Résumé
Alors que l’hiver austral débute à Mayotte, l’épidémie de Covid-19 se poursuit sur l’ensemble du territoire. Le département se trouve toujours en situation de vulnérabilité élevée compte tenu de la circulation virale et des impacts directs et indirects de l’épidémie sur la santé de la population. L’arrivée de la saison sèche et ventée est placée sous le signe d’une fin d’épidémie de dengue, à laquelle le département faisait face depuis fin 2019. Durant 3 mois, cette double épidémie a complexifié le quotidien des professionnels, les symptomatologies étant proches. Les bilans biologiques et l’imagerie médicale apportaient alors une aide au diagnostic. La population a également subi le poids de cette situation sanitaire exceptionnelle avec près de 4 500 cas de dengue et une quarantaine de cas de co-infection documentées.
Afin de décrire et comprendre la dynamique épidémique du Covid-19, plusieurs dispositifs de surveillance ont été mis en place par Santé publique France (SpF) en lien avec ses partenaires. Les données recueillies permettent de surveiller l'évolution de l'épidémie et de mesurer sa sévérité. L'analyse épidémiologique permet d'orienter les décideurs pour adapter la stratégie de lutte contre l'épidémie.
A quinze semaines du premier cas détecté sur l’île, les indicateurs épidémiologiques sont en baisse mais restent à un niveau relativement élevé comme en témoignent le taux d’incidence global (47 cas 100 000 habitants) et le taux de positivité pour Sars-Cov-2 autour de 20%. Ces données doivent être interprétées avec précaution compte tenu des biais engendrés par la variabilité des pratiques de recours aux soins, de prélèvement, de diagnostic et de dépistage. Ainsi, il est probable que l’ampleur de l’épidémie actuelle soit sous-estimée.
Au 24 juin 2020, 2 467 cas de Covid-19 ont été confirmés par le laboratoire du CHM et le laboratoire privé de l’île. Ces derniers peuvent assurer jusqu’à 200 tests par jour lorsque le matériel d’analyse est disponible. Aujourd’hui, plus de 10 000 tests PCR ont été réalisés, correspondant à 8 883 individus testés. Depuis mi-juin, les laboratoires peuvent assurer la détection qualitative des IgG dirigés contre le SARS-CoV-2. A ce jour, compte-tenu notamment des incertitudes autour de l'immunité procurée par l'infection, les indications à la sérologie demeurent limitées à des situations spécifiques. Ce test a notamment été utilisé pour préciser l’origine de formes graves suspectes de Covid-19 admises en réanimation ou encore, pour confirmer les syndromes post-infectieux.
A Mayotte, la sévérité de l’épidémie se révèle relativement faible. En effet, alors que soixante-trois cas ont été admis en réanimation avec un diagnostic de Covid-19, à peine plus de la moitié d’entre eux était hospitalisés pour une forme pulmonaire grave de la maladie. Ainsi, pour un patient sur quatre, il s’agissait d’une découverte fortuite de l’infection. Enfin, 11 cas ont présenté un tableau de myocardite dont 5 enfants et 6 adultes. Ce phénomène est actuellement sous surveillance. Au total, 34 décès ont été recensés depuis le début de l’épidémie, sans que l’imputabilité de l'infection Covid-19 n’ait été établie.
La circulation virale se poursuit sur une dynamique qu’il est difficile de mettre en évidence. En effet, la proportion de la population exposée au virus reste inconnue. Seule une étude de séroprévalence permettrait de dresser un état des lieux de la situation mahoraise, sans pour autant apporter une réponse sur son immunité. Cette incertitude oblige à maintenir une vigilance vis-à-vis des mesures de prévention, dans un contexte où le confinement général n’est plus d’actualité.
Ainsi, l'application des mesures barrières reste un défi de chaque jour pour les habitants et doit être facilitée par un accès sécurisé à un point d’eau. De plus, dès lors que la sensibilité individuelle et l'exposition à l'infection sont deux facteurs pouvant considérablement varier d’un individu ou d’un groupe de population à l’autre, chaque individu et chaque groupe social peuvent contribuer à limiter le risque épidémique. En effet, le port du masque et la distanciation physique au cours des contacts étroits constituent des outils pratiques pour éviter la contagion de personnes à personnes. De même, les responsables locaux ont la charge de consacrer des moyens concrets pour prévenir l'émergence de foyers dans des situations propices aux contacts étroits et prolongés, notamment en lieux clos. Une vigilance particulière devra ainsi être portée à la période abordant le dimanche 28 juin qui verra de nombreux mahorais se déplacer aux urnes pour les élections municipales. Celles-ci seront probablement suivies de célébrations invitant aux rassemblements.
Par conséquent, la détection précoce et le suivi des clusters doivent se poursuivre, permettait d’assurer l'application de mesures de contrôle immédiates. A ce jour, un cluster en établissement de soin reste sous surveillance ainsi que le cluster pénitentiaire. Les quatorze autres clusters identifiés sont désormais maîtrisés grâce à l’isolement systématique des cas, l’identification et la mise en quatorzaine des sujets contacts, et la réalisation d’opérations de dépistage élargies.
Actuellement, la stratégie de test reste inchangée à Mayotte : tout patient présentant un tableau clinique évocateur de Covid-19 doit faire l’objet d’un prélèvement à visée diagnostique. Plus que jamais, l’accès aux tests de diagnostic et de dépistage reste l’une des mesures phares de la lutte contre l’épidémie : associée à l’isolement systématique des cas, elle doit permettre de mieux comprendre la dynamique épidémique et de circonscrire précocement les chaînes de trans-mission. Une réflexion est actuellement en cours pour permettre l’organisation du dépistage systématique des sujets con-tacts autour d'un cas comme le propose la stratégie nationale.