Le dispositif « Santé Post Incendie 76 » comporte quatre études et s’intéresse à un ensemble d’effets sur la santé. Les résultats principaux, publiés ce jour, soulignent que des effets à court terme principalement de type irritatif et psychologique ont été observés chez la population riveraine et les travailleurs à la suite de l’incendie. Un effet négatif sur la santé psychologique est en effet observé, encore un an après l’événement, chez les personnes présentes dans la zone exposée. Santé publique France propose de mettre en place, sur plusieurs années, une surveillance épidémiologique de la santé de la population riveraine et des travailleurs potentiellement exposés, via le Système National des Données de Santé. Par ailleurs et d’après l’analyse des données environnementales disponibles, conduire une enquête de biosurveillance n’apporterait pas d’éléments supplémentaires à la surveillance épidémiologique proposée et aux mesures de gestion de réduction de l’exposition de la population mises en place suite à l’incendie.
Une première étude analysant la perception de l’incendie par la population et l’impact sur sa santé
Mise en place après l’accident, l’enquête intitulée « Une étude à l’écoute de votre santé » permet de décrire les expositions et les symptômes perçus par la population pendant l’incendie, ainsi que son recours aux soins, ses comportements et attitudes. Cette étude par questionnaire complète les informations de la surveillance post-accidentelle immédiate mise en place à partir des données de recours aux soins d’urgence, durant le mois qui a suivi l’accident. Le second objectif est d’étudier l’impact de l’évènement sur la santé perçue par la population, un an après l’incendie. L’étude a été co-construite avec des représentants de la société civile et des élus de la Seine Maritime, dans le cadre d’une démarche participative menée pendant un an et demi. Elle a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif d’habitants de 122 communes de la Seine-Maritime concernées par l’accident : soit 3 764 adultes et 1 029 enfants ainsi que 1 015 adultes et 208 enfants d’une zone témoin située au Havre et ses environs, à partir d’une base de donnée de l’INSEE.
Les premiers résultats montrent que :
- Plus de 90% de la population étudiée déclare avoir perçu au moins une exposition à cet accident industriel (bruits, flammes, panache de fumées noires, odeurs, dépôts de suies, etc.).
- 86% de la population ont ressenti des odeurs, perception qui a souvent duré longtemps et été vécue comme gênante ou très gênante.
- 60% des habitants de la zone exposée, adultes et enfants, ont rapporté au moins un symptôme ou problème de santé qu’ils ont attribué à l’incendie. Il s’agissait principalement de symptômes psychologiques (stress, anxiété, angoisse, panique), oto-rhino-laryngologiques (picotement des narines, de la gorge, écoulement et obstruction nasale), généraux (céphalée, malaise, fatigue), oculaires (larmoiement, rougeur conjonctivale), respiratoires (toux, dyspnée, plus rarement crise d’asthme) et de troubles du sommeil.
La perception des nuisances générées par l’incendie a eu un effet négatif sur la santé perçue des personnes exposées, mesurée un an après l’événement. Cette altération est principalement due à un impact sur la santé psychologique et cette observation est cohérente avec la littérature épidémiologique traitant des événements accidentels similaires. Elle est plus importante chez les personnes qui ont ressenti plusieurs nuisances et pollutions accidentelles et chez les personnes qui ont perçu longtemps les odeurs émises pendant et après l’incendie. Le volet complémentaire de l’étude consacré à la santé mentale, dont les analyses seront disponibles au premier trimestre 2022, permettra d’évaluer précisément l’impact de l’accident sur l’anxiété, la dépression et le stress post-traumatique.
Proposition de suivi de l’impact de l’accident sur la santé des travailleurs exposés
Santé publique France s’est également intéressée à la santé des travailleurs (salariés des deux sites industriels sinistrés, professionnels intervenus lors de l’accident et employés d’autres entreprises qui ont été exposés aux nuisances générées par l'incendie). Le Groupe d’alerte en santé travail (Gast) de la région Normandie a été chargé d’évaluer l’opportunité et le cas échéant de proposer une stratégie de surveillance des travailleurs exposés aux émissions de l’incendie et à ses conséquences sanitaires dans le temps, en plus de la surveillance déjà effectuée par les services de santé au travail jusqu’à présent.
Les principaux résultats montrent que :
- certains travailleurs, en particulier les intervenants sur site mais aussi certains travailleurs présents sous le panache de fumées, ont été exposés à la pollution émise par l’incendie ;
- les symptômes à court terme observés et remontés par les médecins du travail étaient principalement de type irritatif, similaires à ceux décrits en population générale et habituellement observés dans le cadre d’exposition à des fumées d’incendie.
Au regard de ces éléments, le Gast Normandie propose d’inscrire les conditions d’exposition à l’incendie dans les dossiers médicaux en santé au travail et qu’une surveillance épidémiologique soit réalisée en l’intégrant à celle mise en place en population générale à partir du système national des données de santé (SNDS).
Un suivi renforcé des potentiels effets sanitaires à moyen et long terme
Une surveillance épidémiologique renforcée est mise en place afin de détecter et dénombrer des événements de santé dont la survenue, à distance de l’accident, pourrait être considérée comme reliée aux conséquences de l’incendie, et à suivre l’évolution dans le temps de leur fréquence. Elle repose sur le Système national des données de santé (SNDS), qui couvre tout le territoire national et compile des données exhaustives (recours aux soins, hospitalisations et causes de décès), quelle que soit la pathologie. Cela permet de suivre dans le temps, l’état de santé des personnes qui résidaient dans la zone impactée au moment de l’accident, même si elles déménagent. Cette surveillance permet également de repérer tout signal d’évolution de tendance par rapport à la population générale et ainsi de déclencher le cas échéant des investigations ciblées. C’est la première fois, qu’une surveillance épidémiologique s’appuie de manière aussi importante sur le SNDS pour surveiller une zone spécifique (et non administrative), impactée par une catastrophe. Elle pourra être adaptée à d’autres situations à l’avenir.
Une enquête de biosurveillance est-elle pertinente ?
Santé publique France a étudié la pertinence de mettre en place une étude de biosurveillance en population générale pour caractériser les expositions consécutives aux émissions de l’incendie à partir de prélèvements biologiques.
En mesurant la présence de substances chimiques dans l'organisme, une telle étude aurait pour finalité de proposer des mesures de réduction des expositions aux substances émises, complémentaires à celles mises en œuvre au décours de l’incendie.
L’analyse complémentaire des données environnementales conduite par Santé publique France converge avec les conclusions des différents intervenants et opérateurs impliqués. En l’état actuel des connaissances, aucun élément ne permet de conclure à l’observation d’une contamination apportée par l’incendie différentiable d’une pollution industrielle historique. Aucun élément objectif n’apparaît donc en faveur d’une surexposition des populations riveraines aux substances identifiées. Dans ce contexte, conduire une enquête de biosurveillance n’apporterait pas d’éléments supplémentaires à la surveillance épidémiologique renforcée via le SNDS et aux mesures de gestion de réduction de l’exposition de la population mises en œuvre suite à l’incendie.