Rémy Slama
Directeur de recherche à l’Inserm, il dirige l’Institut thématique de santé publique et l’équipe d’épidémiologie environnementale de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm, CNRS, université Grenoble-Alpes). Il est docteur en épidémiologie de l'université Paris-Sud, polytechnicien et ingénieur agronome. Il a dirigé le conseil scientifique du programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens et est co-auteur d’un rapport pour le Parlement européen sur les effets et la réglementation de ces substances. Il est coauteur d’une centaine de publications scientifiques et du livre Le Mal du dehors, l’influence de l’environnement sur la santé (Quae, 2022). Il a reçu le Tony McMichael Award de l’International Society of Environmental Epidemiology.
« La recherche en santé environnementale s’intéresse aux causes plus lointaines [des] maladies, les causes des causes de décès, en quelque sorte. Elles prennent la forme de facteurs physiques, chimiques, comportementaux, sociaux et, encore à ce jour, infectieux, bien que ces derniers ne représentent plus la contribution principale. Tout cela forme l’exposome, une notion à laquelle réfléchissent les scientifiques depuis une quinzaine d’années. Il désigne l’ensemble des expositions environnementales que l’on subit depuis la conception jusqu’à la fin de la vie. » Rémy Slama.
Cette citation provient de son entretien exclusif La lutte contre le changement climatique constitue une opportunité d’améliorer la santé, à découvrir sur le site web du Collège de France avec le programme de ses enseignements, ainsi que sa biographie.
3 questions à Rémy Slama, épidémiologiste environnemental
Pouvez-vous nous définir le concept d’exposome ?
L’exposome désigne l’ensemble des facteurs d’origine essentiellement extérieure à l’organisme. Cela inclut les facteurs physiques (le bruit, la température), chimiques (métaux, bisphénols…), biologiques (virus, bactéries…), psychosociaux, voire comportementaux (alimentation).
Pourquoi est-il important d’investir collectivement ce concept ?
Des efforts colossaux ont été faits au cours des décennies passées pour caractériser le génome (l’ensemble du code génétique), qui est le pendant de l’exposome pour ce qui concerne les déterminants hérités de la santé. Ces efforts ont permis de mieux comprendre les mécanismes de certaines maladies. Ils ont aussi démontré, avec les études familiales, que pour de nombreuses maladies chroniques, les polymorphismes génétiques expliquent une part limitée de la variabilité du risque dans la population. Ceci laisse en négatif beaucoup de place pour les contributions d’origine extérieure - par exemple dans le cas du cancer du sein, le premier cancer en Europe en termes d’incidence. Il est donc temps de renforcer les efforts de recherche sur ces déterminants externes et comportementaux, rassemblés sous le concept d’exposome.
Qu’attendez-vous de ce cours précis au sein de votre enseignement ?
Un peu plus de 15 ans après la naissance du concept d’exposome, et une dizaine d’années après le début des premières grandes études européennes sur la question, dont le projet Helix, le cours fera le point sur ce que l’exposome et la recherche en santé environnementale peuvent raisonnablement promettre en termes de connaissances. Ce cours abordera les défis méthodologiques, encore nombreux - statistiques, liés notamment à la « malédiction de la dimension », et métrologiques.
Ce sera aussi l’occasion pour Clémence Fillol de Santé publique France de présenter de façon synthétique les résultats de l’enquête nationale de biosurveillance menée par Santé publique France, qui peut être vue comme la première grande caractérisation de l’exposome chimique de la population française. De tels résultats sont essentiels pour rendre visible cet exposome, et contribuer, avec les travaux sur le fardeau environnemental des maladies, à hiérarchiser les dangers sanitaires d’origine environnementale.
La Chaire de Santé publique
Créée en partenariat avec Santé publique France, la chaire de santé publique du collège de France est destinée à encourager l'excellence de la recherche et le débat intellectuel au meilleur niveau sur les questions de santé publique et particulièrement d’en rendre sensibles les enjeux contemporains, en France et dans le monde, auprès de la communauté médicale et scientifique, des décideurs et du grand public, par l’invitation sur la chaire d’une personnalité différente chaque année.