Trente ans après l'accident nucléaire de Tchernobyl, cet article fait le point sur les connaissances épidémiologiques concernant le cancer de la thyroïde. L'incidence de ce cancer a beaucoup augmenté ces 30 dernières années, en France et dans le monde. L'amélioration des pratiques diagnostiques est considérée comme l'explication principale de cette augmentation, et certains auteurs considèrent même qu'elle conduit à un important surdiagnostic. Par ailleurs, l'exposition aux rayonnements ionisants durant l'enfance, qu'ils soient externes (rayons X ou gamma) ou internes (incorporation d'iode-131), reste aujourd'hui le principal facteur de risque connu de ce cancer. Les retombées de l'accident nucléaire de Tchernobyl ont ainsi suscité beaucoup d'inquiétudes en France et en Europe, et l'exposition croissante aux rayonnements ionisants d'origine médicale ou dentaire est une source de préoccupation. Les études effectuées sur les populations vivant à proximité de la centrale de Tchernobyl au moment de l'accident ont livré des informations nouvelles sur l'épidémiologie de ce cancer, notamment sur l'impact de la contamination par de l'iode-131 durant l'enfance. Cependant, les études mises en place suite à l'accident de Fukushima montrent les difficultés d'estimer l'impact des retombées d'un accident nucléaire sur l'incidence du cancer thyroïdien dans le contexte d'un possible surdiagnostic. Il est important de réfléchir à une stratégie de recueil et de production d'information permettant d'estimer l'impact réel d'un accident nucléaire en termes de santé publique, dans l'éventualité d'un tel accident en Europe.
Auteur : Rogel A, Bernier MO, Motreff Y, Clero E, Pirard P, Laurier D
Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, 2016, n°. 11-12, p. 200-6