La quasi-totalité des salariés concernés par des expositions cumulées au travail
Pour mieux décrire la réalité des situations de polyexposition des salariés en France et connaître les filières professionnelles particulièrement concernées, une étude a été menée conjointement par l’Anses, Santé publique France et la Dares sur la base des résultats de l’enquête Sumer 2016-2017. Réalisée dans le cadre du 3ème Plan santé au travail 2016-2020 (PST 3), elle fait suite à un état des lieux des principales actions conduites sur la polyexposition, en France comme à l’étranger, publié en 2018.
La présente analyse révèle que la quasi-totalité (97 %) des 25 millions de salariés des secteurs publics et privés sont polyexposés, c’est-à-dire exposés à au moins deux contraintes de même catégorie ou non au cours de leur carrière professionnelle. Ces contraintes professionnelles peuvent relever de 5 catégories :
- chimiques - substances potentiellement dangereuses ;
- biologiques - bactéries, virus ou moisissures ;
- physiques - nuisances sonores, contraintes posturales ou thermiques, exposition aux rayonnements ;
- organisationnelles - horaires de travail, manque de moyens matériels et/ou humains, intensité et rythme de travail, faible autonomie, etc. ;
- relationnelles - forte pression, faible reconnaissance au travail, hostilité des collègues ou de la hiérarchie, tensions, etc.
Une douzaine de profils d’expositions cumulées identifiés
Une analyse statistique a permis de regrouper les salariés selon 12 profils décrivant les situations d’expositions cumulées les plus courantes.
Certains profils peuvent être associés à un ou plusieurs domaines professionnels spécifiques, comme par exemple les professionnels de santé, ceux de l’agriculture, de la marine et de la pêche.
D’autres décrivent une situation de polyexposition commune à plusieurs secteurs d’activités. C’est le cas notamment des salariés exerçant des activités de bureau, dans des domaines aussi variés que l’administration publique, l’enseignement ou les banques et assurances.
Les contraintes organisationnelles affectent l’ensemble des secteurs d’activité
Si les expositions connues aux contraintes chimiques, physiques ou biologiques sont spécifiques à l’activité professionnelle exercée, tous les profils de polyexposition mettent en revanche en évidence des expositions à des contraintes organisationnelles et relationnelles. Souvent moins documentées, ces dernières sont en effet inhérentes à toute activité salariée, étant propres à l’organisation du travail et à la coopération avec d’autres travailleurs, ainsi qu’aux interactions avec les clients ou usagers.
Les professionnels de santé sont nombreux à cumuler toutes les catégories de contraintes
Les professionnels de la santé - infirmiers, sages-femmes, aides-soignants, professions paramédicales, médecins et assimilés - apparaissent comme une famille d’activité professionnelle particulièrement concernée par la polyexposition. Ils cumulent des expositions caractéristiques aux 5 catégories de contraintes. Ils sont ainsi potentiellement exposés à des agents biologiques d’origine humaine, souvent associés à une exposition à des substances chimiques via les médicaments notamment. Ils sont également concernés par des situations de tension, des contraintes horaires comme le travail de nuit, un rythme de travail soutenu, un manque de moyens matériels et humain, auxquels viennent s’ajouter des contraintes physiques tels que les rayonnements ionisants ou des postures physiques difficiles.
Une grille de lecture originale pour orienter la prévention et la recherche sur les polyexpositions
Cette approche globale par profils de polyexposition représente une réelle avancée en matière d’éclairage sur les expositions multiples, afin d’en permettre une meilleure prise en compte. Elle fournit une base de réflexion invitant à ne plus penser les contraintes subies par les salariés de manière isolée mais dans leur ensemble, accentuant possiblement les risques professionnels associés. Elle propose une première identification des secteurs concernés par ces polyexpositions.
Suite à ces travaux, la caractérisation plus précise des professions particulièrement polyexposées mériterait d’être réalisée, comme par exemple pour les personnels de santé. Des travaux, en cours, avaient déjà été initiés concernant les conditions de travail des agents du nettoyage et de la propreté et de leurs impacts sur la santé ou les risques sanitaires pour les travailleurs impliqués dans les activités de collecte, tri et traitement des ordures ménagères.
Il serait également utile de renforcer la recherche pour mieux comprendre comment l’interaction entre certaines contraintes peut conduire à une aggravation des effets pour la santé des travailleurs. Cela constituera une source de progrès dans la mise en œuvre du concept d’exposome visant à prendre en compte les cumuls d’expositions : cumul dans le temps, cumul entre facteurs d’exposition – ce à quoi contribue le présent rapport - et, au-delà, cumul entre les expositions en milieu de travail et dans la vie courante.