Le mercure est toxique pour les humains, ses effets reposent sur sa forme chimique, la voie d'exposition, le moment et la durée de l'exposition, et la dose absorbée. Le mercure est non seulement nocif pour la santé des populations vulnérables (foetus, enfants, femmes enceintes) mais il est aussi toxique pour les adultes. Les principaux effets associés à l'exposition par voie orale aux composés de mercure organique sont d'ordre neurologique avec une neurotoxicité développementale. Les symptômes d'hydrargie liée au mercure organique sont des fourmillements, des troubles de la vision, de l'ouïe, du goût et de l'odorat, des troubles de l'élocution, une faiblesse musculaire et une irritabilité, des pertes de mémoire et des troubles de sommeil. Le principal organe cible du mercure organique étant le système nerveux central ; l'exposition du foetus ou du jeune enfant au mercure organique peut avoir des effets sur le développement du système nerveux, la motricité, l'attention, l'apprentissage verbal et la mémoire. Le méthylmercure, la forme la plus toxique du mercure, a été classé par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer), comme cancérogène possible pour les humains (groupe 2B), en particulier pour le cancer du rein. L'évaluation du mercure par le programme des nations unies pour l'environnement (PNUE) a conclu qu'il existe suffisamment de données probantes sur les effets néfastes du mercure pour justifier une action internationale de réduction des risques pour la santé humaine et l'environnement. La convention de Minamata, un accord mondial juridiquement contraignant, vise à réduire les émissions atmosphériques, l'approvisionnement, le commerce et l'utilisation du mercure à l'échelle mondiale et à trouver des solutions pour le stockage écologique du mercure et des déchets du mercure. En France, l'Étude nationale nutrition santé, ENNS, avait permis d'estimer les niveaux d'imprégnation par le mercure capillaire en population générale aussi bien chez les enfants que chez les adultes, en 2006-2007 [1]. Aussi, en 2011, le volet périnatal du programme national de biosurveillance (Elfe) avait permis de connaître les niveaux d'imprégnation par le mercure capillaire chez les femmes enceintes françaises [2]. Toutefois, aucune étude française jusqu'à présent n'avait mesuré le mercure urinaire dans la population générale hormis l'étude Imepoge en 2008-2010 dans la population adulte du Nord de la France [3]. Les résultats acquis au travers de l'étude transversale Esteban (Étude de santé sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition) permettent ainsi pour la première fois de mesurer le mercure urinaire en population générale en France et de fournir une nouvelle estimation des niveaux d'imprégnation par le mercure capillaire de la population française continentale âgée de 6 à 74 ans entre avril 2014 et mars 2016. Concernant le mercure capillaire, les taux de quantification étaient de 100% chez les enfants et de 99,6% chez les adultes. Les moyennes géométriques étaient, respectivement de 0,31 µg g-1 de cheveux chez les enfants et de 0,59 µg g-1 de cheveux chez les adultes. Les niveaux d'imprégnation par le mercure capillaire observés dans l'étude Esteban sont très comparables à ceux observés dans ENNS 10 ans plus tôt. La recherche des déterminants de l'exposition a confirmé les facteurs alimentaires d'exposition connus dans la littérature comme la consommation de poissons et de crustacés, coquillages et mollusques ou des facteurs en lien avec les modes de vie comme le traitement des cheveux. Pour le mercure urinaire, les taux de quantification étaient de 99,4% chez les enfants et de 95,6% chez les adultes. Les moyennes géométriques étaient, respectivement de 0,90 µg L-1 (0,89 µg g-1 de créatinine) chez les enfants et de 0,75 µg L-1 (1,00 µg g-1 de créatinine) chez les adultes. Les facteurs d'exposition retrouvés sont la présence d'amalgames dentaires gris conformément à la littérature aussi bien chez les enfants que chez les adultes et dans une moindre mesure la consommation de poissons gras, de crustacés, coquillages et mollusques. Les niveaux d'imprégnation par le mercure urinaire de la population Française observés dans la présente étude sont plus élevés que ceux observés dans certains pays européens et dans les pays nord-américains. Les résultats d'Esteban permettent depuis ENNS le suivi temporel de l'imprégnation de la population par le mercure capillaire, de fournir les premières données d'imprégnation par le mercure urinaire et de mettre à jour la liste des déterminants de l'imprégnation par le mercure. Les valeurs de référence d'exposition (VRE) établies dans le cadre de cette étude pourraient permettre d'appuyer la stratégie des pouvoirs publics en matière de santé publique.
Auteur : Oleko Amivi, Fillol Clémence, Zeghnoun Abdelkrim, Saoudi Abdessattar, Gane Jessica
Année de publication
: 2021
Pages : 53 p.
Collection : Études et enquêtes