Ces signaux ont été confirmés à l’échelle nationale par le système de surveillance de Santé publique France, avec une aggravation de la situation observée début 2021 (augmentation des passages aux urgences pour raisons de santé mentale chez les 11-17 ans). C’est pour cette raison que Santé publique France et le Ministère des Solidarités et de la Santé lancent aujourd’hui le volet « Ados » de la campagne de sensibilisation à la santé mentale, initiée en avril 2021. Entièrement digitale, cette campagne a pour but de libérer la parole, ce qui est le premier pas vers une recherche d’aide, et de proposer aux adolescents en souffrance de s’adresser à Fil Santé Jeunes.
Dégradation de la santé mentale des 11-17 ans depuis le premier confinement
Depuis le début de la crise sanitaire, comme sur l’ensemble de la population, une forte dégradation de la santé mentale des adolescents a été observée, et plus particulièrement à partir du mois de novembre, sur les versants anxieux et dépressifs, à la fois par les professionnels de l’Education nationale mais aussi par des pédiatres et pédopsychiatres. Fin décembre 2020 et au 1er trimestre 2021, les données de surveillance ont confirmé une dégradation de la santé mentale des jeunes de moins de 18 ans.
Les données de surveillance des passages aux urgences du réseau Oscour® 1 montrent par rapport aux années précédentes :
- une augmentation des passages aux urgences pour troubles de l’humeur (incluant les troubles dépressifs) observée depuis la rentrée scolaire 2020-2021 et se poursuivant encore en mai 2021, avec une intensification depuis le début 2021 ;
- une augmentation marquée des passages aux urgences pour geste suicidaire et idées suicidaires depuis le début de l’année 2021 ;
- dans une moindre mesure, une hausse des passages pour troubles alimentaires était également observée depuis le début de l’année 2021.
Pour ces trois indicateurs, l’augmentation concerne les enfants et adolescents de 11 à 17 ans et en particulier les 11-14 ans.
Par ailleurs, Santé publique France avec l'hôpital Avicenne de Bobigny, l'Université Sorbonne Paris Nord et leurs partenaires2 a mené l’étude CONFEADO, pour mieux comprendre la manière dont les enfants et les adolescents âgés de 9 à 18 ans, dont les enfants confiés à l'Aide Sociale à l'Enfance, ont vécu le premier confinement et comment celui-ci a pu avoir des conséquences sur leur bien-être.
Les premiers résultats mettent en évidence des disparités en santé mentale, classiquement retrouvées selon l’âge et le sexe avec une santé mentale plus impactée chez les adolescents (13-18 ans) que chez les enfants (9-12 ans) et également plus impactée chez les filles que chez les garçons.
Les résultats font également ressortir une nette fracture sociale. Les enfants et les adolescents issus de familles plus vulnérables (familles monoparentales, avec un niveau d’étude plus faible, davantage ouvriers ou employés, nés à l’étranger), ayant des conditions de vie plus difficiles (difficultés financières et alimentaires, logement suroccupé ou sans accès à l’extérieur) et en situation d’isolement social ont ressenti davantage de détresse psychologique. Un manque d’activités, une augmentation du temps passé sur les réseaux sociaux et les écrans, un sentiment d’être dépassé par rapport au travail scolaire, l’infection à la Covid-19 d’un proche et l’hospitalisation suite au Covid-19 étaient des facteurs également associés à la détresse.
La surveillance de la santé mentale de la population renforcée dès le début de la crise sanitaire a permis d’agir dès le premier confinement via la diffusion de messages de prévention. Suite à l’augmentation des états anxieux et dépressifs observée avec la deuxième vague épidémique (octobre 2020), une campagne nationale de sensibilisation « En parler, c’est déjà se soigner », à destination des plus de 18 ans, a été lancée au mois d’avril 2021. Aujourd’hui, pour répondre à la dégradation de la santé mentale des adolescents observée ces derniers mois, il apparait nécessaire de lancer une campagne spécifiquement dédiée à cette cible.
Une campagne 100% digitale pour inciter les adolescents à parler et à recourir aux dispositifs d’aide à distance
Le dispositif de communication destiné aux adolescents de 11-17 ans, lancé par Santé publique France et le Ministère des Solidarités et de la Santé, s’inscrit dans la continuité de la campagne « En parler, c’est déjà se soigner ».
