Depuis 1953, la leptospirose est reconnue comme un problème de santé publique à La Réunion. En 2004, un système de surveillance spécifique a été mis en place, comprenant la déclaration systématique des cas et la réalisation d'enquêtes environnementales autour des patients hospitalisés. Nous présentons ici la synthèse des données de 12 ans de surveillance. De 2004 à 2015, 611 cas ont été rapportés (soit 6 cas pour 100 000 habitants). Parmi eux, 568 (93%) ont été hospitalisés, dont 33% en service de réanimation. La létalité annuelle moyenne était de 3%. Les hommes représentaient 93% des cas hospitalisés et 85% des cas non hospitalisés (différence non significative). L'incidence variait selon les années (de 3 à 10 cas pour 100 000 habitants) et selon les communes de l'île (de 2 à 63 cas pour 100 000 habitants). Les activités agricoles professionnelles ou de loisir représentaient 65% des modes de contamination. Les contaminations professionnelles représentaient 20% des cas, principalement dans des professions à haut risque de leptospirose. Les expositions de loisir n'ont pas supplanté les expositions agricoles ou professionnelles, comme c'est le cas dans les pays tempérés. Selon le nouveau système de surveillance de 2004, le nombre de cas notifiés a régulièrement augmenté depuis cette année. Cette situation est en partie due à la mise en place de ce nouveau système, mais aussi à une réelle augmentation du nombre de cas détectés en raison de l'introduction des méthodes moléculaires de diagnostic et de l'augmentation de l'investigation biologique des syndromes dengue-like par les praticiens de l'île depuis la crise du chikungunya en 2006. La possibilité d'une épidémie était aussi toujours présente, en raison d'événements climatiques tels que le cyclone Bejiza en 2014. De par la gravité de ses formes, la leptospirose demeure un problème de santé publique à La Réunion. La sensibilisation des professionnels de santé sur la maladie et ses facteurs aggravants, ainsi que l'adaptation des mesures de prévention aux populations les plus exposées, avec notamment la vaccination contre la leptospirose à Icterohaemorrhagiae pour les professionnels à haut risque, sont des enjeux importants pour diminuer l'incidence et la létalité de la leptospirose à La Réunion.
Auteur : Pages F, Kurtkowiak B, Jaffar Bandjee MC, Jaubert J, Domonte F, Traversier N, Picot S, Bourhy P, Picardeau M, Chieze F, Filleul L
Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, 2017, n°. 8-9, p. 137-46