Introduction - Les inégalités sociales de santé représentent un enjeu majeur de santé publique. Dans le domaine du cancer, la littérature souligne des disparités sociales d'incidence et de mortalité. Cependant, aucune étude n'a encore analysé les inégalités sociales de survie sur un large échantillon de patients atteints d'un cancer en France. Objectif - Étudier l'influence de l'environnement social sur la survie des patients atteints d'un cancer, à partir des données du Réseau français des registres des cancers (Francim). Méthodes - Environ 210 000 cas de cancers diagnostiqués entre 2006 et 2009, enregistrés dans 21 registres et suivis jusqu'au 30 juin 2013 ont été inclus. L'environnement socioéconomique était mesuré par l'indice agrégé de défavorisation sociale européen (European Deprivation Index, EDI). L'analyse de la survie nette (i.e. survie qui s'affranchit des autres causes possibles de décès) s'est appuyée sur la méthode de Pohar-Perme et une modélisation flexible du taux de mortalité en excès. Résultats - La survie nette à 5 ans (standardisée sur l'âge) était moins bonne parmi les personnes habitant dans les zones les plus défavorisées, pour 14/16 tumeurs solides chez les hommes et 16/18 tumeurs solides chez les femmes, avec des écarts d'ampleur variable selon le cancer. Chez les hommes, la survie nette à 5 ans était diminuée chez les plus défavorisés de 6,4 points pour le cancer colorectal, 3 points pour le cancer de la prostate et 2,9 points pour le cancer du poumon. Chez les femmes, la survie nette à 5 ans était diminuée chez les plus défavorisées de 5,5 points pour le cancer colorectal, 5,1 points pour le cancer du sein et 3,6 points (non significatif) pour le cancer du poumon. Les résultats étaient plus nuancés pour les hémopathies malignes. Les modélisations ont confirmé un effet significatif de l'environnement social sur la survie pour toutes les tumeurs solides (sauf sarcomes et thyroïde), et pour les lymphomes de Hodgkin, quatre lymphomes non hodgkiniens et les syndromes myéloprolifératifs chroniques. L'excès de mortalité lié au cancer pouvait être jusqu'à deux fois supérieur chez les patients des zones les plus défavorisées par rapport aux patients des zones les moins défavorisées (ex : mélanome chez les hommes, leucémies lymphoïdes chroniques ou cancers des voies biliaires chez les femmes). Conclusion - Cette étude révèle un gradient social de survie unidirectionnel pour la quasi-totalité des cancers en France, avec une moins bonne survie chez les patients vivant dans les zones les plus défavorisées.
Auteur : Tron Laure, Belot Aurélien, Fauvernier Mathieu, Remontet Laurent, Bossard Nadine, Launay Ludivine, Bryere Joséphine, Monnereau Alain, Dejardin Olivier, Launoy Guy
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2021, n°. 5, p. 81-93