Si les cancers chez les AJA restent rares avec une incidence beaucoup moins élevée que chez les plus de 60 ans, l’étude montre que l’incidence de l’ensemble des cancers a augmenté de 1,62 % par an entre 2000 et 2014, puis baissé de 0,79 % par an entre 2015 et 2020.
L’incidence de six cancers est en hausse : lymphomes de Hodgkin, glioblastomes, liposarcomes, carcinomes colorectaux, carcinomes du sein et carcinomes du rein. Ces résultats appellent de nouvelles études pour mieux identifier les facteurs de risque sous-jacents responsables de ces tendances afin de promouvoir ou de renforcer la prévention chez les AJA.
Une méthodologie qui prend en compte les derniers consensus internationaux
Cette étude présente la répartition des cancers par tranche d’âge, l’incidence des cancers considérés ensemble sur la période 2000-2020, et son évolution par groupes et sous-groupes de cancers, dans la population étudiée et dans les départements de France hexagonale couverts par un registre général de cancers.
Elle a été réalisée à partir des données couvrant 19 départements (soit 24% de la population de France hexagonale) pour la description de la répartition des cancers et l’estimation de leur incidence sur toute la période. Les évolutions d’incidence entre 2000 et 2020 ont quant à elles été estimées à partir des données couvrant 11 départements1 (18 % de la population).
Dans un objectif d’harmonisation des données de surveillance françaises avec les derniers consensus internationaux, cette étude est la première à considérer la population élargie des 15–39 ans (la précédente étude ciblait les 15–24 ans), et catégorise les cancers selon la nouvelle classification de Barr2 parue en 2020.
Cette nouvelle classification catégorise les cancers en fonction du type de cellule atteinte (critère morphologique), puis de l’organe qu’ils touchent (critère topographique).
Incidence et son évolution entre 2000 et 2020 des cancers chez les adolescents et jeunes adultes (15-39 ans) dans les départements fran...
En savoir plusDes cancers différents selon les classes d’âge et le sexe
Entre 2000 et 2020, 54 735 AJA ayant eu un diagnostic de cancer ont été comptabilisés sur les 19 départements étudiés. Ces résultats ne portent pas sur l’ensemble de la population mais sont exhaustifs sur la zone concernée.
Les leucémies, lymphomes, tumeurs du système nerveux central et sarcomes sont majoritaires chez les 15-19 ans (66%) et ne représentent plus que 19% des cancers chez les 35-39 ans. À l’inverse, les mélanomes et certains carcinomes passent de 23% à 73% entre ces deux classes d’âge. Chez l’homme, les cancers les plus fréquents sont les tumeurs germinales malignes testiculaires, les lymphomes hodgkiniens, les lymphomes non hodgkiniens, les mélanomes, les carcinomes gastro-intestinaux et les carcinomes des voies urinaires. Chez la femme, les cancers du sein, de la thyroïde et les mélanomes sont les plus fréquents.
Le taux d’incidence standardisé monde (TSM) 2000 – 2020 tous cancers des 15-39 ans est de 58,1 pour 100 000 personnes-années, plus faible chez les hommes que chez les femmes. La standardisation permet de comparer les incidences entre pays dont la structure d’âge diffère, ce TSM est comparable à ceux observés aux États-Unis ou en Europe.
Evolutions de l’incidence contrastées selon les types de cancer entre 2000 et 2020
L’incidence de certains cancers est en diminution comme celle des mélanomes (-3,05 % par an), probablement en lien avec les mesures de prévention, et celle des cancers de la tête et du cou (-1,24 %), ensemble hétérogène limitant l’interprétation des résultats.
Certains cancers ont une incidence stable en fin de période : les tumeurs germinales malignes testiculaires après une augmentation jusqu’en 2012 et les carcinomes du tractus génital qui ont diminué jusqu’en 2013, et correspondent majoritairement à des cancers du col de l’utérus. À l’instar d’autres pays, l’incidence de ce cancer pourrait diminuer si la couverture vaccinale contre le papillomavirus (HPV) augmentait. Il est important de poursuivre les efforts engagés dans l’objectif d’atteindre une couverture vaccinale de 80 % chez les adolescents à l’horizon 2030.
Certaines évolutions d’incidence peuvent être attribuées à des variations de pratiques liées au diagnostic et/ou aux évolutions de classification utilisée par les registres : l’augmentation de l’incidence des thrombocytémies essentielles et des tumeurs astrocytaires, la diminution de celle des oligodendrogliomes, la hausse puis la baisse de celle des cancers de la thyroïde.
Une augmentation moyenne par an de l’incidence de six cancers a été retrouvée sur l’ensemble de la période : lymphomes de Hodgkin (+1,86 %), glioblastomes (+6,11 %), liposarcomes (+3,68 %) carcinomes colorectaux (+1,43 %), carcinomes du sein (+1,60 %) et carcinomes du rein (+4,51 %).
L’augmentation des lymphomes de Hodgkin est également observée dans les autres pays européens, principalement pour la forme scléro-nodulaire ; les causes spécifiques du lymphome de Hodgkin restent à identifier.
Les résultats concernant les tumeurs du système nerveux central doivent être interprétés avec prudence : des changements dans la classification de ces tumeurs se sont produits au cours de cette période, et l’amélioration du diagnostic anatomopathologique, de la biologie moléculaire, en lien avec les progrès de l’imagerie ont un impact sur l’analyse par type histologique. L’augmentation de l’incidence des glioblastomes confirmés histologiquement a déjà été rapportée en France3.
Bien que le liposarcome soit rare, une augmentation de l’incidence est observée. L’introduction de la génétique moléculaire dans son diagnostic pourrait avoir un impact, mais ne suffit pas à expliquer la hausse de ce cancer dont les facteurs de risque ne sont pas identifiés.
L’augmentation de l’incidence du cancer du sein, des tumeurs de l’appareil digestif (61 % de cancer colorectaux) et des tumeurs de l’appareil urinaire (87 % de cancers rénaux) est également observée au niveau international. L'obésité pourrait être un facteur explicatif de l’augmentation des cancers du système digestif (y compris colorectal) ainsi que des cancers du rein, cela restant à démontrer.
Ces nouveaux résultats contribuent à affiner notre connaissance et à orienter sur les besoins de recherche, les soins et la prévention. Toutefois, des études complémentaires restent nécessaires pour confirmer ces résultats produits sur un territoire infranational, mieux comprendre les facteurs de risque et les expositions à l’origine des augmentations observées.
1- Cinq registres ont débuté leur enregistrement après l’an 2000.
2- Barr RD, Ries LAG, Trama A, Gatta G, Steliarova‐Foucher E, Stiller CA, et al. A system for classifying cancers diagnosed in adolescents and young adults. Cancer 2020;126:4634–59.