Des inspections diligentées par le Ministère de la santé de 2006 à 2008 ont constaté que les recommandations de stérilisation des porte-instruments rotatifs (PIR) entre chaque patient n'étaient pas respectées dans plusieurs cabinets dentaires des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) des établissements pénitentiaires. L'Institut de veille sanitaire (InVS) a été saisi en juillet 2008 d'une demande d'analyse du risque de transmission de virus hématogène dans ces conditions. D'autres enquêtes récentes suggérant par ailleurs que ces manquements n'étaient pas limités aux seules UCSA, l'évaluation de ce risque a aussi porté sur les cabinets dentaires de ville. L'Institut de veille sanitaire a réuni de septembre à décembre 2008 un groupe de travail associant plusieurs experts en chirurgie dentaire, en hygiène hospitalière, en épidémiologie des maladies infectieuses et en biostatistiques. Une approche par modélisation a été retenue pour évaluer la probabilité de transmission du VIH, du VHC ou du VHB lors d'une séance de soins dentaires. Celle-ci dépend de la probabilité de contamination du PIR au cours d'un soin, de la probabilité d'une transmission virale au cours d'un soin avec un PIR contaminé et réutilisé sans stérilisation, et de la proportion de sujets réceptifs pour le virus considéré. Les modèles multiplicatifs utilisés étaient basés sur des paramètres issus des données de la littérature ou déterminés à dire d'experts en l'absence de données publiées. Plusieurs scénarii ont pris en compte des probabilités de persistance de la contamination virale du PIR variables. Pour chacun des trois virus, et pour un scénario intermédiaire de décroissance progressive de la contamination virale, ont été calculés la probabilité d'avoir au moins un cas de transmission virale au sein d'une cohorte de 1 000 patients ayant fréquenté un cabinet dentaire au cours d'une année, et le nombre annuel de transmissions de chacun de ces virus dans la population générale, compte tenu du nombre de séances de soins dentaires réalisées chaque année en France. En population générale, le risque individuel moyen d'avoir contracté une infection suite à des soins dentaires en l'absence de stérilisation des PIR entre chaque patient est le plus faible pour le VIH à 1/420 millions et le plus élevé pour le VHB à 1/516 000. Le risque évalué en population carcérale est environ huit fois plus élevé. Etant donné le nombre important de séances réalisées en France chaque année, cette absence de stérilisation des PIR entre chaque patient, non conforme aux recommandations nationales, pourrait être à l'origine chaque année en population générale de moins de 1 contamination par le VIH, de moins de 2 contaminations par le VHC, et de près de 200 contaminations par le VHB. Le nombre de ces contaminations en population carcérale n'a pas pu être estimé faute de données d'activité disponibles. Le groupe de travail recommande donc le strict respect des précautions standard et des bonnes pratiques de stérilisation en odontostomatologie ainsi que le renforcement de la formation à l'hygiène des professionnels de la chirurgie dentaire. Des travaux de recherche devraient être promus pour consolider les bases des recommandations de traitement des instruments. La décision d'informer les patients ayant subi des séances de soins dentaires dans un cabinet ne respectant pas ces recommandations de stérilisation des PIR entre chaque patient ne devrait pas être systématique mais être prise au cas par cas, en tenant compte de cette évaluation et de la constatation éventuelle d'autres écarts aux bonnes pratiques. Compte tenu de la prévalence de ces virus et de leurs autres modes de transmission possibles, la découverte éventuelle d'une de ces infections chez une personne ayant subi des soins dentaires ne permettrait en rien d'affirmer, à elle seule, qu'elle est liée aux soins réalisés. (R.A.)
Auteur : Thiolet JM
Année de publication
: 2009
Pages : 37 p.