Introduction : souvent considéré comme l'apanage du sujet âgé, notamment chez la femme, l'accident vasculaire cérébral (AVC) frappe également les jeunes, et le neurologue est confronté de plus en plus fréquemment à ce problème dans sa pratique quotidienne. L'objectif de cette étude était d'analyser les tendances évolutives de l'incidence et du pronostic des AVC chez les personnes de moins de 55 ans, par sexe, ainsi que les causes des infarctus cérébraux dans cette tranche d'âge. Méthodes : tous les cas d'AVC (infarctus cérébraux, hémorragies intracérébrales et AVC indéterminés) domiciliés à Dijon ont été recensés prospectivement de 1985 à 2011 dans le Registre dijonnais des AVC. Les taux d'incidence chez les sujets de moins de 55 ans ont été calculés par sexe et les variations temporelles ont été analysées à l'aide d'une régression de Poisson permettant d'estimer des ratios de taux d'incidence (IRR). La survie à 3 mois a été analysée par courbes de Kaplan-Meier. Enfin, la distribution des causes d'infarctus cérébraux a été classée selon la classification TOAST. Résultats : 4 506 patients présentant un premier AVC ont été enregistrés, dont 453 (10,1%) étaient âgés de moins de 55 ans (215 femmes et 238 hommes). Parmi ces cas jeunes, 375 (82,7%) étaient des infarctus cérébraux, 74 (16,3%) des hémorragies intracérébrales et 3 (0,9%) étaient indéterminés. La proportion des jeunes au sein de l'ensemble des AVC était de 9% en 1985-1993, 9% en 1994-2002 et 11,8% en 2003-2011. L'incidence annuelle des AVC chez les moins de 55 ans était de 13,7/100 000 chez la femme et 16,1/100 000 chez l'homme. L'incidence augmentait dans le temps avec la même magnitude dans les deux sexes. Cette augmentation s'explique par une hausse de l'incidence des infarctus cérébraux (IRR : 1,308 ; IC95%: [0,982-1,741] ; p=0,066 pour la période 1994-2002 et IRR : 2,220 ; IC95%: [1,710-2,881] ; p>0,001 pour la période 2003-2011 comparées à la période de référence 1985-1993). Une amélioration de la survie à 3 mois est notée avec le temps chez la femme (85,2% en 1985-1993, 96,8% en 1994-2002 et 96,8% en 2003-2011) comme chez l'homme (85% en 1985-1993, 94% en 1994-2002 et 96,5% en 2003-2011) (>0,001 pour la tendance linéaire). Enfin, concernant l'étiologie des infarctus cérébraux, aucune cause n'était retrouvée dans un tiers des cas ; les causes diverses étaient les plus fréquentes (22%), incluant les dissections artérielles cervicales, qui représentaient 13,3% des cas. Conclusion : l'AVC n'est pas rare chez la personne jeune et son incidence a augmenté de manière similaire chez la femme et l'homme. Une prévention primaire vasculaire est nécessaire dès le plus jeune âge, passant par une information et une éducation accrues de la population. Les progrès de la prise en charge des patients ont conduit à une amélioration de la survie dans les deux sexes. Enfin, la cause de l'infarctus cérébral du jeune reste inconnue dans une forte proportion des cas.
Auteur : Bejot Y, Legris N, Daumas A, Sensenbrenner B, Daubail B, Durier J, Giroud M
Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, 2016, n°. 7-8, p. 118-25