Les températures élevées sont identifiées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) comme l'un des risques climatiques les plus préoccupants en Europe, compte tenu de leurs effets sur la santé humaine et sur les écosystèmes. En France métropolitaine, les canicules sont les évènements climatiques extrêmes associés au fardeau humain le plus élevé, avec plus de 42 000 décès toutes causes en excès observés pendant ces évènements entre 1970 et 2022. En dehors des canicules, les températures chaudes, qui sont souvent perçues comme ne présentant pas d'enjeu pour la santé, posent pourtant également des risques importants. La chaleur ayant des effets multiples sur la santé, il n'est pas possible d'identifier en temps réel les décès attribuables à la chaleur, sur la base par exemple d'une cause de décès unique prédéfinie. Ce rapport présente une méthode permettant de quantifier, à partir de données historiques, chaque année, à l'échelle départementale, la fraction de la mortalité attribuable à la chaleur durant l'été (plus spécifiquement durant la période de surveillance du système d'alerte canicule et santé, du 1er juin au 15 septembre), afin de compléter les bilans ciblant spécifiquement l'estimation de la mortalité toutes causes durant les périodes de canicule. Des relations température-mortalité utilisables dans les départements français métropolitains ont été développées pour la période juin-septembre des années 2014-2022. Elles lient, dans chaque département, la température moyenne mesurée par une station de référence de Météo-France et la mortalité totale (tous âges et 75 ans et plus) enregistrée par l'Insee. Elles prennent en compte la saisonnalité et la tendance à long terme, ainsi que l'influence possible de la pandémie de COVID-19 (à compter de l'année 2020). Ces relations ont été ensuite utilisées pour estimer chaque année la fraction de la mortalité attribuable à la chaleur entre le 1er juin et le 15 septembre des années 2014-2022. La chaleur est définie ici comme une température supérieure à la médiane estivale de la distribution 2014-2022 des températures. Entre 2014 et 2022, sur l'ensemble des départements métropolitains, 32 658 décès [intervalle de confiance (IC) à 95 % = 29 612 : 34 975] sont attribuables à la chaleur entre le 1er juin et le 15 septembre de chaque année, dont 23 080 [IC 95 % = 21 076 : 24 556] décès de personnes âgées de 75 ans et plus. Vingt-huit pour cent de ces décès ont été observés pendant les canicules telles que définies par le plan de gestion des vagues de chaleur. Les impacts les plus importants ont été observés en 2022 (6 969 [6 277 : 7 445] décès en excès dont 29 % pendant les canicules), et 2019 (4 441 [4 086 : 4 717] décès en excès dont 42 % pendant les canicules) avec une hétérogénéité selon les territoires. L'impact était également supérieur à 4 000 décès en 2018 et 2020. Les résultats soulignent l'importance des impacts de la chaleur sur la mortalité depuis 2014. Environ deux tiers de l'impact concernent, comme attendu, majoritairement des personnes de 75 ans et plus, mais il est à noter qu'une part importante (soit un tiers) concerne des personnes de moins de 75 ans. Le focus des alertes sur les canicules se justifie par leur contribution au bilan total : en moyenne, 6 % des jours correspondant aux périodes de canicule totalisent 28 % de l'impact lié à la chaleur. L'organisation d'une réponse spécifique pendant les canicules est également nécessaire, compte tenu de leur potentiel de désorganisation massive et rapide du système de soins, comme cela a été observé en 2003. Il faut cependant compléter cette adaptation réactive pendant les évènements extrêmes par une adaptation structurelle et systémique à la chaleur pour réduire le risque pour la santé humaine tout au long de l'été.
Auteur : Pascal Mathilde, Wagner Vérène, Lagarrigue Robin, Casamatta Delphine, Pouey Jérôme, Vincent Nicolas, Boulanger Guillaume
Année de publication
: 2023
Pages : 35 p.
Collection : Données de surveillance