Analyse sociologique des expériences de la séropositivité au VIH à partir d'une enquête longitudinale qualitative auprès d'hommes homosexuels

Publié le 30 novembre 2021
Mis à jour le 2 février 2022

Introduction - La fin des années 2000 est marquée par un tournant important dans la gestion du VIH : les personnes séropositives sous traitement antirétroviral efficace dont la charge virale est biologiquement indétectable ne transmettent plus le virus. Ces avancées sont à l'origine du questionnement de départ de la recherche : que reste-t-il du stigmate social associé au VIH ? Pour des personnes récemment infectées, l'atteinte, ou la perspective de l'atteinte d'une charge virale indétectable permet-elle la disparition des expériences subjectives de honte et/ou de stigmatisation décrites jusqu'alors dans les travaux de sociologie, et plus largement dans les données de santé publique ? Matériel et méthodes - Cet article présente les principaux résultats d'une recherche sociologique sur les expériences de la séropositivité au VIH d'hommes homosexuels. Une enquête longitudinale qualitative conduite durant les deux premières années suivant le diagnostic médical, mêle des entretiens biographiques (n=35) répétés avec ces hommes et des observations multi-situées au sein des différents espaces qu'ils fréquentent et traversent (SMIT, associations liées au VIH-sida et/ou LGBT, espaces de sociabilités, sphères privées amicale, familiale et liée au couple). Résultats - La séropositivité au VIH fait l'objet d'une socialisation spécifique, marquée par un processus de disqualification et de déclassement de l'homosexualité et des modes de vie associés. La mise en indétectabilité biologique du virus du VIH dans les corps ne produit pas la disparition des expériences subjectives de honte et/ou de stigmatisation. Discussion-conclusion - Si les traitements et les outils de mesure permettent de rendre le VIH indétectable au niveau biologique, le diagnostic toutefois, réactualise, réactive, ou fait émerger un questionnement moral sur l'homosexualité. Le stigmate du VIH semble d'autant plus lourd à porter dans un contexte de responsabilisation et de culpabilisation des hommes homosexuels largement avertis des risques d'infection, et soumis à l'injonction d'un devoir de précaution, et in fine de santé. Les trajectoires biographiques plurielles des hommes homosexuels sont affectées par la séropositivité. Pour les hommes les moins dotés en ressources (économiques, culturelles, sociales), l'expérience de la séropositivité a tendance à accroître l'isolement et à générer une réactivation de dispositions homophobes.

Auteur : Perez Mélanie
Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2021, n°. 20-21, p. 412-422