Cette campagne a pour objectif de limiter les impacts de la crise sanitaire sur la santé mentale des adolescents en les incitant à parler à un tiers de confiance et à recourir au dispositif d’aide à distance Fil Santé Jeunes, et notamment en privilégiant les services en ligne de celui-ci. Ce service anonyme et gratuit à destination des jeunes de 12 à 25 ans, propose une ligne d’écoute 0 800 235 236, accessible 7 jours sur 7 de 9h à 23h, et un site internet mettant à disposition de l’information, un forum, un tchat, et une orientation vers des structures d’aide (lieux d’accueil et d’écoute, maisons des adolescents, structures associatives, professionnels et structures de soins). Ces services sont dispensés par des professionnels (médecins, psychologues, éducateurs et conseillers).
Par ailleurs, une vingtaine d’influenceurs, influenceuses et de célébrités se sont associés à la campagne #JenParleA. Cette forte mobilisation témoigne de l’importance du sujet pour les jeunes. L’objectif est d’encourager l’ouverture du dialogue et la libération de la parole autour des problématiques de santé mentale en lançant le mouvement #JenParleA. Les adolescents sont ainsi invités à dire à qui ils en parlent et à utiliser le dispositif Fil Santé Jeunes en cas de ressenti de mal-être.
En complément de ce dispositif, un partenariat avec NomadEducation, application de révisions scolaires, a été mis en place afin d’accompagner les jeunes sur leur santé mentale en période de révisions du bac et du brevet.
Présentation de la campagne
3 questions à Enguerrand ROLLAND DU ROSCOAT, Responsable de l’Unité santé mentale à Santé publique France
Quel dispositif allez-vous mettre en place pour toucher les ados ?
Pour nous adresser aux adolescents (11-17 ans), nous avons choisi une campagne entièrement digitale, afin de rester au plus proche de leur mode privilégié de communication. On trouvera ainsi des bannières sur leurs sites de prédilection, et également des vidéos de 15 secondes sur les réseaux sociaux, notamment Tiktok, Snapchat, Facebook et Instagram.
Le principe de ces vidéos est que chaque adolescent filmé cite la personne à qui il se confie lorsqu’il se sent en situation de mal-être. Cela peut être un membre de la famille, un ami, un psy …, et Fil Santé Jeunes. Le but est de libérer la parole, ce qui est le premier pas vers une recherche d’aide, et de proposer aux adolescents en souffrance de s’adresser à Fil Santé Jeunes.
Quels messages souhaitez-vous faire passer auprès de cette cible ?
Le message de cette campagne à destination des 11-17 ans est double. Si un adolescent sent qu’il ne va pas bien, qu’il s’agisse par exemple de manifestations de tristesse, de stress, ou d’angoisse, il est important d’en parler. Et s’il ne sait pas à qui se confier ou qu’il ne souhaite pas se confier à des personnes de son entourage, il peut se rendre sur le tchat de Fil Santé Jeunes pour en parler. Des écoutants formés à ces problématiques sont là pour écouter, apporter des réponses et si besoin orienter les adolescents vers un accompagnement ou une prise en charge adaptée.
Pouvez-vous nous expliquer le partenariat avec NomadEducation ?
Pour compléter le dispositif, nous avons effectivement tissé un partenariat avec NomadEducation. Cette application de révisions scolaires enverra au cours de la période de campagne, concomitante avec les révisions du bac et du brevet, 3 SMS invitant les collégiens et lycéens à se rendre sur Fil Santé Jeunes en cas de signes évocateurs de mal-être tels que la tristesse, le stress ou l’anxiété. Ce SMS comportera un lien direct vers le site de Fil Santé Jeunes.
En savoir plus
- Communiqué de presse du 6 avril 2021 : La santé mentale au temps de la Covid-19 : en parler, c’est déjà se soigner
- Santé mentale et Covid-19
- Prendre soin de sa santé mentale pendant l'épidémie de Covid-19
- Aide à distance en santé : l'offre de service
- Bulletins hebdomadaires de surveillance syndromique de la santé mentale
1 Organisation de la surveillance coordonnée des urgences, système de surveillance sanitaire.
2 lnserm, Université de Tours, CN2R, EHESS, Lab School Network, CNRS et avec le soutien du Fonds FHF et de l’Unicef.