Les riverains de bassins industriels sont exposés à diverses nuisances environnementales : substances chimiques, nuisances sonores, olfactives ou visuelles. Etudier et surveiller l’impact sanitaire de ces nuisances revêt un enjeu majeur de santé publique, afin de mettre en place et adapter le cas échéant les mesures de gestion et de prévention pour protéger la santé des riverains de telles zones. Toutefois, les impacts de ces bassins industriels sur la santé des riverains sont aujourd’hui encore largement méconnus.
Santé publique France a dès lors proposé la mise en œuvre d’une étude visant à mieux connaitre les impacts des bassins industriels sur la santé. Cette étude a une portée nationale et se fonde en premier lieu sur l’identification et le regroupement de bassins industriels, en fonction de caractéristiques communes. Par la suite, les données concernant les caractéristiques des bassins ainsi regroupés seront croisées avec les données de santé des riverains de ces bassins renseignées dans les bases médico-administratives. Cette approche permet d’avoir des données représentatives du territoire et de la population française.
Le rapport publié aujourd’hui vise à décrire les bassins industriels identifiés en France. La méthode d’identification des bassins industriels est présentée, ainsi que les principales caractéristiques de chaque bassin (type d’industries, d’activités et rejets des ICPE - Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) et les bases de données utilisées.
Santé publique France, dans le cadre de ses missions de surveillance de la santé de la population, a été plusieurs fois sollicitée au niveau local. Mais en ne travaillant que sur un seul site (ou zone) industriel à chaque fois, les études se heurtent à un défaut de puissance statistique, c’est-à-dire que les effectifs de populations riveraines de telles zones ne sont pas assez importants pour pouvoir rendre des résultats épidémiologiques robustes et étudier l’impact d’une exposition d’une population à un site ou une zone industrielle.
Pour pallier cette difficulté, Santé publique France va proposer pour la première fois, la mise en œuvre, à l’échelle nationale, d’une étude écologique multicentrique autour des bassins industriels. Cette étude multicentrique nationale vise, pour avoir plus de puissance statistique, à considérer plusieurs bassins industriels répartis sur le territoire mais avec des caractéristiques communes en termes de substances rejetées ou d’activités polluantes.
Parallèlement, plusieurs indicateurs de santé des populations riveraines de ces bassins seront définis et recherchés dans les bases de données de santé existantes (bases médico-administratives telles que les remboursements de soins, les séjours hospitaliers).
En croisant les données environnementales récupérées et les données sanitaires disponibles à une même échelle géographique, Santé publique France souhaite pouvoir étudier, pour la première fois en France, l’impact sanitaire national des bassins industriels et mettre en œuvre par la suite un système de surveillance sanitaire multicentrique en répétant cette étude nationale.
La mise en œuvre de cette étude écologique nationale multicentrique nécessite des étapes préalables dont la description des données disponibles au niveau environnemental.
Ce rapport décrit les bassins industriels identifiés par Santé publique France en utilisant les données économiques, industrielles et environnementales disponibles (activités économiques déclarées, informations réglementaires disponibles pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et données de rejets notifiés dans le Registre des émission polluantes IREP).
Ce travail a permis de décrire 52 bassins industriels en France y compris l’Outre-Mer identifiés qui constituent des zones de forte densité industrielle avec des activités et des substances rejetées variées. Ils représentent 8% des ICPE à autorisation ou enregistrement en France, en 2016 et ne sont donc pas représentatifs de toute l’activité industrielle en France qui reste dispersée.
La majorité des 52 bassins industriels identifiés se situe dans des territoires urbains ou péri-urbains, quelques-uns se trouvent dans un territoire plus rural. Les bassins se trouvant autour de très grandes agglomérations présentent de gros effectifs d’ICPE sur des territoires mixtes imbriqués (industriel et résidentiel). Au final, l’industrie manufacturière représente dans ces bassins, un peu plus du tiers des activités industrielles, via des activités relatives à la chimie, la métallurgie ou l’agroalimentaire. Les activités de collecte, tri des déchets sont aussi présentes dans l’ensemble des grands bassins identifiés.
S’il y a une très grande variété d’activités au sein de chaque bassin, pour certains, une activité peut prédominer. Ce travail est indispensable pour bien définir les données actuellement disponibles pour caractériser l’environnement des bassins industriels.
La prochaine étape consiste en la définition d’une typologie des bassins, c’est-à-dire la recherche de critères d’homogénéité en lien avec les caractéristiques environnementales des bassins (comme les activités, les rejets…) permettant de regrouper, dans la mesure du possible, les bassins aux caractéristiques communes. L’objectif sera ensuite d’identifier des indicateurs de santé spécifiques à étudier au regard de l’exposition à ces groupes de bassins.
Un protocole d’étude est prévu pour publication fin de l’année 2025. L’étude épidémiologique multicentrique de type écologique sera initiée en 2026. A l’issue de l’étude, il sera possible de répondre à la pertinence de poursuivre une surveillance et de définir plus précisément les modalités de mise en œuvre.
Au côté de cette étude à visée nationale, d’autres études peuvent être conduites localement par Santé publique France à la demande des autorités autour des bassins industriels de Lacq, Florange ou Thann (dans le cadre de l’étude Esspol) dont les objectifs et la méthodologie suivie diffèrent. En effet, ces études interrogent directement les populations, afin de recueillir des données individuelles de santé sur des symptômes ou pathologies qui ne sont pas forcément enregistrées dans une base de données médico-administratives.
Santé publique France, en parallèle de la conduite de cette étude multicentrique, a été lauréat du premier appel à projets conjoint du Green Data For Health (GD4H) et du Health Data Hub (HDH) sur le croisement des données environnementales et sanitaires. Dans ce cadre, une étude nommée Bassins industriels et Santé (BIS) va être réalisée, en partenariat avec l’Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) autour de grands bassins industriels définis par une forte densité d’ICPE avec un statut relevant des directives IED (Directive européenne relative aux Emissions Industrielles) ou Seveso. Plusieurs indicateurs de santé seront étudiés : asthme de l'enfant, mortalité toutes causes, incidence des maladies, obstructives des voies respiratoires (adultes), ainsi que deux indicateurs de périnatalité (prématurité et petit poids pour l’âge gestationnel).
Les premiers résultats seront disponibles à partir du 2nd trimestre 2025. L’étude BIS permettra également d’apporter des éléments et d’affiner la méthodologie qui sera appliquée pour la poursuite des travaux sur l’ensemble des bassins industriels français.