Une mortalité en excès jusqu’à 9 fois plus élevée parmi les immigrés
Avant la pandémie de COVID-19, au cours des années 2016 à 2019, les taux de mortalité des populations immigrées (mis à part celles originaires d’Europe de l’Est) étaient inférieurs à ceux de la population née en France (voir figure 1). Ce phénomène est observé en temps normal dans les grands pays d’immigration à travers le monde2. Lors de la première vague épidémique du printemps 2020, la mortalité en excès des populations immigrées a été beaucoup plus importante que celle des personnes nées en France.
L’écart est visible à 70 ans et plus, et il est encore plus prononcé entre 40 et 69 ans. À titre d’exemple, au sein de la tranche d’âge 40-69 ans, les taux de mortalité en excès étaient, dans les régions les plus touchées par la pandémie (Grand-Est et Ile-de-France), 8 à 9 fois plus élevés pour les immigrés d’Afrique sub-Saharienne et 3 à 4 fois pour ceux originaires d’Afrique du nord, d’Amérique et d’Asie ou d’Océanie que pour les populations nées en France. Du fait de cette inégalité dans la hausse des décès en ce début de pandémie, les niveaux de mortalité globale des immigrés nés en dehors d’Europe, habituellement inférieurs à ceux des personnes nées en France, se sont situés bien au-dessus pendant la première vague. L’impact de cette première vague épidémique de COVID-19 a donc entraîné pour ces groupes de populations un bouleversement inédit de leur profil de mortalité habituel.
Des facteurs explicatifs multiples
Au cours de la première vague de COVID-19, le confinement strict mis en place par les autorités a permis de contenir l’impact de la pandémie sur le système de soins, en termes d’hospitalisations et de mortalité.
Cependant, cette période s’est aussi accompagnée d’écarts importants d’exposition au virus entre populations. Dans ce contexte, les facteurs explicatifs de la vulnérabilité spécifique des populations immigrées, et de l’ampleur des écarts de mortalité en excès avant 70 ans, pourraient être multiples et cumulatifs, renvoyant aux inégalités sociales de santé dues :
- à l’environnement et aux conditions de vie (densité des communes de résidence, densité au sein du foyer) et de travail (emplois « essentiels », non-télétravaillables, déplacements en transports collectifs), à l’origine d’un surcroît de risque de contamination, et ;
- à des difficultés de recours aux soins et de prise en charge dans un contexte de saturation des hôpitaux.
En cas de nouvelle pandémie, les résultats de cette étude appellent à porter une attention particulière aux conditions de vie des populations, et à la prévention, l’accès au système de soins et la prise en charge des plus vulnérables.
Données : Décès : données provisoires issues des avis de décès (Bulletin B7 bis) diffusées par l’INSEE
Pour en savoir plus :
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Cet article a été publié dans une revue scientifique référencée par les instances d’évaluation.
À propos de l’Ined :
L’Institut national d’études démographiques (Ined) est un organisme public de recherche spécialisé dans l’étude des populations, partenaire du monde universitaire et de la recherche aux niveaux national et international. L’institut a pour missions d’étudier les populations de la France et des pays étrangers, de diffuser largement les connaissances produites et d’apporter son concours à la formation à la recherche et par la recherche. Par une approche ouverte de la démographie, il mobilise un large éventail de disciplines comme l’économie, l’histoire, la géographie, la sociologie, l’anthropologie, la statistique, la biologie, l’épidémiologie. Fort de ses 10 unités de recherche et 2 unités mixtes de service, il encourage les échanges et conduit de nombreux projets de recherche européens ou internationaux.
À propos de l’Inserm :
Créé en 1964, l’Inserm est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle du ministère de la Santé et du ministère de la Recherche. Dédié à la recherche biologique, médicale et à la santé humaine, il se positionne sur l’ensemble du parcours allant du laboratoire de recherche au lit du patient. Sur la scène internationale, il est le partenaire des plus grandes institutions engagées dans les défis et progrès scientifiques de ces domaines.
À propos de Santé publique France :
Santé publique France répond au besoin de disposer, en France d’un centre de référence et d’expertise en santé publique. Fondée sur le continuum entre la connaissance et l’intervention, notre mission est d’améliorer et de protéger la santé des populations. Notre action intègre sur le long terme les grands enjeux de santé publique, dans les champs de la protection contre les menaces (notamment risques infectieux, risques environnementaux...) d'une part et de l'amélioration de la santé (déterminants de santé, prévention, promotion de la santé et réduction du fardeau des maladies chroniques, inégalités sociales et territoriales…) d'autre part. Santé Publique France est un établissement public sous la tutelle du Ministère de la Santé et de la Prévention.
[1] Myriam KHLAT (Ined), Walid GHOSN (Inserm), Michel GUILLOT (Ined | University of Pennsylvania), Stéphanie VANDENTORREN (Santé publique France), DcCOVMIG Research Team
[2] La plus faible mortalité de nombreuses populations immigrées est inattendue compte tenu de leur situation économique défavorisée. L’explication majeure avancée dans la littérature scientifique est que les personnes qui migrent sont globalement en meilleure santé que l’ensemble de leur population d’origine, et même souvent en meilleure santé que la population de leur pays d’accueil, du moins au moment de leur arrivée. Ce processus de sélection est dénommé “effet migrant en bonne santé”.