Le chrome peut exister dans des états d'oxydation allant de -2 à +6, mais se trouve le plus souvent dans les états d'oxydation trivalent (Cr III) et hexavalent (Cr VI). Ces deux formes (Cr III et Cr VI) sont les plus importantes car les autres formes sont instables et sont rapidement converties en Cr III qui est à son tour oxydé en Cr VI [1]. Le Cr VI est plus toxique que le Cr III par son potentiel oxydant élevé et le fait qu'il pénètre facilement les membranes biologiques. L'ensemble des composés du chrome VI sont classés par le Centre international de recherches contre le cancer (CIRC) comme cancérogène pour l'homme (groupe 1). Ils sont associés à une augmentation du risque de cancer du poumon chez les travailleurs de certaines industries et également aux cancers du nez et des sinus nasaux. Plusieurs dérivés de Cr VI comme le trioxyde de chrome ou les chromates de zinc sont également classés cancérogènes (groupe 1A) par l'Union européenne (CLP), mutagènes (classe 1B) et toxiques pour la reproduction (catégorie 1A) [2, 3]. En France, l'étude nationale nutrition santé (ENNS) avait permis d'estimer en population générale pour la première fois les niveaux d'imprégnation par le chrome total chez les adultes vivant en France continentale en 2006 et 2007. En 2011, le volet périnatal du programme national de biosurveillance (Elfe) avait permis de connaître les niveaux d'imprégnation par le chrome total chez les femmes enceintes françaises. Par ailleurs, des études françaises avaient permis d'étudier l'exposition professionnelle au chrome dans certaines industries [4, 5]. Toutefois, aucune étude jusqu'à présent n'avait mesuré le chrome total dans la population des enfants vivant en France. Les résultats acquis au travers de l'étude transversale Esteban (Étude de santé sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition) permettent ainsi de mesurer pour la première fois les niveaux d'imprégnation par le chrome total urinaire de la population des enfants vivant en France continentale âgée de 6 à 17 ans, et de fournir une nouvelle estimation de cette exposition pour les adultes jusqu'à 74 ans, entre avril 2014 et mars 2016. Le chrome était largement quantifié aussi bien chez les enfants (99,9%) que chez les adultes (97,7%). Les moyennes géométriques de chrome total urinaire étaient respectivement de 1,12 µg L-1 (1,11 µg g-1 de créatinine) et 0,58 μg L-1 (0,77 µg g-1 de créatinine) chez les enfants et les adultes. La recherche des déterminants de l'exposition avait montré chez les enfants une diminution des niveaux d'imprégnation avec l'âge (-18%), une tendance à l'augmentation avec la consommation de pains et leurs dérivés. Chez les adultes, la présence d'implants orthopédiques métalliques ainsi que la consommation de poissons augmentaient les niveaux d'imprégnation par le chrome total urinaire de respectivement 32% et 4%. Dans la population française en 2014-2016, les concentrations urinaires en chrome sont plus élevées que celles retrouvées dans les études en Europe. Les niveaux mesurés chez les adultes dans Esteban étaient plus élevés que ceux mesurés dans ENNS, 10 ans auparavant. Chez les enfants, Esteban a permis d'obtenir une première description de la concentration en chrome dans la population qui sera utile pour étudier les tendances temporelles lors de prochaines enquêtes de biosurveillance.
Auteur : Oleko Amivi, Fillol Clémence, Zeghnoun Abdelkrim, Saoudi Abdessattar, Gane Jessica
Année de publication
: 2021
Pages : 42 p.
Collection : Études et enquêtes