Caractéristiques des victimes d’accidents de trottinettes électriques ou autres engins de déplacement personnel, comparaison aux blessés à vélo, registre du Rhône 2015-2019

Publié le 26 juin 2024
Mis à jour le 25 juin 2024

Depuis plusieurs années, et pour différentes raisons (crise économique, crise climatique, pandémie de Covid-19, etc.), la mobilité des personnes en France connaît de grandes évolutions : diminution puis stabilisation de l'usage de la voiture particulière au profit des transports en commun, mise en place du covoiturage, retour de la marche et du vélo en ville et plus récemment l'arrivée des engins de déplacement personnel (trottinettes mécaniques et électriques, monoroues, gyropodes, etc.). Ces derniers connaissent un essor très rapide du fait de leur facilité d'utilisation et de l'alternative qu'ils offrent à certains modes de transport. La mise en place du libre-service de trottinettes électriques dans les grandes villes y a fortement contribué en augmentant leur attractivité. Le développement de ces nouvelles mobilités constitue un enjeu de santé publique, avec une forte augmentation du nombre de victimes observées dans les services d'urgences. Ce constat est à relier avec les conditions de déplacement de ces nouveaux engins : d'une part, avec les caractéristiques des appareils eux-mêmes (maniabilité, instabilité, manque de visibilité), et d'autre part, avec le partage de l'espace public (trottoirs, routes, pistes cyclables, etc.) entre différents modes de déplacement. Dans ce contexte, cette étude, a pour premier objectif de décrire les caractéristiques de toutes les victimes ayant eu un accident avec un engin de déplacement personnel (EDP) et celles ayant eu un accident de vélo, ainsi que les circonstances de sa survenue. Le second objectif consiste à comparer, sur une population homogène quant aux pratiques de déplacement (homogénéité de topographie, de réglementation, de trafic, etc.) et d'âge (port du casque non obligatoire, exclusion des enfants), la gravité des blessures des usagers d'EDP motorisés (EDPm) à celle des cyclistes accidentés. Cette analyse se base sur les données recueillies par le Registre du Rhône. Depuis 1995, il recense en milieu hospitalier toutes les victimes blessées (prises en charge dans les services d'urgences ou hospitalisées) lors d'un accident de la route survenu dans le département et impliquant au moins un véhicule en mouvement, qu'il soit motorisé ou non. La notion de victime repose sur le fait d'avoir au moins une lésion au sens de l'Abbreviated Injury Scale (AIS). L'indicateur de gravité retenu pour chaque victime est le maximum de l'AIS (MAIS) et correspond à l'AIS le plus élevé recensé chez un blessé. Les victimes ayant un MAIS égal à 1 sont considérées comme blessés légers, celles avec un MAIS égal à 2 sont considérées comme blessés modérés et les victimes ayant un MAIS égal ou supérieur à 3 sont considérées comme graves. Cette étude permet de mettre en évidence une explosion du nombre de victimes EDP (motorisés ou non). Dans le Registre du Rhône, leur nombre est multiplié par cinq entre 2018 et 2019. Les caractéristiques des victimes sont cohérentes avec celles retrouvées dans la littérature. Les victimes EDP sont relativement jeunes (âge moyen de 24,3 ans). Les hommes sont 1,6 fois plus nombreux que les femmes. Parmi les victimes EDP, 3 % sont MAIS3+ et 10 % sont hospitalisées. Si l'on compare la gravité des traumatismes des usagers d'EDPm à celle des cyclistes, en tenant compte de l'ensemble des facteurs de confusion dans un modèle de régression logistique multivarié, il est intéressant de noter que les victimes EDPm, ont " toutes choses égales par ailleurs ", 1,8 fois (IC 1,1-2,7) plus de risque d'être blessées gravement que les cyclistes. Le risque de blessure grave est 2,2 (IC 1,7-2,9) fois plus élevé lorsque l'accident a lieu dans la couronne de Lyon (hors Lyon) que dans Lyon, 1,8 (1,3-2,4) fois plus élevé pour un homme que pour une femme, 1,9 (1,2-2,8) fois plus élevé pour un résident hors du Rhône qu'un résident de ce département et il est multiplié par 1,9 (1,4-2,4) lorsque l'accident a lieu contre un véhicule motorisé par rapport à une chute seule.Les accidents d'EDP, et notamment d'EDPm, représentent un fort enjeu de sécurité routière. Des mesures de prévention ciblées doivent être prises pour réduire leur fréquence et leur gravité. Elles peuvent être réfléchies à plusieurs niveaux : au niveau de l'environnement de l'usager (bandes cyclables, amélioration de la chaussée, etc.), du véhicule (feu arrière plus grand, clignotants, etc.), et au niveau du comportement de l'usager (port du casque, respect des règles, alcool, etc.). La réglementation de ces engins dans le code de la route demande à être révisée afin d'améliorer la protection de ces usagers. Les résultats produits dans ce rapport devront être actualisés afin de prendre en compte les évolutions de l'accidentalité des années récentes et l'effet des nouvelles règles de sécurité (décret de 2019 et arrêtés de juin et juillet 2020).

Auteur : Tardy Hélène, Amoros Emmanuelle, Ndiaye Amina, Gadegbeku Blandine
Année de publication : 2024
Pages : 47 p.
Collection : Données de surveillance