L'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, survenu le 15 avril 2019, a entraîné une large pollution environnementale au plomb à la suite de la combustion de la toiture et de la flèche de l'édifice. Dans les semaines suivant l'incendie, des prélèvements environnementaux ont été réalisés pour cartographier les retombées de plomb et guider les investigations sanitaires. Un dispositif de surveillance sanitaire renforcé a été mis en place et des mesures de prévention et de gestion ont été recommandées par l'Âgence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France. À la suite des recommandations de dépistage du saturnisme émises par l'ARS, une surveillance des plombémies de l'enfant a été réalisée dès le mois de juin 2019 par Santé publique France Île-de-France, avec le Centre Antipoison et de Toxicovigilance (CAPTV) de Paris. Les données de la base " 3 labos " de Santé publique France et celles de la base régionale du Système national de surveillance des plombémies chez l'enfant (SNSPE) du CAPTV d'Île-de-France ont été utilisées pour décrire l'activité de dépistage et ses résultats. Les objectifs de ce bilan sont de décrire l'activité de dépistage sur la période du 15 avril au 31 décembre 2019, les niveaux de plomb sanguin des enfants dépistés, le nombre de cas de saturnisme infantile et les sources d'intoxication identifiées pour les enfants atteints de saturnisme. L'activité de dépistage du saturnisme infantile a nettement augmenté dans le centre de Paris entre juin et octobre 2019. Ainsi 1 222 enfants de 0 à 17 ans ont été dépistés entre le 15 avril et 31 décembre 2019 dans les 1er, 4e, 5e, 6e et 7e arrondissements concernés par les recommandations de dépistage. Le nombre d'enfants testés pour la première fois était 50 fois plus élevé que celui enregistré annuellement sur la période de 2015 à 2018 dans ces arrondissements par le SNSPE. La participation au dépistage chez les enfants de 0 à 6 ans était de 82% (n=38) parmi ceux résidant sur l'Île de la Cité et de 34% (n=355) parmi ceux résidant dans le périmètre de recommandation du dépistage. Parmi les 1 222 enfants dépistés autour de Notre-Dame, 13 (1,5%) présentaient une plombémie supérieure à 50 µg/L. La moyenne géométrique des plombémies était de 13,3 µg/L (IC 95%= [12,8 ; 13,8]) chez les enfants âgés de 0 à 6 ans et de 11,2 µg/L (IC 95%= 10,6 ; 11,7) chez les enfants âgés de 7 à 17 ans. La moyenne géométrique des plombémies variait peu entre les arrondissements. La proportion de plombémies supérieures ou égales à 25 µg/L, chez les enfants de 0 à 6 ans, était la plus élevée dans le 4e et le 6e arrondissement. La moyenne géométrique des plombémies et la proportion de plombémies supérieures ou égales à 25 µg/L n'étaient pas significativement différentes à l'intérieur et à l'extérieur du périmètre de recommandation du dépistage. Les niveaux d'imprégnation des enfants dépistés autour de Notre-Dame étaient proches de ceux estimés en population générale chez les enfants de moins de 7 ans dans l'étude Saturn-Inf en 2009 et chez les enfants âgés de 6 à 10 ans dans l'étude Esteban en 2014-2016. Les plombémies étaient en revanche plus faibles que celles des enfants dépistés de 2015 à 2018 sur Paris. Les enquêtes environnementales menées autour des 13 cas de saturnisme n'ont pas permis d'exclure une exposition liée avec l'incendie, mais ont révélé, pour la totalité des enfants, une exposition à au moins une source indépendante de l'incendie. Les sources de plomb identifiées sont celles retrouvées habituellement dans l'habitat ancien parisien avec une fréquence élevée de revêtements en plomb laminé sur les balcons ou terrasses des logements (10/13 cas). Les différentes sources d'exposition au plomb ont été détectées dans le logement pour 12 enfants, à l'école pour 2 enfants et sur la voierie pour un enfant. Ces résultats suggèrent que l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris n'a pas été associé dans le temps et dans l'espace à une augmentation de la plombémie chez les enfants dans le périmètre de fortes retombées de poussières de plomb. L'identification de 13 cas de saturnisme incite, en revanche, à renforcer la mobilisation des professionnels de santé au dépistage du saturnisme dans l'ensemble des quartiers de Paris, en plus des zones habituellement concernées par l'habitat dégradé, et à informer les familles et propriétaires bailleurs sur Paris des risques liés aux revêtements en plomb laminé ainsi que des méthodes de recouvrement pour prévenir de nouvelles intoxications. Enfin la persistance de sources dans l'habitat ancien parisien dégradé ou non, et la connaissance d'effets démontrés du plomb à faible dose, encouragent aussi à poursuivre les efforts de réduction des expositions.
Auteur : Etchevers Anne
Année de publication
: 2021
Pages : 29 p.
Collection : Études et enquêtes