions économiques (difficultés financières et alimentaires, diminution des revenus suite à l'épidémie ou au confinement, période de chômage des parents, absence de connexion à Internet), les caractéristiques des parents (famille monoparentale, niveau d'étude inférieur ou égal au baccalauréat, parents ouvriers ou employés, nés à l'étranger, absence de soutien social). Un manque d'activités, une augmentation du temps passé sur les réseaux sociaux et les écrans, un sentiment d'être dépassé par rapport au travail scolaire, l'infection à la Covid-19 d'un proche et l'hospitalisation suite au Covid-19 étaient également liés à la détresse. De meilleures conditions de vie, une composition familiale biparentale, un niveau de diplôme élevé des parents, un soutien social et l'exercice d'activités pendant le confinement étaient au contraire associés à un score plus élevé de résilience. Conclusion - Le soutien financier aux familles monoparentales, le maintien des activités périscolaires, et les sorties régulières sont des éléments pouvant influer sur la santé mentale des enfants et des adolescents en période de confinement. L'accompagnement des jeunes dont un proche a été infecté ou hospitalisé des suites de la Covid-19 est à promouvoir, ainsi que les initiatives de diffusion d'une information accessible et adaptée aux parents et aux enfants sur la situation afin de préserver au mieux leur bien-être mental durant cette pandémie. Les politiques publiques pour promouvoir la résilience doivent intégrer des politiques sociales différenciées de lutte contre les inégalités sociales.
Auteur : Vandentorren Stéphanie, Khirredine Imane, Estevez Mégane, De Stefano Carla, Rezzoug Dalila, Oppenchaim Nicolas, Haag Pascale, Gensburger Sarah, Oui Anne, Delaville Emeline, Gindt-Ducros Agnès, Habran Enguerrand
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2021, n°. 8 - série Covid-19, p. 2-17