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Cas sporadiques de syndrome hémolytique et urémique pédiatriques liés à Escherichia coli productrices de shigatoxines, France, 2012-2021

Sporadic Shiga Toxin–Producing Escherichia coli–Associated Pediatric Hemolytic Uremic Syndrome, France, 2012–2021

Publié le 4 décembre 2023

Les bactéries Escherichia coli productrices de shigatoxines (STEC) sont responsables de divers symptômes, allant de la diarrhée simple à la diarrhée sanglante, et présentent un risque accru de complications graves, notamment le syndrome hémolytique et urémique (SHU). Le SHU dû à une infection à STEC peut survenir à tous les âges, mais il touche surtout les enfants de moins de 5 ans et les personnes âgées. Au cours de la décennie précédente, plusieurs éclosions de SHU-STEC d’origine alimentaire ont été largement couvertes par les médias. Ce syndrome reste, pour les enfants, un risque de santé publique important en France. Si les ruminants (vaches, brebis, chèvres…) constituent le principal réservoir de bactéries STEC, déterminer la source de contamination pour les infections sporadiques est difficile en raison des multiples modes de contamination possible (consommation d’aliment ou d’eau contaminé, contact avec des ruminants ou leur environnement contaminé, transmission de personne à personne après contact avec une personne infectée…).

Identifier les zones géographiques présentant un risque plus élevé de SHU-STEC sporadique contribuera à améliorer la connaissance des facteurs de risque environnementaux associés aux disparités géographiques. C’est l’objectif de l’étude réalisée par Santé publique France, en partenariat avec le Centre national de référence (CNR) des E. coli, situé à l’Institut Pasteur et son laboratoire associé situé au Centre Hospitalier Universitaire Robert Debré, qui vient d’être publiée dans la revue Emerging Infectious Diseases [1].

3 questions à : Gabrielle Jones, Direction des Maladies Infectieuses, Santé publique France

Visuel d'illustration

Quelle a été votre approche et période d’étude qui vous a permis d’identifier les zones géographiques les plus à risque de syndrome hémolytique et urémique (SHU) pédiatrique ?

Rappelons tout d’abord que ce syndrome reste, pour les enfants, un risque de santé publique important en France. Bien que ces infections présentent un potentiel épidémique, seuls 3 % des cas de SHU-STEC signalés en France entre 2007 et 2016 étaient associés à une épidémie, la majorité étant des cas sporadiques présentant une forte hétérogénéité géographique. D’où notre objectif d’identifier à une échelle géographique fine, les zones présentant un risque plus élevé de SHU-STEC sporadique.

Nous avons travaillé sur les données de surveillance du SHU pédiatrique sur une période de 10 ans, de 2012 à 2021. Ces données sont issues des signalements faits à Santé publique France par les cliniciens du réseau de surveillance et des analyses réalisées au CNR E. coli. Ce travail a porté sur les cas sporadiques, c’est-à-dire que tous les cas de SHU pédiatriques liés à une épidémie ont été exclus de l’analyse. Á partir de ces données, il a été possible de décrire dans le temps et l’espace la survenue de ces infections.

Le premier objectif de cette étude était de décrire les tendances temporelles et la distribution géographique de ces cas sporadiques de SHU pédiatrique. Le deuxième objectif était d’identifier des clusters spatiotemporels et de décrire des zones géographiques avec un risque de SHU pédiatrique plus élevé, par une approche statistique de balayage spatiotemporel.

Cette analyse a permis de confirmer l’existence de disparités géographiques dans le risque de SHU pédiatrique sporadique en France et d’identifier en particulier trois zones avec un risque plus élevé : la moitié Est de la région Auvergne-Rhône-Alpes et dans une moindre mesure, les régions de Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne et Normandie. 

En quoi l’identification de ces agrégats spatiotemporels vont-ils contribuer à améliorer la connaissance des facteurs de risque environnementaux associés aux disparités géographiques des SHU-STEC en France ?

