Depuis plus de 20 ans, les pollutions des anciens sites miniers de la vallée de l’Orbiel génèrent des interrogations environnementales et sanitaires. Santé publique France a régulièrement été sollicitée et conduit plusieurs études de santé à ce sujet auprès de la population. En octobre 2018, de nouvelles inondations ont fait ressurgir les inquiétudes des habitants. Dans ce contexte, Santé publique France a été interrogée par l’Agence régionale Occitanie sur la pertinence de reconduire des études de santé. La mise en œuvre d’une démarche de « santé publique » a été proposée afin de donner la possibilité à la population de s’exprimer sur leurs inquiétudes, leurs questionnements, leurs attentes. Pour cela, Santé publique France lance l’étude PRiOR : pratiques et perception des risques par les habitants riverains de la vallée de l’Orbiel, en partenariat avec des scientifiques de l’Université de Toulouse-Jean Jaurès (UT2J) et du CNRS.
Pourquoi évaluer l'impact sanitaire d'une exposition à une pollution ?
Lorsqu’une problématique sanitaire en rapport avec un site, une pollution ou une nuisance environnementale émerge localement, elle s’inscrit dans un territoire aux dimensions multiples : sociale, politique, économique, judiciaire, etc. L’enjeu de santé publique, sur lequel Santé publique France est légitime pour inscrire son action, est un enjeu parmi d’autres qu’il est nécessaire de formuler avec les acteurs du territoire : la dépollution du site, la valeur foncière des logements, la garantie des emplois, la réparation des préjudices… Le diagnostic des enjeux est donc un préalable nécessaire pour évaluer dans quelle mesure la réponse attendue mobilise d’autres dimensions que celles appréhendées, tout en permettant de spécifier les questionnements et attentes de la population en terme de santé publique.
Objectifs
Recueillir des informations sur les habitants de la vallée de l’Orbiel en s’attachant particulièrement :
- à la manière dont ils vivent les pollutions du territoire et ressentent aux risques qui y sont liés (sanitaire, environnemental, socio-économique, etc.),
- aux attentes qu’ils formulent.
Donner la parole aux habitants de la vallée de l’Orbiel et recueillir leur point de vue sur :
- leurs conditions de vie dans la vallée et leur territoire,
- leurs pratiques et activités ordinaires (consommer, se promener, se baigner, etc.),
- leur appréhension du risque de pollution, notamment lié à l’ancienne activité minière,
- le sentiment d’inégalités que peut générer la situation,
- et les attentes qui en découlent.
Déroulement de l’étude
Une étape préparatoire
Le questionnaire et le territoire d’enquête ont été construits par le CNRS en partenariat avec Santé publique France. Le protocole de l’étude a été présenté au comité d’interface de la vallée de l’Orbiel (comité regroupant des acteurs du territoire : associations locales, services de l'État, collectivités territoriales) afin de discuter de la définition de la zone d’étude et du test du questionnaire.
La phase de test du questionnaire a eu lieu en décembre 2020 auprès de membres volontaires du comité d’interface et de quelques habitants choisis au hasard sur les pages blanches. Son but était d’ajuster le questionnaire de l’étude en terme de durée, de modalités de réponses…
La collecte des données
Les habitants « adultes » de la vallée de l’Orbiel ont été interrogés entre février 2021 et décembre 2022.
- 8 000 habitants tirés au sort ont été invités par courrier à répondre à un questionnaire en ligne ou par téléphone ; 130 habitants supplémentaires ont été interrogés en face-à-face dans la vallée ;
- des entretiens individuels en face-à-face ont été menés par des sociologues avec certains des répondants au questionnaire ou avec ceux vus en face-à-face et favorable à un entretien plus approfondi ;
- trois entretiens collectifs (focus groupes) auprès de jardiniers amateurs de la vallée de l’Orbiel ont été animés par l'équipe de chercheurs dans le cadre d’un suivi de pratiques afin d'étudier les effets de trois parcelles de jardiniers (syndicat d’irrigation du Vic au pont del Gua, association du puisard). Cette partie de l’étude a été appelée : « expérimentation moutarde ».
L’expérimentation moutarde
La moutarde, plante fourragère connue pour ses graines avec lesquelles se réalise le condiment du même nom, est également utilisée comme engrais vert. Grâce à l’occupation du sol durant sa croissance et à la matière organique qu’elle apporte au sol après le fauchage, elle améliore celui-ci et le rend plus souple et fertile pour les plantations.
L’expérimentation avait pour but d’outiller les jardiniers par la co-construction de connaissances au sujet du transfert des métaux lourds des sols vers les végétaux. Les pratiques des jardiniers ont été accompagnées de la plantation jusqu’à la récolte, l’analyse et l’interprétation des résultats. Des entretiens collectifs ont été réalisés en parallèle pour faire progresser les échanges.
Résultats
604 habitants ont participé à l’étude par questionnaire et les entretiens individuels approfondis ont été réalisés auprès de 55 habitants. Dans le cadre de l’expérimentation moutarde, les trois entretiens collectifs (focus group) ont rassemblé entre 3 et 14 jardiniers amateurs de la vallée de l’Orbiel.
Que faut-il retenir ?
- Trois profils de perception de la situation environnementale ont été mis en évidence
- Des attentes des habitants sur l’information et la co-construction avec les scientifiques ont été exprimées
- Les cancers représentent la première pathologie attribuée à la pollution par les habitants
- Une perception de l’état de santé proche du niveau national
- Les mesures attendues par les habitants concernent prioritairement l’environnement
Quelles sont les propositions d'actions ?
À partir des résultats de l’étude, Santé publique France a formulé trois propositions d’actions :
- Une communication continue, au plus près des habitants
- Une plus forte implication des habitants dans les actions de santé publique
- Un soutien des pouvoirs publics aux actions proposées