L’approvisionnement en tabac des fumeurs en France, 2014-2022

La politique publique de réduction du tabagisme s’appuyant pour partie sur des mesures de hausse des prix s’est montrée efficace pour diminuer la consommation au cours de la dernière décennie. Les augmentations du prix du tabac engendrent de nombreux débats relatifs à l’hypothétique développement du marché noir, phénomène démenti par les études scientifiques qui prouvent que les comportements d’achats chez les fumeurs restent stables malgré la hausse des prix. Le marché parallèle, est ainsi estimé par les organismes publics entre 10 % et 20 %, soit deux à quatre fois moins que les  estimations produites par des études financées par l’industrie de tabac.

Tabagisme : déclin progressif et forte baisse chez les adolescents

Les données du Baromètre de Santé publique France font état du recul du tabagisme chez les adultes depuis 2014, celles d’ESCAPAD, l’enquête menée par l’OFDT auprès de mineurs de 17 ans, montrent l’effondrement de l’ensemble des indicateurs relatifs à l'usage du tabac dans cette population. Ces tendances sont confirmées et complétées par le dernier bilan Tabagisme et arrêt du tabac portant sur l’année 2023 réalisée par l’OFDT.

Ainsi, chez les 18-75 ans, selon les données du Baromètre de Santé publique France, le tabagisme quotidien est passé de 28,6 % à 24,5 % de 2014 à 2022, et la consommation des fumeurs quotidiens a elle aussi diminué de 13,5 à 12,6 cigarettes par jour en moyenne. Ces deux facteurs expliquent les deux-tiers de la baisse des volumes de tabac achetés chez les buralistes. 

Quant aux jeunes de 17 ans, leur usage quotidien a été divisé par deux et s’élève à 15,6 % en 2022, contre 32,4 % en 2014. Les niveaux d’expérimentations ont enregistré une chute encore plus spectaculaire, passant de 68,4 % en 2014 à 46,5 % en 2022, soit 22 points de moins. Ces données sont d’autant plus importantes qu’elles sont parmi les facteurs expliquant la diminution des volumes de vente chez les buralistes : en dépit de l’interdiction posée par la loi, l’achat chez les buralistes reste en effet le mode d’approvisionnement privilégié des adolescents fumeurs : 76,9 % d’entre eux disent avoir acheté leurs cigarettes eux-mêmes chez un buraliste au moins une fois au cours de l’année. 

Stabilité du marché parallèle

Si les enquêtes statistiques permettent d’établir la stabilité des modes d’approvisionnement des fumeurs français entre 2014 et 2022, il reste difficile de quantifier précisément le marché parallèle parce qu’il englobe des pratiques illégales (contrebande, contrefaçon) aussi bien que légales (achat à l’étranger dans la limite fixée par la réglementation) qui s’apparentent à des stratégies d’optimisation d’achats. 

Il en ressort néanmoins que le principal facteur associé aux achats à l’étranger, qu’ils soient légaux ou illégaux, est le fait de résider dans un département frontalier : la part des fumeurs ayant acheté leur dernier paquet dans un pays limitrophe s’y élève à 42 %, contre seulement 7 % en moyenne dans les autres départements. De même, la diminution des volumes vendus chez les buralistes est proportionnellement plus importante dans ces départements limitrophes (-33,2 % depuis 2017) par comparaison aux départements non-frontaliers (-24,6 %). Les pays limitrophes de la France hexagonale n’ont pas augmenté le prix du tabac de manière aussi importante, de sorte que le tabac y est sensiblement moins cher. 

Quant à la part d’achats réalisés dans la rue, elle ne dépassait pas 1% sur l’ensemble de la période 2014-2022, ne suggérant pas de report important sur ce canal d’approvisionnement en dépit des hausses des prix, survenues durant la dernière décennie.