Des différences géographiques de l’incidence du SHU pédiatrique sont observées depuis la mise en place de la surveillance en 1996. Toutefois, il n’y a jamais eu d’analyse approfondie par des méthodes statistiques, sur une période d’étude de plusieurs années et à une échelle géographique plus fine. Une telle analyse spatiotemporelle est importante pour confirmer ces différences, décrire leur évolution, et mieux les caractériser. Il est ainsi possible d’alimenter les réflexions pour étudier l’origine de l’hétérogénéité observée, en particulier les facteurs de risques environnementaux tels que la densité des ruminants (vaches, chèvres, moutons…), la classification rurale-urbain, les sources d’eau, etc. 

Vos résultats ouvrent-ils des perspectives en matière de recherche ou pouvant impacter la surveillance épidémiologique ?

Il s’agit de la première analyse spatiotemporelle du SHU pédiatrique sporadique en France qui contribue à une meilleure compréhension de la situation épidémiologique. Ces résultats sont pertinents pour la surveillance épidémiologique, par l’amélioration de la détection d’épidémies et leur investigation, et permettent d’orienter les questions de recherche visées à améliorer les connaissances sur les facteurs de risque associées aux disparités géographiques observées. 

Dans le cadre de la surveillance épidémiologique, des résultats générés par cette étude seront intégrés dans une étude prévue sur l’exploration de la même approche de balayage spatiotemporel pour la détection d’épidémies de SHU pédiatrique en France. 
Ces résultats sont aussi essentiels pour la conception d’études complémentaires visant à explorer les causes des différences géographiques de risque observées. En effet, ces différences suggèrent des conditions favorables pour la transmission des STEC dans les zones géographiques les plus touchées.

De telles études contribueront à améliorer les connaissances sur les facteurs de risque géographiques associés à un risque de STEC-SHU sporadique plus élevé et pourraient mener à adapter les mesures de santé publique et de prévention de ces infections. Par exemple, renforcement de la communication ou adaptation des messages de prévention ciblés sur certains risques ou certaines populations. Mais cela implique d’identifier les éventuels facteurs de risques grâce à des études complémentaires.

[1] Jones G, Mariani-Kurkdjian P, Cointe A, Bonacorsi S, Lefèvre S, Weill F, et al. Sporadic Shiga Toxin–Producing Escherichia coli–Associated Pediatric Hemolytic Uremic Syndrome, France, 2012–2021. Emerg Infect Dis. 2023;29(10):2054-2064. 

Surveillance des STEC : un système de surveillance solide

Santé publique France coordonne depuis 1996 la surveillance du syndrome hémolytique et urémique (SHU) pédiatrique (chez les enfants de moins de 15 ans) en France. L’agence contribue également à la prévention de cette maladie. Ce système de surveillance clinique et microbiologique mobilise un réseau stable d’unités hospitalières spécialisées volontaires, permettant à Santé publique France de maintenir un bon niveau d’exhaustivité de recensement des cas. Sur la période de 10 ans concernée par l’étude de G. Jones et al, le volet microbiologique a évolué en particulier par une amélioration de la caractérisation des isolats, permettant la détection des souches génétiquement apparentées et des épidémies.

En 2022, le nombre de cas de SHU pédiatrique (n=253) notifié à Santé publique France était le plus élevé depuis le début de la surveillance. Ainsi, l’incidence était la plus élevée observée (2,2 cas pour 100 000 enfants <15 ans) et cela dans toutes les tranches d’âge et dans la majorité des régions. Comme les années précédentes, les enfants de moins de 3 ans sont les plus touchés avec une incidence de 6,8/100 000 enfants.

Rappelons que cette hausse en 2022 est en partie due à la survenue de plusieurs épidémies dont une de grand ampleur - 59 cas confirmés ou probables - liée à la consommation de pizzas surgelées. 

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